Interview
Le 16 juin 2016

Interview premier roman : Sophie de Villenoisy "Il faut se débarrasser de ses croyances et de ses œillères"

« Joyeux suicide et bonne année ! » paru aux éditions Denoël est le premier roman de Sophie de Villenoisy. Un livre drôle et émouvant sur l’urgence de vivre. Le livre a été sélectionné en 2016 pour le prix Maison de la presse, paraîtra aux éditions Livre de Poche l’année prochaine et les droits ont été achetés pour le cinéma. Rien que ça. Petit plus pour nos lecteurs : l’auteur avait déposé un (ancien) texte sur monBestSeller. Elle nous raconte cette première expérience intense.
Sophie de Villenoisy sur monBestSeller.commonBestSeller "c'est bien pour se donner confiance" © Andrew Kovalev
Question: 

Vous êtes journaliste, auteur de BD, comment passe-t-on de la rédaction d’articles de presse ou de scénarios à l’écriture d’un roman ?

Réponse: 

J’avais déjà écrit des guides, des courts-métrages, des histoires plus longues où il faut réfléchir aux personnages, à la structure du récit. J’ai eu un déclic à la parution de mon roman graphique Bien fait !.  Une très bonne critique m’a donné confiance, ce que j’écrivais n’était peut-être pas si mal… Mon entourage me disait depuis longtemps de prendre la plume mais je ne m’en sentais pas capable. La tâche me paraissait insurmontable. J’en avais envie mais je n’avais pas l’histoire. Avec Sylvie Chabert, mon héroïne, j’ai trouvé le personnage. Je me suis sentie légitime dans l’écriture de sa vie. Et il y a eu cet épisode que j’évoque dans le livre, celui où une femme se jette à l’eau pour sauver une personne de la noyade. J’ai moi-même sauté dans la Seine pour récupérer une personne. Alors que je n’aurais jamais imaginé être capable d’un tel acte. Cela m’a libérée. J’ai commencé à écrire. Trop d’œillères, de croyances nous empêchent de faire les choses.

Question: 

Le roman traite de la solitude, de la mort… avec beaucoup d’humour.

Réponse: 

Sylvie Chabert vit dans une profonde solitude. Seule la perspective de la mort va lui donner une urgence de vivre. Beaucoup de gens vivent dans le déni de la mort. Tant qu’on n’a pas côtoyé la mort à travers la disparition de proches ou de la maladie, on la garde à distance. Or, elle peut donner le goût de la vie.

Roman 'Joyeux Suicide' de Sophie-de-Villenoisy
Question: 

Comment s’est déroulée l’écriture du roman ?

Réponse: 

J’ai d’abord écrit les cinquante premières pages que j’ai fait lire à deux proches. Ils ont apprécié et voulaient lire la suite. Cela m’a mis la pression. J’ai mis mes peurs de côté et j’ai avancé. J’avais le déroulé de l’histoire, les grandes lignes. Je n’étais pas certaine de la fin. Certaines scènes sont venues au fur et à mesure, comme celle de la femme SDF dans le métro. Je la vivais en même temps que je l’écrivais, mes cinq sens étaient en éveil. J’écris plutôt l’après-midi et je retravaille le soir. C’est important d’avancer dans l’histoire. Les idées, les phrases me viennent en marchant, à la piscine. Je m’envoie alors des SMS pour ne pas les oublier. Quand j’ai eu terminé d’écrire le texte, il fallait que je l’envoie à des éditeurs. J’avais comme un sentiment d’urgence.

Question: 

Comment avez-vous contacté les éditeurs ?

Réponse: 

J’ai d’abord cherché les éditeurs qui acceptaient les manuscrits par mail. J’ai envoyé mon texte aux éditions Denoël via leur site internet. J’ai eu ensuite la chance d’être en contact avec Tatiana de Rosnay que j’avais rencontrée pour une interview. Je souhaitais envoyer mon manuscrit à son éditeur, les éditions Héloïse d’Ormesson, et voulais lui demander conseil. Elle m’a alors proposé de lire mon roman qu’elle a apprécié et m’a recommandé auprès d’un éditeur chez Flammarion. Il n’était pas intéressé mais j’ai eu un bon retour. J’ai relancé les éditions Denoël via leur page Facebook. J’ai envoyé une seconde fois mon manuscrit car ils m’ont dit ne pas l’avoir reçu. Et tout est allé très vite. Quatre jours plus tard, j’ai signé le contrat.

Question: 

Comment avez-vous travaillé avec votre éditeur ?

Réponse: 

Mon éditrice a pris le temps de relire le manuscrit et m’a indiqué ce qui manquait, les descriptions physiques des personnages par exemple. J’ai ajouté des transitions. Mais le texte a été assez peu modifié. Ensuite, nous avons réfléchi à la couverture (il y en a eu une vingtaine), au titre. J’ai assisté à la réunion avec les commerciaux où j’ai eu dix minutes pour « vendre » mon livre.

Question: 

Votre livre a aussi été sélectionné pour le prix Maison de la presse.

Réponse: 

Oui, en mars, deux mois avant la sortie du livre, j’ai appris qu’il figurait sur la liste des ouvrages sélectionnés par le prix. Joyeux suicide et bonne année ! a fait partie de la dernière sélection. Au même moment, les éditions Livre de Poche ont acheté les droits du livre. Avant même que le roman ne paraisse, j’avais fait gagner de l’argent à mon éditeur ! Il sortira au format poche en 2017 quand le deuxième paraîtra (l’auteur a déjà signé un contrat chez Denoël pour le prochain livre ndlr).

Question: 

Qu’avez-vous ressenti en voyant votre livre en librairie ?

Réponse: 

Le moment le plus fort a été de recevoir les épreuves. Cela m’a beaucoup touchée de voir ce fichier Word transformé en livre. J’avais déjà participé à huit albums BD, voir mon nom n’était pas le plus surprenant. J’ai été étonnée aussi en relisant le texte. Je l’ai redécouvert. Aujourd’hui, je vois des commentaires sur le livre sur certains blogs. Des lecteurs me contactent. On écrit une histoire et finalement, il y a autant de livres que de lecteurs. L’histoire parle différemment à chacun.

Question: 

Quels conseils donneriez-vous aux auteurs pour contacter les éditeurs ?

Réponse: 

Les contacter par le site internet et leur page Facebook et bien se renseigner avant pour trouver la bonne personne à contacter et à qui envoyer le manuscrit. J’ai d’abord cherché à savoir qui faisait quoi au sein de la maison d’édition, puis j’ai écrit en me présentant et en décrivant le livre. Il ne faut pas hésiter à relancer la maison d’édition afin d’être certain qu’elle a bien reçu le manuscrit.

Question: 

Vous avez fait un passage sur le site monBestSeller. Qu’en avez-vous pensé ?

Réponse: 

J’avais déposé un premier texte par curiosité et pour être lue. J’ai reçu des commentaires très positifs. Je voulais voir si une personne pouvait être intéressée. C’est bien pour se donner confiance. Je n’ai pas cherché à aller plus loin. Après, je préfère être lue par des personnes que je connais, dont je sais que je peux attendre des remarques objectives et constructives. J’ai besoin d’avoir confiance dans celui ou celle qui me donne des conseils.

Propos recueillis par Clémence Roux De Luze

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Bonjour et merci pour cette belle histoire.
Il faut oser, alors osons, on ne vit qu'une fois cette vie et c'est une belle opportunité de réaliser certains de ces rêves.

Publié le 20 Juin 2016

Oui. Parcours qui fait rêver! Mais n'est-ce pas pour cela qu'on écrit un peu aussi?... Rêver, faire rêver. Bravo en tous cas et merci pour cet article intéressant plein de judicieux conseils.

Publié le 16 Juin 2016

Bonjour et merci pour cette interview. Félicitations pour ce beau parcours Sophie ! Vous écrivez : " je préfère être lue par des personnes que je connais, dont je sais que je peux attendre des remarques objectives et constructives". C'est formidable si vous avez des connaissances capables de prendre la distance nécessaire à de tels retours, c'est généralement difficile quand il s'agit de personnes proches. Conseil très pertinent pour les maisons d'édition : sélectionner avec soin et chercher pour savoir qui contacter précisément au sein de la maison. Relancer via facebook si pas de nouvelles, je n'aurais probablement pas osé, mais je note !

Publié le 16 Juin 2016