Séries
Le 25 juin 2016

TANAGA d'Alice Quinn - Saison 2 - Chap 2 : Zerda

Un nouvel épisode de TANAGA, la série d'héroïc fantasy d'Alice Quinn à retrouver et à lire en ligne gratuitement tous les mercredis et samedis sur le site. Saison 2 : TORFED - Chapitre 2 : ZERDA.
Tanaga. Série héroïc fantasy d'Alice Quinn à lire gratuitement et en exclusivité sur monBestSeller.comTanaga. Série héroïc fantasy d'Alice Quinn à lire gratuitement et en exclusivité sur monBestSeller.com

Chapitre 2

Zerda

Le lendemain était la veille du rendez-vous que les Guerriers s'étaient fixé. Sans consulter de calendrier, sans même compter les jours, Théo se réveilla avec cette certitude. Elle n'avait plus qu'un jour pour tenter de réunir un maximum de renseignements sur les phénomènes sanglants qui s'étaient produits en France et trouver un moyen d'entrer en contact de façon plus intime avec ses amis Guerriers.
C'était à une heure du matin que, la dernière fois, ils s'étaient fixé rendez-vous, en précisant juste : «À la même heure. » Ce qui voulait dire minuit en Angleterre, puisqu'il y avait une heure de décalage. Elle se demandait quelle heure cela représentait-il exactement pour les autres Guerriers, sachant qu'elle ne pouvait pas avoir de réponse pour l'instant, ignorant toujours dans quels continents les autres habitaient.
Tandis qu'elle s'habillait, le rêve qu'elle avait fait cette nuit se rappela à elle avec une intensité réaliste qui la surprit : elle se promenait autour du lac de Lenngwer, au crépuscule, encerclée de brumes ensorcelantes.
Mais bizarrement, par une de ces étrangetés des rêves, ce lac était semblable en tout point au petit étang rempli de détritus qu'elle avait pu observer la veille depuis la fenêtre du réduit qui servait de salle d'attente au bureau du directeur.
Alors qu'elle avançait, hésitante, au milieu du brouillard surnaturel, elle avait vu s'abattre du ciel une nuée de monstres qui s'apparentaient pour certains à des dragons hargneux et sanguinaires, pour d'autres à des insectes cuirassés et altiers et qui ressemblaient à s'y méprendre aux Écorcheurs. Mis à part que leurs armures faisaient bel et bien partie intrinsèque de leur corps.
Partout où ils passaient, l'étendue jusque-là emplie de calme et de paix se transformait en un lieu de désolation, chargé de bruit et de fureur. Ils finissaient par disparaître dans le lointain, ne laissant derrière eux que cendres fumantes, ruines désolées et gémissements de souffrance.
Théo en frissonnait encore en se dirigeant vers la bibliothèque qu'elle trouva fermée.
Elle s'était réveillée si tôt que ni les bureaux, ni le réfectoire non plus n'étaient ouverts. L'heure du premier cours était encore loin.
Son rêve était si présent qu'elle décida de partir à la recherche de l'étang, qui, lui, était bien réel et qui devait se situer derrière le manoir, près des granges.
En foulant l'herbe grasse devant le perron, elle éprouva un violent plaisir à respirer l'air pur et à sentir le soleil naissant sur son visage. Une magnifique journée ensoleillée de printemps s'annonçait.
Elle fit le tour de la majestueuse bâtisse et accéda ainsi à un espace interdit aux jeunes pensionnaires. Une clôture facilement franchissable en barrait l'accès pour des raisons de sécurité.
C'était par là qu'on remisait les outils un peu plus difficiles à manier et qu'on ne voulait pas mettre entre les mains des jeunes : les tracteurs-tondeuses et le matériel électrique, par exemple.
Elle continua sa recherche avec détermination, essayant de ne pas penser à ce qui pourrait lui arriver si jamais quelqu'un la surprenait dans cette zone.
Une fois la cour passée, avec tous ces outils sous le préau, les remises et les granges, il n'y avait plus qu'une petite palissade donnant sur le bois.
Un coup d'œil vers le haut du bâtiment lui apprit qu'elle était sur la bonne voie car elle reconnut la petite fenêtre du réduit, avec son volet qui battait, mal attaché.
Elle sauta donc allègrement la deuxième petite barrière et elle se retrouva ainsi hors de l'enclos qui déterminait les frontières de la propriété de Brighstone Manor. Devant l'intensité touffue du petit bois, elle eut soudain peur de se perdre et elle décida plutôt d'en faire le tour. Mais il s'étendait assez loin, jouxtant de si près la barrière que cette manière de faire ne lui servit en rien.
Après un bref moment d'hésitation, elle décida de s'enfoncer carrément dans le bois, mais elle ne put s'empêcher, en avançant, de toucher, pour se rassurer, le pendentif féerique qui était à son cou.
Dès qu'elle entra dans la forêt, un épais brouillard s'abattit sur elle et les environs et elle se sentit environnée d'un climat lourd de menaces voilées. Tous ses sens étaient en alerte et elle avait mis son système d'alarme intérieur en haute vigilance. Elle frissonnait d'excitation et de crainte, son ouïe percevait le moindre frémissement des feuillages et ses yeux lui semblaient avoir acquis une acuité jamais égalée auparavant.
Pourtant, plus elle s'enfonçait dans le bois, plus le brouillard s'épaississait et la plombait d'humidité glaçante.
L'analogie avec son rêve était frappante et elle eut soudain peur qu'il ne soit prémonitoire et qu'il ne se réalise vraiment, avec ses Écorcheurs monstrueux, plus bestiaux que jamais.
Elle commença à faire marche arrière, scrutant le sol pour retrouver les traces de ses pas, sans succès car le tapis de feuilles pourries et d'humus qui crissait sous ses pas ne pouvait absolument pas garder d'empreintes.
À son insu, alors qu'elle pensait revenir sur ses pas, elle ne faisait que s'enfoncer davantage et, soudain, un rayon de clarté creva le sous-bois et elle se retrouva exactement au beau milieu des vestiges, tout au bord de l'étang, tel qu'il lui était apparu la veille depuis la petite fenêtre.
Les pierres qui constituaient les restes d'un bâtiment en ruine étaient noires, luisantes, très exactement anthracite, et Théo les examina avec intérêt. Bien entendu, elle leur trouvait un air de ressemblance avec les pierres du château de Menaour Kazell, mais tout en elle réfutait une telle coïncidence.
Malgré tout, elle fouina un peu au milieu des pierres, cherchant des traces de bas-reliefs ou d'objets qui auraient pu accréditer la thèse qu'elle forgeait dans son esprit imaginatif, à savoir que ces ruines étaient celles du château du Monde Perdu qu'elle avait visité avec l'Inspirée et qui abritait la Galerie du Plenum.
Un peu fatiguée, elle grimpa au-dessus du rivage à sec de l'étang et trouva un coin d'herbe tendre pour s'allonger. Toute notion de temps l'avait abandonnée et elle se délectait de ce moment de détente parfaite, oubliant complètement son rêve menaçant et ses affres durant la traversée du petit bois.
Elle mit quelque temps à sentir qu'elle n'était pas seule dans le lieu. Un picotement sur la nuque l'alerta et elle tourna lentement la tête en retenant sa respiration.
Au beau milieu d'un buisson d'épineux, deux billes dorées et luisantes la fixaient. Des yeux. Vifs. Scrutateurs. Légèrement inquiets. À une hauteur de seulement trente centimètres du sol.
Sa première pensée fut pour le Petit Peuple dont elle avait découvert l'existence en lisant la légende du roi Arthur. Incroyable ? Existaient-ils toujours, ces minuscules êtres légendaires de la mythologie celte ? Mais la créature se rapprocha et Théo découvrit alors un délicat et frêle animal roux aux grandes oreilles tendues, à la queue en panache. Un renard ?
Théo sourit, soulagée et resta à le contempler longuement, soudain rêveuse. Quel joli présage les dieux lui envoyaient-ils avec ce double, ce cousin du fennec ?
Un sourire irrésistible flottait sur ses lèvres et elle rêvassait mollement, en caressant machinalement la petite épée à la base de son cou, quand un craquement sinistre la fit sursauter. Elle dut cligner des yeux pour affronter la lumière fulgurante du soleil et vit surgir devant elle une silhouette d'homme à contre-jour.
Effrayée, elle se releva prestement pour découvrir que l'homme n'était autre que Nalyd, qui lui fit son sourire enjôleur en lui demandant si elle aimait le paysage.
Elle poussa un soupir de soulagement et éclata de rire, en lui demandant dans un baragouin d'anglais comment il l'avait trouvée, s'il l'avait suivie.
Mais Nalyd se contenta de sourire en précisant, très sérieusement :
– I'm the one who helps you. Je suis celui qui t'aide.
Le renard craintif s'approcha de lui et, sans aucune sauvagerie, se frotta à ses mains. Nalyd éclata de rire et entreprit de le caresser affectueusement en l'embrassant même sur le bout du museau.
– His name is Zerda, énonça-t-il à l'adresse de Théo, en appuyant ses propos d'un coup d'œil complice.
Zerda. Le surnom que me donnait maman. Il le connaît depuis longtemps, songea Théo, fascinée.
Nalyd lui tendit alors une main amicale qu'elle saisit et il la guida, dos aux ruines, vers le sous-bois pour la ramener au bercail.
Elle ne lui opposa aucune résistance et ne manifesta pas son étonnement de voir que le brouillard qui avait rendu si effrayante la traversée du bois tout à l'heure avait à présent complètement disparu.
Mais elle éprouva le sentiment de ne pas avoir accompli son devoir. Comme un goût d'inachevé. Qu'aurait-elle fait s'il n'était pas apparu pour la raccompagner ? Aurait-elle découvert un secret enfoui dans ces ruines ? Nalyd, par sa venue, elle en était sûre maintenant, avait interrompu quelque chose d'important. Était-ce volontaire de sa part ?
Quand ils réintégrèrent la partie autorisée du parc de Brighstone Manor, Nalyd se retourna pour faire un signe à son renard qui les avait suivis jusque-là. Celui-ci pencha la tête de côté, comme pour approuver, puis il leur tourna le dos et s'évanouit dans les fourrés. Théo crut avoir rêvé l'apparition de cet animal farouche, si rare à apercevoir dans la nature en général et impossible bien sûr habituellement à approcher ou à caresser ?
Nalyd accompagna Théo jusqu'à la porte d'entrée, où il se livra au même manège que la veille, un petit salut-révérence, les mains jointes au niveau du front, en fixant intensément l'épée qui brillait à son cou, puis il disparut à l'angle d'une aile de la bâtisse.
Songeuse, Théo regagna le réfectoire et prit son petit déjeuner de porridge sans même percevoir son horrible goût.
Ce fut seulement en quittant la table, quand elle rapporta au service de nettoyage son plateau, qu'elle aperçut, posé sur le bord, une églantine fraîchement cueillie.
Elle regarda nerveusement autour d'elle, cherchant à comprendre qui avait déposé la fleur, mais personne ne la regardait.
Elle saisit délicatement l'églantine, la huma avec plaisir et, le cœur réjoui par ce petit cadeau, elle se rendit à son cours d'anglais. Elle avait hâte qu'il se termine, sachant que pour elle l'après-midi serait consacré à son travail à la bibliothèque.
Dès treize heures, elle reprit ses rangements de livres. Elle pensait aussi au dossier qu'elle devait constituer pour l'atelier de reliure et aux photos qu'elle ferait avec Nalyd tout à l'heure.
Prospectant du regard les étagères remplies de vieux ouvrages, elle essayait de déceler ceux qui présenteraient les couvertures les plus prestigieuses, les plus photogéniques. En en feuilletant quelques-uns, elle comprit que les étagères les plus hautes recelaient les livres les plus anciens. Il y avait sur les hauteurs des exemplaires datant du XVIe siècle et quelquefois même du XVe.
Plus le temps avançait, plus son regard était attiré vers les étagères du haut. Les immenses manuscrits en parchemin semblaient dotés d'une vie propre et même de voix qui l'appelaient doucement.
Au début, elle ne se rendit pas vraiment compte de cette attirance, mais au bout d'un moment, la douleur qu'elle ressentit dans la nuque lui fit comprendre qu'elle avait la tête exagérément tendue vers le plafond depuis trop longtemps.
Elle se rapprocha le plus possible des vieux grimoires en grimpant sur une fine échelle d'acier ouvragé qui coulissait pour permettre d'atteindre tous les ouvrages du haut.
Mais cette échelle ne parvenait pas aux dernières étagères. D'ailleurs, curieusement, celles-ci étaient faites d'un autre bois, plus archaïque, travaillé, gravé d'arabesques étranges, sans vernis et un peu en retrait.
Tout en haut, sur une de ces étagères qu'elle ne pouvait atteindre, était exposé au milieu d'un fatras d'objets anciens, cassés ou remisés, un gros livre qui ressemblait à un grimoire.
Dépitée de ne pouvoir l'attraper, elle dut se contenter de quelques anciens livres possédant tout de même des enluminures, colorées à la main par quelque artiste de talent.
Elle choisit les plus jolies et les mit de côté pour la séance de photos. En consultant sa montre, elle vit qu'il était presque quinze heures. Le temps passait et elle n'avait toujours pas trouvé le moyen d'entrer en contact avec ses amis Guerriers. Il lui fallait à tout prix trouver un ordinateur relié à Internet, afin de pouvoir agir à minuit pile.
L'administration ? pensa-t-elle soudain.
Oui, elle avait bien vu la veille, pendant qu'elle parlait avec le rapace qui leur servait de directeur, qu'il avait, sur son bureau, un ordinateur. Il avait sûrement une connexion Internet ? Mais comment faire pour y accéder ?
De toute façon, ce n'était pas en restant les bras croisés ici qu'elle y arriverait.
Elle se leva rapidement et courut dans l'escalier pour se retrouver de nouveau dans le réduit devant le bureau du directeur, juste au moment où celui-ci en sortait.
– Tu vas où ?
– Heu... Je venais vous voir.
– C'est important ?
– Oui. C'est pour l'atelier de reliure. J'ai besoin de votre...
– Pas maintenant. Reviens tout à l'heure... dans... disons une demi-heure...
– D'accord. Mais je peux attendre ici ?
– Pas de problème, déclara le directeur.
Super ? Je ne pensais pas que ce serait si facile ? se réjouit trop vite Théo, déchantant immédiatement lorsqu'elle le vit sortir une clé de sa poche et verrouiller son bureau.
Dès qu'il eut tourné au coin du couloir, elle secoua la poignée de la porte avec une énergie désespérée, en vain.
Puis son regard tomba sur la petite fenêtre au volet cassé et elle comprit que c'était sa seule chance.
Elle savait que le directeur avait lui aussi une grande fenêtre donnant sur la même façade, juste à côté de cette petite. Si elle parvenait à se faufiler dans l'interstice, si la corniche était praticable, si elle pouvait s'agripper à un rebord et si la fenêtre côté bureau était ouverte, elle pourrait s'introduire dans la pièce directoriale et voir si l'ordinateur était en état de marche et connecté à Internet.
Beaucoup de si, bien sûr. Trop, peut-être. Mais Théo était d'un naturel optimiste et dès qu'elle entendit les pas du directeur décroître dans l'escalier, elle grimpa sur une chaise pour mettre à exécution son programme.
Tout se passa exactement comme elle l'avait imaginé. Le passage sur la corniche était un peu délicat, à cause du vertige qu'elle n'avait pas prévu, mais, après avoir un peu vacillé, elle s'en sortit en évitant de regarder vers le bas.
Effectivement, il y avait la wifi. Elle parvint sans effort à ouvrir une session sur le PC et à accéder au Break-Space via l'aire de jeu où elle ne s'attarda pas. Pourtant, aussi vite qu'elle fit, elle parvint à entrevoir les tréteaux de la fête qui attendaient l'adoubement des Guerriers.
Ils étaient dévastés par le vent qui avait soufflé l'autre fois, les guirlandes étaient à moitié arrachées, mais le décor était malgré tout en place.
Apparemment, aucun des autres n'avait enfreint la décision de ne pas revenir dans le Jeu jusqu'à la date de rendez-vous, puisque l'adoubement semblait ne pas avoir eu lieu. Elle vit aussi que sur l'estrade reposaient, inertes, les quatre épées restantes. La cinquième, bien sûr, était maintenant en sa possession.
Après avoir actionné le code, son effigie se retrouva seule dans le Break-Space.
Tout était donc en place pour cette nuit.
Elle avait finalement réussi à trouver un ordinateur branché sur Internet. Il ne lui restait qu'à entrer dans ce bureau au milieu de la nuit. Fastoche ?
Elle prit le temps d'effacer « l'historique » de ces quelques minutes de branchement sur le Web avant d'éteindre l'ordinateur, ou plutôt de le mettre sur veille.
Puis, sans bouger, elle fouilla du regard la pièce, ne sachant exactement ce qu'elle recherchait.
C'est alors qu'elle le vit. Le trousseau de clés. Ou plutôt tout un tas de trousseaux de clés. Reposant dans une grande soucoupe. Il y avait des étiquettes sur chacun.
Elle jeta un rapide regard sur la montre au coin de l'écran et sur la porte du bureau, en guettant les bruits de pas.
Rien. Il lui restait encore environ cinq minutes. Aurait-elle le temps ?
Fébrilement, elle se mit à fouiller dans la coupe qui contenait les clés, cherchant à déchiffrer les étiquettes dont les mots anglais ne lui évoquaient pas grand-chose.
Au moment même où elle lisait « manager office », elle entendit les pas dans l'escalier. Paniquée, elle lorgna vers la fenêtre. Trop tard pour l'atteindre. Où pouvait-elle se cacher ? Sous le bureau ? Impossible, il allait mettre ses pieds là. Elle ouvrit précipitamment plusieurs placards, mais ils étaient tous pleins. Pleins d'étagères, de livres, de dossiers. Pas la moindre petite place pour qu'elle s'y cache.
Désespérée, elle saisit entre ses doigts le trousseau qu'elle avait repéré, le fourra précipitamment dans sa poche et elle se propulsa vers la grande fenêtre juste comme la clé tournait dans la serrure.

Le directeur entra dans son bureau sans se douter un seul instant que Théo, suspendue au-dessus du vide, attendait qu'il refermât la porte pour sauter par la petite fenêtre dans le réduit salle d'attente.
Malgré son vertige, un picotement étrange dans la nuque lui fit baisser les yeux vers la cour, juste avant de s'élancer.
En bas, Nalyd, un sourire amical sur les lèvres, la regardait tranquillement se livrer à ses exercices périlleux d'acrobatie.
Elle sauta dans le réduit et après avoir patienté un peu pour que les battements de son cœur cessent elle alla frapper à la porte du directeur.
En entrant dans la pièce, elle rougit à la vue de la soucoupe remplie de clés et s'efforça de ne plus y porter son regard de toute l'entrevue.
Puis elle s'empressa de trouver un mensonge plausible concernant le montage du dossier afin d'endormir la méfiance du directeur et de justifier sa demande d'entretien. Une demi-heure plus tard, elle redescendait, triomphante, à la bibliothèque.
Elle était prête pour la nuit. Elle avait, ou du moins l'espérait-elle, les clés de la partie administrative du bureau, ainsi que celles du bureau même du directeur. Elle n'avait plus qu'à attendre le bon moment.
Alors qu'elle finissait quelques recherches grâce au fichier, en prenant rapidement des notes afin de communiquer ses trouvailles à ses amis Guerriers, Nalyd entra dans la bibliothèque avec un appareil photo électronique.
Ils travaillèrent en silence un moment, Théo n'osant pas lui parler de leur secret. Elle guettait dans son expression un sourire complice ou entendu, mais il arborait toujours son sourire séducteur qui faisait chavirer les filles, ni plus ni moins.
Elle commençait à se demander si ce pauvre Nalyd n'était pas tout bonnement un simple d'esprit, ou peut-être un robot, - tant qu’on y est ? - puis elle se dit qu'il y avait assez de choses inexpliquées et surnaturelles dans sa vie, il était inutile d'en rajouter carrément pour le plaisir du mystère là où il n'y en avait pas.
Nalyd était simplement un beau gosse sympa et dragueur, point barre.
Avant de quitter la bibliothèque, elle lui demanda s'il pouvait trouver une très grande échelle pour le lendemain, afin de pouvoir descendre le vieux gros livre du haut.
Nalyd posa quelques questions pour la forme.
On aurait dit qu'il ne comprenait pas ce qu'elle voulait attraper ainsi, comme si de là où il était, il n'apercevait pas les mêmes choses que Théo.
Elle n'insista pas, se demandant si toute cette incompréhension venait de la langue, ou si simplement elle était la seule à voir le livre. Ce qui ne présageait rien de bon car, jusqu'à présent, chaque fois qu'elle avait été la seule à voir quelque chose, c'est qu'il y avait des Écorcheurs dans le coin.
Depuis qu'elle était ici, il est vrai qu'ils ne s'étaient jamais manifestés, mais cela ne voulait pas dire qu'ils n'apparaîtraient plus.
Bref, elle réitéra juste sa demande pour une échelle, en vérifiant bien le mot en anglais avec le dico et ensuite ils se rendirent ensemble au réfectoire.
Le repas du soir se déroula comme d'habitude et Nalyd et elle se rejoignirent ensuite dans la pièce informatique, où le jeune homme entreprit d'entrer les photos dans un logiciel tandis qu'elle tapait, en français bien sûr, le texte de demande de subvention avec une argumentation pompée sur les autres dossiers, s'aidant du correcteur d'orthographe pour les fautes.
Vers neuf heures trente, ils se séparèrent avec la même cérémonie que la veille, au grand dam de Théo qui fit mine, comme d'habitude, de ne pas remarquer le salut rituel de Nalyd. Il travaille du chapeau ou il se fiche de moi ?
Vers onze heures trente, Théo enfila un gilet polaire sur son pyjama et elle chaussa ses baskets pour se diriger silencieusement vers la partie administrative du manoir. Elle prit son journal, Lully et pensa aussi à se munir de sa petite lampe de poche basse tension qu'elle avait emportée avec elle dans ses bagages.
Son faisceau éclairait ses pas, ce qui la rassurait un peu. Pourtant, son cœur battait la chamade. Plusieurs craintes obscurcissaient ses pensées. Elle avait peur que les clés ne soient pas les bonnes, qu'il y ait un système d'alarme, que quelqu'un vienne inopinément rechercher un objet dans le bureau, qu'un gardien de nuit fasse une ronde au moment où elle y serait, ou que tout autre événement qu'elle ne pouvait pas prévoir se manifeste tandis qu'elle surferait avec ses amis Guerriers.
Mais, comme par enchantement, les éléments ne lui résistèrent pas et s'enchaînèrent de façon parfaite. Trop parfaites, même, se surprit-elle à penser. Puis elle se morigéna. Pourquoi fallait-il toujours que, chaque fois que quelque chose se passait bien, elle pense que ce n'était pas normal ? Après tout, il y avait beaucoup d'endroits où les gens se contentaient de fermer les portes à clé, sans poser de système d'alarme, sans employer de gardiens de nuit faisant des rondes etc.
À minuit cinq à sa montre, elle ouvrait l'ordinateur et cliquait sur les différents codes pour actionner le Break-Space.
Son effigie se retrouva propulsée dans leur salle de repos virtuelle. Personne. Fennec des Sables se mit à marcher de long en large, impatiente de voir les autres arriver. Rien. Au bout de dix minutes, elle était toujours seule.
Théo pesta, enragea, car elle craignait de se faire surprendre. Sa position était délicate, il fallait faire vite.
Elle fit asseoir son avatar sur un canapé, pendant qu'elle-même rongeait son frein. Un bruit caractéristique lui annonça l'arrivée d'un des Guerriers, puis des autres, comme s'ils s'étaient donné le mot pour arriver tous en même temps.
Les dialogues se succédèrent alors à une vitesse jamais atteinte depuis qu'ils jouaient ensemble. On aurait dit qu'ils sentaient tous que leur temps était compté.
Chacun tentait de faire partager aux autres le fruit de ses recherches ainsi que les événements auxquels ils avaient assisté. Bien entendu, ce fut Théo qui, avec sa pénétration au cœur même de son ordinateur le jour où elle avait travaillé à la bibliothèque de son lycée, son aventure à Menaour Kazell aux côtés de Lully, l'Inspirée et sa véritable bataille avec les deux Écorcheurs, obtint le plus grand succès.
Elle parvint donc à les prévenir de ce qui les attendait s'ils se rendaient sur le Jeu et qu'ils tentaient de saisir leur épée. Comment ils seraient transplantés en vrai dans le Monde du Jeu et comment ils devraient réellement combattre des Écorcheurs.
Les autres semblèrent à la fois terrorisés, mais aussi, comme elle s'y était attendue et comme elle l'avait craint, attirés par la perspective de se battre vraiment avec leurs ennemis.
Elle leur parla aussi de la Galerie du Plenum à trouver, de l'Inspirée, de Lenngwer, le lac ténébreux et régénérant.
Elle eut même le temps de leur dire comment réussir à écarter un Écorcheur lorsqu'il surgissait dans leur monde, que l'Inspirée appelait le Monde Nouveau, en bloquant sa pensée sur des images anodines vides ou très belles, pour ne pas faire naître leur apparition.
Ce fut elle qui leur communiqua le plus d'informations nécessaires à leur survie.
Par contre, pour ce qui était des recherches menées sur les mots-clés, elle avait pris un sérieux retard et les autres apportèrent pas mal de précisions. Un passage sur le Verbe Unique était intéressant, mais ne conduisait pas très loin. C'était Glaive d'Or qui en avait fourni les rudiments qu'elle leur résuma ainsi :
– Je n'ai pas compris grand-chose, mais je vous livre tout en bloc, peut-être y verrez vous plus clair. Voilà ce que j'ai trouvé : « Le Verbe Unique, c'est la conscience de l'Univers et même de l'Universel, car le Verbe est l'expression de l'Unique. Fidèle à son évolution, la Lumière du Verbe s'est propagée et son émanation s'est développée en gardant l'harmonie de l'équilibre comme principe absolu. Ainsi la Lumière du Verbe Unique transmet un code créatif. Une équation de Vie, la matrice qui permet au monde matériel d'exister en toute harmonie. »
La discussion se déroulait en accéléré et Théo n'avait pas le loisir d'imprimer ce qui se disait. Elle essayait donc d'enregistrer dans sa mémoire les propos échangés, tout en prenant des notes sur Lully, son journal.
Dream Song prit alors la parole pour expliquer qu'il avait vu en rêve un moyen d'en savoir plus les uns sur les autres.
– Je sais comment avoir accès à nos identités. Un Chant du Rêve me l'a dit. Mais je n'ai pas encore eu le temps de vérifier si j'ai bien compris le message. Il nous faut trouver une source d'eau fraîche. Une source naturelle. Si possible à la croisée de deux chemins. Laisser couler l'eau entre nos doigts et prononcer cette formule magique : « Aman, Imin, Imma, Ma ».
Je crois que nous pouvons alors nous apparaître les uns aux autres. Vraiment. Tels que nous sommes dans la vie, en une sorte de carte d'identité animée. En tout cas, je vais essayer dès aujourd'hui.

De l'eau qui s'écoule entre les doigts, avec une formule spéciale, dans une langue ancienne, une langue perdue ? Une langue morte ?
En recopiant, Théo sentait un frisson parcourir son dos. Était-ce le pouvoir de ces mots mystérieux ? Que voulaient-ils dire exactement ? Le Chant du Rêve de Dream Song était-il si ancien qu'il avait la puissance et le pouvoir de créer des images, de téléporter leurs identités ? Ou n'était-ce qu'un charabia ridicule, qui ne donnerait rien une fois essayé ?
Dans l'ensemble, l'échange fut plutôt frustrant car aucun d'eux n'avait trouvé le moyen de se retrouver dans la Galerie du Plenum afin de pouvoir, comme leur avait suggéré le Grand Chat, communiquer en toute liberté.
Dans une dernière tentative ils tentèrent d'échanger leurs mails perso, mais sans succès, immédiatement bipés par la censure automatique.
Dépitée, Théo dut mettre fin à sa participation et après un salut dans les règles, « Ab imo pectore… », elle éteignit l'ordinateur non sans avoir effacé son passage de « l'historique » du Net.
Elle remit tout en place, jeta un dernier regard sur la pièce grâce à sa lampe de poche et ouvrit lentement la porte du bureau pour sortir.
Elle allait repartir dans le couloir lorsqu'une forme assise sur la chaise dans le petit réduit la fit sursauter. Elle braqua sa lampe sur le visage de l'homme, qui souriait de son sourire le plus gentil.
– Oh ? Non ? Nalyd ? Ça suffit de me faire toujours peur comme ça ? Mais qu'est-ce que t’as à me suivre partout ? Et qu'est-ce que tu fais là ?
– And you ? demanda Nalyd, dévoilant ainsi pour la première fois qu'il comprenait bien le français.
Théo s'était appuyée sur le mur, soupirant et appuyant des deux mains sur son cœur pour l'empêcher de battre trop fort.
– Non. Toi d'abord ?
– I'm the one who helps you, Théo. Did you forget it ? Je suis celui qui t'aide, Théo. L'as-tu oublié ?
De mauvaise humeur, Théo le poussa sans répondre. Elle marcha d'un pas vif jusqu'à sa chambre, oubliant les règles les plus élémentaires de discrétion.
Elle claqua sa porte au nez de Nalyd et s'effondra sur son lit, mécontente de sa discussion avec ses amis Guerriers et mécontente de sa rencontre avec Nalyd. Mais qu’est-ce qu’il a à me suivre partout comme ça ? Il veut quoi ? Il commence à me foutre les boules !
Craignant de ne plus pouvoir communiquer avec les autres, réalisant qu'ils s'étaient quittés sans se fixer de nouveau rendez-vous, elle s'endormit d'un coup, d'un sommeil agité.

C’était Zerda, le chapitre 2 de TANAGA - Saison 2 – Torfed
© Alice Quinn - tous droits réservés – 2016 

Rendez-vous mercredi pour le chapitre 3 de la Saison 2 de TANAGA !

 

J’ai voulu retrouver avec ce roman d’héroïc fantasy la joie de l’écriture de feuilletons, qui m’a toujours fascinée. J’espère que vous partagerez cette passion avec moi.
Dans un premier temps, 2 tomes seront donc ainsi déclinés chapitre par chapitre, gratuitement, en ligne, le temps qu’il faudra, à raison de 2 chapitres par semaine, les mercredis et les samedis, à 10 heures.
Si des fautes, des incohérences ou des coquilles se sont glissées à mon insu dans le texte, je vous serais reconnaissante de m’en informer.
Vous pourrez trouver la saison 1, Les écorcheurs, sur Amazon.fr le 27 juillet 2016
Pour la saison 2, Torfed, de sera le 15 Aout 2016.
Vos remarques et retours me permettront de corriger ces détails avant la sortie.
Merci de votre aide et participation.

Si vous êtes impatients et que vous préférez lire les saisons d’un seul tenant, vous avez accès au roman en pré-commande sur Amazon.
Vous le recevrez automatiquement dès sa publication dans un format numérique.
Merci

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Illustration couverture par Alex Tuis
Graphisme couverture réalisée par Kouvertures.com

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Bonjour Alice et merci pour ce chapitre. L'histoire avance bien. Dommage qu'il y ait quelques incohérences et un certain nombre de coquilles quant à la forme. Voici un retour (non exhaustif mais vous aurez tout de même quelques pistes de réflexion) : « Elle se demandait quelle heure cela représentait(-il) exactement pour les autres Guerriers » (segment en trop) / « sachant » et « ignorant » consécutivement dans la même phrase, un peu lourd / « (Mis à part que) leurs armures faisaient » (irrecevable à l'écrit) / des répétions (désolation – désolée / de ses pas – sous ses pas – sur ses pas / en général – habituellement / tentative – tentèrent / etc...) / encore beaucoup de phrases avec beaucoup de que et de qui / « ni les bureaux, ni le réfectoire (non plus) n'étaient ouverts » (cette négaton est de trop : irrecevable à l'écrit) / des qui inutiles (par ex : « elle décida de partir à la recherche de l'étang, qui, lui, était bien réel et (qui) devait... ») / des reprises inutiles (par ex : « Elle sauta donc allègrement la deuxième petite barrière et (elle) se retrouva... ») / « Après un bref moment d'hésitation, elle décida de s'enfoncer carrément dans le bois, mais elle ne put s'empêcher, en avançant, de toucher, pour se rassurer, le pendentif féerique qui était à son cou. » (phrase peu digeste) / des lourdeurs via reprises (par ex : « un épais brouillard s'abattit sur elle (et) les environs (et) elle se sentit... ») / des tournures à mon sens pas très heureuses (« Tous ses sens étaient en alerte et elle avait mis son système d'alarme intérieur en haute vigilance. » par ex) / « Incroyable ? » (je ne comprends pas ce que vous voulez exprimer via cette interrogation) / « I'm the one who helps you. » (incorrect et en plus avec une faute. S'il est anglais, il faudrait qu'il s'exprime dans un bon anglais ;-) ) / une tendance à multiplier les appositions, ce qui alourdit les phrases et les rend peu digestes, d'autant plus que cela revient régulièrement (un autre tic d'écriture avec les que qui qu' ?) / « Super ? Je ne pensais pas que ce serait si facile ? » (pourquoi des formes interrogatives ici?) / « Nalyd était simplement un beau gosse sympa et dragueur, point barre. » (à mon sens pas du tout crédible que Théo pense ça) / « qu'elle avait emportée avec elle dans ses bagages. » (on s'en doute, à mon sens tout à fait inutile) / « Trop parfaites » (pourquoi un -s à parfaites ?) / « ils avaient assisté » (cela reprend chacun, ça devrait être (il avait assisté) non?) / « comme elle s'y était attendue » (pas de -e à attendu) / «Oh ? Non ? Ça suffit de me faire toujours peur comme ça ? » (pourquoi des formes interrogatives ici?) / « I'm the one who helps you, » (même forme incorrecte et avec une faute que précédemment) / « Did you forget it ? » (forme incorrecte dans ce contexte, problématique pour quelqu'un censé être anglais). Cordialement :-)

Publié le 07 Juillet 2016

@Colette bacro
Merci pour vos remarques toujours super. Oui, c'est plein de bons sens de fixer ces "systèmes d'alarme",
mais le fait est que quand j'écris, prise par l'histoire, même en relisant plusieurs fois, je ne remarque plus ces défauts de style.
je vois l'action, Théo, le paysage, l'atmosphère, j'entends les voix, je sens les odeurs, c'est une sorte de transe.
Je vous assure, c'est vrai! Bref, les mots s'effacent devant les images animées qu'ils provoquent en moi.
J'espère que pour la plupart des lecteurs, ça suscite la même chose, en attendant que j'aie le temps de faire ces petites corrections...
Merci pour tout...
@Yannick A. R. FRADIN , OK,
Rv est pris, surtout passez de bonnes vacances!
à bientôt
Alice

Publié le 26 Juin 2016

Bonjour Alice. Je suis sur le départ pour une semaine de vacances sans connexion. Je pensais avoir le temps de vous lire avant de partir mais il se trouve que non. Je le ferai donc (avec les deux chapitres suivants) à mon retour début juillet. A bientôt. Trois chapitres d'affilée en revenant, chouette :-)

Publié le 25 Juin 2016