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Le 22 mar 2017

Mon aventure chez Gallimard

Elen Brig Koridwen est de retour ! Après ses aventures chez Robert Laffont précédemment contées ici, et sa rencontre avec les comités de lecture de Gallimard rapportées dans cette tribune, elle en a appris suffisamment sur les "voies impénétrables" de l'édition pour décider de s'autoéditer. Avec succès. Et donner aux auteurs en quête du Graal quelques conseils mûrement réfléchis. Et avisés.
Comment trouver un éditeur pour son livre ?L'éditeur, le Graal ?

Dans les années 2000, j’ai soumis l’un de mes manuscrits chez Gallimard.

Il s’agissait de Propos d’homme à homme, qui a eu, début 2016, l’honneur de recevoir un accueil flatteur sur monBestSeller. J’avais écrit ce roman à l’âge de 22 ans, mais, malgré les compliments que m’en avait fait Roland Laudenbach (des Éditions de la Table Ronde) qui en avait eu la primeur, je n’avais jamais tenté de le faire publier ; ma vie tumultueuse m’entraînait déjà vers d’autres horizons.
Je ne sais plus trop pourquoi, une vingtaine d’années plus tard, j’ai soudain ressorti Propos d’un tiroir.

Gallimard fait partie de ces rares maisons d’édition où l’on trouve encore autre chose que de la littérature industrielle, ou du moins « grand public ». Sous la sobre couverture crème à filets rouges et noir de sa célèbre collection Blanche, sont parues des œuvres couronnées par les prix littéraires les plus prestigieux.

Aujourd’hui, les auteurs vedette de cette illustre maison ne sont pas des VIP gratifiés de ghostwriters (ces « nègres d’édition » qui, comme ma consœur Nila Kazar ou votre humble servante, écrivent ou réécrivent dans l’ombre). Il s’agit encore pour l’essentiel de vrais écrivains ; ils font de la littérature, pas des best-sellers à la chaîne. C’est une particularité digne d’admiration – presque un miracle.

Hélas, ces écrivains sont aussi, de façon d’autant plus voyante que leur espèce se raréfie dans le monde du livre, issus d’un microcosme germanopratin « endogamique », comme le définit plaisamment Nila : un milieu d’intellectuels qui se coopte avec soin, n’allant guère chercher des talents que chez les amis, alliés ou amant(e)s ; à la rigueur parmi les universitaires. Des canapés où il faudrait s’étendre pour être agréée, à ceux que l’on peut enfin déguster entre élus, le mode de sélection tourne quelque peu en rond : quand un(e) inconnu(e) surgit, on peut être certain qu’il ou elle a emprunté une porte dérobée plutôt que de passer par le service des manuscrits.

Résultat, la Blanche se lit de moins en moins, et souvent avec ennui, voire consternation : elle regorge d’auteurs pédants qui « s’écoutent écrire », qui se croient de bonne foi géniaux, grâce aux rubriques littéraires des médias, devenues de simples pages publicitaires. Sans compter les prix littéraires, divines comédies entre jeu de rôles, chaises musicales et partage de butin. Vous me trouvez dure ? Je veux seulement vous rassurer sur vous-mêmes.

Revenons-en à mon expérience personnelle, qui ne manque pas de piquant.

À l’époque en question, Gallimard fascine toujours auteurs et lecteurs.

Ce n’est pas encore un empire tentaculaire, aux ambitions financières si assumées que le groupe LVMH s’y associera en 2013. Antoine Gallimard n’est pas encore président du Syndicat National de l’Édition, où, à partir de 2010, il va mener sa guerre absurde contre Amazon (qu’il utilise néanmoins) et les auteurs indépendants.
Ce qui fait parler de l’éditeur au cours des années 2000, c’est qu’il publie la traduction française de Harry Potter, saga dont on prétend l’auteur en titre sortie de nulle part, et même de la misère. Bien entendu, cela fait rêver au sein des chaumières sans feu où tant d’humbles tâcherons, emmitouflés dans trois couvertures, peaufinent leur œuvre immortelle de leurs pauvres doigts raidis par le gel.

Je connais un peu la maison mais n’en suis pas connue, grâce au fait que, dans l’édition comme ailleurs, j’ai toujours porté pseudonymes et passé sous silence l’existence de mon parrain, membre de l’académie française (une pensée émue pour cet homme d’exception…). Je peux donc envoyer mon « bébé » sous un pseudo inédit, par la poste, comme tous les malheureux qui ne franchiront jamais le premier barrage : celui de la réception des manuscrits. Il faut savoir qu’en moyenne, dans l’édition française, 1 sur 6 à 8 000 seulement finira parmi les heureux élus.

Propos franchit néanmoins l’obstacle, et se retrouve bientôt en « première lecture ». Goûté et approuvé, il monte quelques semaines plus tard en « deuxième lecture », où le tri se fait encore plus sélectif.

Une assez longue attente, sans trop d’illusions… puis j’apprends avec stupeur que mon roman se trouve en « troisième lecture » :

l’étage juste en dessous de l’Olympe. Celui où, normalement, un manuscrit qui a eu l’honneur de plaire aux comités précédents va enfin recevoir une dernière onction ; l’imprimatur, ou presque. Imaginez l’émotion dans ma chaumière !

Peu de temps après, alors que je commençais à y croire pour de bon, Philippe Demanet, secrétaire littéraire chez Gallimard, m’apprend non sans grimace que Propos d’homme à homme vient d’être « barré » in extremis par deux membres du comité suprême : Michel Tournier et Philippe Sollers.
Tiens, pourquoi ne suis-je pas vraiment étonnée ?…

Philippe Sollers, dont le critique littéraire Pierre Jourde a fait un désopilant portrait au vitriol dans La littérature sans estomac, s’est « illustré » quelques années plus tôt en faisant éditer la biographie de Loana, la vedette de l’émission de téléréalité Le Loft. La genèse de cet événement littéraire de haute volée s’est déroulée sous les yeux du public : sur un plateau de télévision, Sollers, regardant la starlette droit dans les seins, s’est écrié : « Toi, tu as un minois d’écrivain ! ». Humour ? On aimerait le croire.
Pourtant, cette déclaration passionnée a bel et bien eu des suites éditoriales. Écrites en fait – on s’en doutait – par le « nègre » Jean-François Kervéan, les « mémoires » de Loana ont été publiées en 2001 sous le titre Elle m’appelait Miette. Cent mille exemplaires vendus, tout de même !

Bon, quand on voit que l’an dernier, des séances de dédicaces de Nabilla ont provoqué des émeutes, on comprend que la littérature n’est plus vraiment ce qu’elle était ; en devenant un produit de grande consommation, ce dont on pourrait à première vue se féliciter, elle a un peu-beaucoup perdu le nord : il n’est plus question de culture qui s’offre à tous, mais d’une course éhontée aux gros tirages, dans le plus total mépris des lecteurs.
Ha ! les lecteurs ! me rétorquera-t-on : justement, les éditeurs ne sont pour rien dans cette dérive : la « dictature des marchés » n’est autre que celle des consommateurs…
OK, mais ne pourrait-on rêver d’initier aux délices d’une certaine gastronomie, même les amateurs de McDo ?
Je m’égare ; revenons à mon Propos.

Si ce manuscrit avait rencontré Sollers par auteur interposé, je suppute (sans jeu de mots) que mon 95 bonnets C aurait, au premier regard, convaincu l’auguste censeur des qualités de ma plume. À moins, bien sûr, qu’il n’ait tenu à d’abord tester mon poil… En fin de compte, je suis plutôt soulagée : les jeux honteux du couche-toi-là-que-j’t'édite, très peu pour moi !
Je ne résisterai pas au plaisir de vous rapporter le commentaire de Philippe Sollers sur mon roman, cafté par un Demanet quelque peu choqué : « Des trucs comme ça, on en reçoit tous les jours ». Celles et ceux d’entre vous qui ont lu Propos d’homme à homme apprécieront. Et ne parlons pas des membres des premier, deuxième et même troisième comités de lecture gallimardiens, auxquels cette réflexion désinvolte niait carrément toute compétence.

Concernant Michel Tournier, autre écrivain-phare, je me permettrai de citer une phrase révélatrice (extraite d’une interview de Télérama republiée en 2016 après son décès) : « j’avais l’ambition inavouée, mais bien présente, de trousser un récit si captivant et si parfait qu’il mettrait un point final à toute tentative ultérieure. Et je vous avoue que, depuis 1976, je fais toujours le guet… ». Il n’y a pas à dire : la renommée, ça décomplexe.
Tournier, donc, a qualifié mon Propos de « guide touristique ».
Il est vrai que l’histoire, plutôt trouble puisqu’elle mêle espionnage et roman de mœurs, consiste en partie en un jeu de pistes, puis une cavale à travers les paysages du Maroc. Depuis cette réflexion perfide, j’ai coupé quelques passages : Oualidia, Kénitra. Comme quoi tout commentaire, même cruel ou de mauvaise foi, est bon à prendre.

Après coup, je me suis demandé si je n’avais pas fait les frais d’une incompatibilité d’humeur politique (ce cancer-là, ça pourrit tout) entre mon parrain, homme de lettres de la vieille école, et les deux écrivains militants que sont/étaient Sollers et Tournier, mystérieusement avertis de mon identité. Règlement de compte à Gallimard Corral…
Quoi qu’il en soit, le veto de mes exécuteurs m’a rendu service, comme mes péripéties chez Robert Laffont, puisque tout cela a fini par me mener aux joies de l’autoédition.

La morale de cette histoire ?
Ami(e)s auteurs débutant(e)s, les voies des éditeurs sont impénétrables.

Votre talent encore obscur passera au filtre de critères tout aussi obscurs. Alors, ne cherchez pas à faire mouche en maquignonnant des romans calibrés pour plaire ; vous ne saurez jamais d’avance ce qui retiendra l’attention des jurés – pardon, des comités de lecture.

Inutile aussi de poster en rafale, d’envoyer des copies de votre manuscrit à l’assaut de toutes les adresses connues – d’abord, ça coûte un bras –, pour ensuite attendre des réponses pendant des mois, voire des années, en désespérant de votre valeur.

Et bien sûr, ne vous contentez pas d’offrir à la cantonnade, en le balançant tel quel sur la Toile, un premier jet validé (ou pire, corrigé) par vos proches. Ou alors, choisissez-les à la fois compétents et méchants comme la gale. Car l’amour n’est pas tellement bon juge. En revanche, les commentaires des lecteurs seront sans pitié ; cent fois pires que les vacheries conjuguées d’une copine jalouse et d’une belle-mère hargneuse…

Faites simplement votre boulot : retroussez vos manches, troussez votre Muse. Même si elle résiste.

Documentez-vous à fond, pour ne pas raconter n’importe quoi : contrairement à l’adage, le ridicule tue – en particulier les auteurs.

Écrivez sans relâche, sans pour autant oublier de lire : les bons auteurs sont la source où nous puisons inconsciemment notre style. Alors Twilight et la prose de Musso, hem… comment dire ? cela vous portera plutôt préjudice. (Bon, certains succès démontrent le contraire. Tout dépend de ce que vous visez : écouler beaucoup de McDo, ou apprendre que vous avez du talent ; zapper les commentaires indignés en vous disant « m’en fous, je cartonne sur Amazon », ou échanger avec des lecteurs exigeants qui auront apprécié de vous découvrir.)

Améliorez-vous avec opiniâtreté : on s’améliore toujours, jusqu’à la mort ou presque. Et ne vous pressez surtout pas : l’impatience (bien compréhensible) sera votre pire ennemie ; mieux vaudra toujours un brouillon dans votre ordi qu’un texte bâclé mis en ligne. Chaque fois que je relis l’un de mes livres publiés, je rougis de n’avoir pas pris le temps de mieux peaufiner : un bon texte, comme un bon vin, il faut le laisser parvenir à maturation.

Enfin, soyez vrai. Croyez-moi, cela se sent.

En résumé : respectez vos lecteurs, sur tous les plans.

Essayez de leur mitonner un plat goûteux, mémorable, plutôt que torcher vite fait une historiette « vendeuse ». C’est aussi vous respecter, vous. Et vous offrir une chance de vous surprendre vous-même.

Les sites tels que monBestSeller ont l'avantage de vous permettre de tester votre manuscrit sur un vaste lectorat, avant de le soumettre à éditeur ou l'exposer sur les plateformes de vente. Quelles que soient les réactions, relisez-vous encore plusieurs fois, de préférence à voix haute.

Si vous avez donné le meilleur de vous-même dans un, deux, dix manuscrits successifs bien écrits, bien mis en page, mais où, par-dessus tout, l’on entrevoira votre âme, le Graal viendra à vous.
Soit sous la forme d’un éditeur, si c’est ce dont vous rêvez (et grâce à la magie du Net, c’est peut-être bien lui qui viendra vous chercher) ; soit via l’autoédition – qui m’a donné tant de bonheur, comme chantait Charles Aznavour.
La loi d’attraction n’y est pour rien : tout travail acharné trouve tôt ou tard sa récompense. Les vôtres seront le succès (ne serait-ce que d’estime) et votre propre satisfaction. Sans triche ni compromissions, sans lourdes dépenses et sans vaines démarches.
C’est un auteur heureux qui vous le dit.

Elen Brig Koridwen

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22 CommentairesAjouter un commentaire

@Fred Oberson
Cher monsieur Oberson, ne dit-on pas que la vie est un feuilleton ? :-)
Merci de votre aimable intérêt pour "Propos d'homme à homme", qui, lui, n'est pas une nouvelle mais un roman (avec d'ailleurs une atmosphère assez particulière, entre roman de mœurs, polar et espionnage). Je serai ravie de recueillir vos impressions !
Bien amicalement,
Elen

Publié le 08 Avril 2017

@ Elen Brig Koridwen

Votre article sur votre périple d’écrivaine en quête d’un éditeur « galimatias » pourrait être écrit sous forme d’une nouvelle comme, sans doute. vos « Propos d’homme à homme » que je vais lire sans tarder.
Bien à vous, Fred

Publié le 26 Mars 2017

@Charlotte de Garavan
Chère Charlotte, nous sommes tout à fait d'accord, et je suis heureuse que vous ayez, vous aussi, trouvé votre épanouissement dans l'autoédition. J'ai pourtant vécu une expérience positive avec un micro-éditeur pour le tome 1 de ma saga Élie et l'Apocalypse (je la raconterai une autre fois), mais vous avez raison, seule l'autoédition permet d'améliorer ses textes après coup. Et cela, pour des perfectionnistes de notre espèce, c'est inappréciable ! :-)
Bien amicalement,
Elen

Publié le 26 Mars 2017

Ah, Gallimard ! En vous lisant @Elen Brig Koridwen j’ai repensé à la naïveté qui m’avait amenée à franchir un jour la porte de cette maison. En petite provinciale, montée à Paris, mes manuscrits sous le bras parce qu’il eut mieux valu les déposer en mains propres, je n’hésitai pas alors à lâcher mes ‘œuvres’ dans les meilleures maisons d’édition de la capitale… arpentant les trottoirs par tous les temps, j’entrai dans ces illustres lieux où parfois même un code d’entrée était demandé à l’arrivée. Et puis l’attente, et puis les lettres en retour avec cette fameuse formule ‘Nous sommes désolés mais votre manuscrit ne correspond pas à notre ligne éditoriale’… formule de politesse il va sans dire.
Si mes illusions m’ont accompagnée… si j’ai pu m’en vouloir d’avoir laissé un manuscrit dans un lieu où il ne pouvait être apprécié à sa juste valeur parce qu’il n’avait sans doute pas même été ouvert, je ne regrette rien. Cela fait partie du chemin. C’était avant, quand Monbestseller n’existait pas… quand l’auto-publication n’avait pas démarré, quand nous n’avions pas d’autre possibilité que celle d’espérer qu’un jour vienne où un éditeur se pencherait sur notre cas. J’ai pu aussi rougir en relisant mes textes publiés et pas encore complètement aboutis mais c’est aussi la preuve qu’en nous quelque chose progresse, alors il convient de reprendre son texte (et l’auto-publication le permet), de travailler et retravailler encore. Lorsque je me compare, je me déçois parfois mais je me rassure aussi… et je me dis qu’il n’y a pas à se renier.
Ecrire, d’abord pour soi, et si d’autres vous lisent alors ça n’aura pas été pour rien.
L’article ci-dessus va dans le sens de ce qu’une amie, ancienne éditrice, me disait récemment à savoir que l’édition ça n’est rien d’autre que de l’entre soi. Mais n’est-ce pas aussi le cas dans d’autres domaines ? La vie malheureusement nous enseigne qu’il vaut souvent mieux avoir du réseau que du talent… l’extrait de l’article ci-dessous vient à propos (‘… dans la maison, tout le monde a un ami écrivain.’)
http://bibliobs.nouvelobs.com/actualites/20170323.OBS7044/edition-que-se-passe-t-il-dans-ces-fameux-comites-de-lecture.html

Publié le 25 Mars 2017

@Pierrick Blin-Paulin
Cher monsieur, que vous dire ? Merci beaucoup pour ce témoignage sans langue de bois. Non, le microcosme qui "s'écoute écrire" ne date pas d'hier. Oui, je trouve aussi que la gloire de Sollers est surfaite. Mais on pensera sûrement que mon jugement est inspiré par une rancœur que, pourtant, je suis à cent lieues d'éprouver. Cet aspect de l'édition m'amuse à titre personnel, mais me navre au nom de la littérature – et des auteurs de bonne volonté (ce n'est pas mon cas, je suis un franc-tireur) blackboulés par un système soucieux de savourer ses privilèges en petit comité. Comité d'épuration, s'agissant des manuscrits étrangers au cercle des élus... Bref, d'accord avec chaque point de votre commentaire, y compris votre opinion sur le délicieux Érik Orsenna.
Bien amicalement,
Elen

Publié le 24 Mars 2017

@Elen brig Koridwen

Bonjour, J'ai apprécié votre article. Pour la petite histoire (qui n'a pas grande importance, je vous l'accorde)je ne laisse plus de commentaires sur ce site étouffé par le "renvoi d'ascenseur", et ce côté salon chichiteux où il est d'usage, pour être toléré, d'y apporter son académisme et son lot de phrases creuses mais politiquement correctes. Néanmoins, je fais une exception aujourd’hui car votre regard sur le monde de l’édition m’a rappelé quelques souvenirs. Mais je ne vous adresse pas ce message pour vous relater mes années amusantes, en même temps que désolantes, dans le petit microcosme littéraire. Non, je suis, tout simplement, suffoqué d'observer qu'un piètre écrivain comme Sollers soit toujours directeur de collection chez Gallimard. En effet, ce père d'une oeuvre globalement médiocre a du faire ce qu'il fallait pour occuper ce siège depuis si longtemps. Car enfin, excepté la réelle qualité de son second roman, "Le Parc" (1961), la réussite de "La fête à Venise" (1991), l'intéressant concept de "Paradis" (1981) et quelques bonnes pages de "Femmes" (1983), le "reste", pourtant important en terme de quantité, est plat, redondant, bavard et, pour ma part, exsangue tant l'émotion et la vie y sont absentes. J'ai lu ce triste sire à une époque, déjà lointaine, où l'éditeur qui m'employait ne voyait que par lui. Obéissant et encore un peu "jeunot" à l'époque, j'ai ainsi découvert tout ce que je n'aimais pas dans la littérature: de l'esbroufe, des phrases sans âme et ce "je m'écoute écrire" insupportable et bien français, hélas. Aussi, je me désole de voir qu'un Erik Orsenna, écrivain de grand talent et d'une vraie gentillesse (j'ai eu l'occasion de passer un moment avec lui, à l'époque de "L'exposition coloniale" en 1988) ne puisse pas, avec cent fois plus de talent, diriger la collection Gallimard où le suffisant sieur Sollers nous a "imposé" l'exécrable Nabe ainsi que le trouble et décadent Matzneff. Voilà, chère Madame, le petit billet que je tenais à vous adresser. Merci pour votre article sur les errances du petit monde de l'édition, errances qui, hélas, sont anciennes. J'entendais déjà cela en 1976. Bien à vous

Publié le 24 Mars 2017

@Michel CANAL
Merci pour ce commentaire, cher Michel. Votre gentillesse n'a d'égale que votre humilité en tant qu'auteur, qualités pas toujours de mise, et d'autant plus appréciables.
Amitiés,
Elen

Publié le 24 Mars 2017

Merci @Elen Brig Koridwen pour cet article sur les "voies impénétrables" de l'édition pour décider de s'auto-éditer et donner aux auteurs indés que nous sommes — en quête du Graal — quelques conseils mûrement réfléchis.
Vous nous faites une fois encore bénéficier de votre expérience et de votre talent pour l'exprimer. Il n'y a rien à ajouter, vous avez tout dit ; et vos conseils, pertinents comme toujours, seront tellement utiles à qui saura les suivre.
Vous le savez, je suis un lecteur assidu et un admirateur inconditionnel de vos écrits. Vous avez tant à nous apporter. Chaque intervention sur cette plate-forme est une opportunité, pour beaucoup d'auteurs (si toutefois ils réagissent comme moi) de faire le point, de s'interroger, d'essayer de s'améliorer, de se positionner. C'est chaque fois une piqure de rappel tellement bénéfique.
Je retiendrai deux passages de votre article — que je reprends dans un ordre différent — que chacun devrait méditer : "... tout travail acharné trouve tôt ou tard sa récompense. Si vous avez donné le meilleur de vous-même dans un, deux, dix manuscrits successifs bien écrits, bien mis en page, mais où, par-dessus tout, l’on entrevoira votre âme, le Graal viendra à vous."
Auteur amateur que l'on est, ne devrait-on pas en faire son crédo en s'auto-publiant sur mBS ? Avec toute mon amitié, Elen.

Publié le 24 Mars 2017

@chathymi
Merci pour votre commentaire !
J'ai écrit plusieurs billets, ici ou sur mon blog, qui traitent de la façon dont l'édition "remixe" les ouvrages pour les rendre compatibles – avec des collections, comme le dit Patrick, ou avec des visées commerciales, ou encore avec la vision de l'équipe éditoriale, parfois judicieuse, parfois moins.
Votre image du tableau à retoucher est très intéressante. En effet, il semble bien que l'édition soit le seul domaine artistique où, au lieu de prendre l'œuvre telle qu'elle est, d'autres personnes que l'auteur mettent presque toujours un point d'honneur à y ajouter leur patte.
Certes, on peut considérer que c'est pour le mieux, que bénéficier ainsi de l'expérience de l'éditeur sert l'intérêt de l'auteur ; en tant que réécriveur, je ne peux pas dire le contraire : il y a toujours du bon à tirer des conseils d'un éditeur expérimenté et de son équipe.
Mais lorsque ce travail ne se contente pas d'optimiser un texte prometteur mais imparfait, quand il dénature un texte valable en soi pour des raisons purement commerciales, la singularité de la filière livre par rapport au traitement réservé aux autres arts finit par sauter aux yeux...

Publié le 23 Mars 2017

@elen-brig-koridwen. Elen, vous savez l'image qui m'est venu en lisant votre article? j'imaginais un peintre à qui l'on soumettait une "revisite" de son tableau afin qu'il entre dans le cadre pensé par l'organisateur de l'exposition....et voyez vous, étant une personne assez joyeuse, cela m'a fait rire, rire....merci de votre témoignage. Bien belle journée.ChA

Publié le 23 Mars 2017

@Patrick Ferrer
Merci pour ce commentaire, Patrick. Tu as raison, et je ne cesse de répéter aux auteurs que l'édition ne publiera jamais leur "bébé" tel quel ; en tant que réécriveur, je suis bien placée pour le dire. L'autoédition est la seule voie possible pour se publier en toute liberté, mais je comprends bien entendu les auteurs qui rêvent de bénéficier de la grosse machine de guerre éditoriale – même si elle ne roule pas pour tous, et si beaucoup sont déçus.
Amitiés
Elen

Publié le 23 Mars 2017

@Letellier Patrick
Cher monsieur Letellier, je ne commettrais jamais la grossièreté de laisser un commentaire sans réponse, et je comprends le caractère défoulatoire du vôtre, de même que je comprends toute prise de position sur un sujet ou un autre ; mais vous me mettez dans l'embarras. Je respecte votre point de vue, et je respecte aussi les personnes qui ont le courage d'exprimer leurs convictions, quelles qu'elles soit. Seulement, je pense que ce n'est ni le lieu ni la circonstance. Je suis résolument apolitique, et si j'avais su que mon imprudente remarque dans le récit entraînerait une réaction de ce genre, je me serais abstenue d'évoquer cet aspect de la sélection littéraire, ne fût-ce que par courtoisie à l'égard de monbestseller et des autres intervenants. J'espère vivement que cette page ne va pas tourner aux échanges de diatribes, comme d'autres tribunes l'ont fait pour d'autres raisons. La politique, surtout en ces temps troublés, est un sujet trop brûlant pour être évoqué dans un cadre qui se veut convivial et même amical...
Bien cordialement,
Elen

Publié le 23 Mars 2017

Merci Elen pour ce récit très instructif qui sent le vécu et souligne bien certains des aléas de l'édition dite classique. Et visiblement, cela ne date pas d'hier. Sans oublier que si tu avais passé cette troisième porte, tu aurais encore dû te coltiner les interminables "ré-écritures", moment suprême où l'éditeur ou le directeur de collection se mêle de "laisser sa patte" sur ton manuscrit ou carrément de le reformater entièrement pour qu'il entre dans une de ses collections (genre, nombre de pages, etc.). ;)

Publié le 23 Mars 2017

Bonjour Jean-Christophe, et merci pour le compliment ! :-)
Amitiés
Elen

Publié le 22 Mars 2017

« Des trucs comme ça, on en reçoit tous les jours ».
Ah, si seulement, hein...

Publié le 22 Mars 2017

@Yannick A. R. FRADIN
Bonjour Yannick, merci à vous pour ce commentaire. Quand j'écris "méchants comme la gale", c'est bien sûr une boutade : les commentaires méchants sont très déstabilisants pour un auteur. Mais les commentaires de complaisance font presque autant de dégâts !
Amicalement,
Elen

Publié le 22 Mars 2017

Bonjour @Elen Brig Koridwen et merci pour cette intéressante réflexion retour d'expérience de l'édition. Je retiens surtout : "choisissez-les à la fois compétents et méchants comme la gale" ; "faites votre boulot" ; "soyez vrai". Des conseils très pertinents avec lesquels je suis 100% d'accord. Ce fut un plaisir de lire votre billet :-)

Publié le 22 Mars 2017

@Robert Dorazi : ils ont frappé un grand coup en publiant Harry Potter, mais en dehors de Gallimard Jeunesse, la maison demeure très élitiste. Cela dit, le groupe Madrigall possède une assez vaste galaxie de ME pour se permettre d'éditer vraiment de tout.
Pour le reste... j'ai été une femme de pouvoir à mon humble niveau, et j'en ai croisé beaucoup d'autres, y compris aux sommets de l'État. Elles faisaient leur travail et ne pratiquaient pas le harcèlement sexuel aux dépens de leurs subordonnés (ou alors, vraiment très discrètement ^^). Pour finir, mon cher Robert, je n'établis pas le moindre rapport entre le comportement sexuel et le fait d'être ou non une sainte. :-)

Publié le 22 Mars 2017

Ah mais le fait d'avoir du talent n'a jamais empêché de l'utiliser aussi à des fins personnelles plus ou moins avouables, je suis d'accord. Cela dit sans vouloir entrer dans des querelles "feministes" sans fins, je reste persuadé que lorsque les femmes accédent à des postes de pouvoir équivalents à ceux des hommes, toutes ne restent pas des saintes (pas forcément pour des promotions canapé d'ailleurs).
Gallimard n'est pas un éditeur commercial au même titre que d'autres maisons, c'est certain, mais ils n'ont jamais hésité à payer cher pour éditer des traductions de succès populaires anglo-saxons. Et je crois sincèrement que c'est une bonne chose. On voit trop de maisons d'éditions faire faillite pour n'avoir pas voulu être un minimum flexible.

Publié le 22 Mars 2017

@lamish
Chère Michèle, merci à vous pour ces aimables paroles. Emballement, pas tout à fait, parce que je connaissais suffisamement les arcanes de l'édition pour n'être que moyennement entrhousiaste : je me sentais obligée de tenter ma chance, j'ai éprouvé de la fierté à arriver en 3e lecture, mais ce n'était pas sans inquiétudes, et l'issue de cette dernière tentative a prouvé que je n'étais pas faite pour cela. Je suis trop libertaire pour ne pas me réjouir d'avoir échappé aux contraintes, mondanités, petitesses et formatages inhérents à ce monde, comme à beaucoup d'autres milieux restreints... Il y aurait d'ailleurs d'amusants romans de mœurs à écrire sur l'édition ! :-)
Amicalement,
Elen

Publié le 22 Mars 2017

@Robert Dorazi
Bonjour Robert :-)
Ils faisaient partie (Tournier est décédé) des écrivains de premier plan, ce qui n'excuse pas, pour Sollers, le fait d'utiliser sa position pour des promotions canapé. Je suis toujours épatée de voir à quel point les intellectuels sont intouchables en France, quel que soit leur comportement. J'espère que les auteurs indés, au moins, sauront s'exonérer de cet excès de révérence.
Loana n'a pas été publiée par Gallimard (tout de même pas) mais chez Fayard. Aujourd'hui encore, Gallimard n'est pas précisément un éditeur grand public.
Amicalement,
Elen

Publié le 22 Mars 2017

Cela dit Tournier et Sollers sont d'excellents écrivains qu'on ne peut pas vraiment taxer de faiseurs de soupe. Il est finalement préférable d'être barrée par ces deux là plutôt que par des beaucoup d'écrivains actuellement en vogue.
Quant à Loana, il faut faire la part des choses. Si Gallimard pouvait se payer le luxe (et aujourd'hui encore) de publier des écrivains sérieux mais qui ne vendent pas, c'est bien parce qu'ils publiaient aussi des livres destinés aux masses. A cette époque j'imagine que les "exploits" aquatiques de la jeune femme étaient un gage de succès commercial. :)

Publié le 22 Mars 2017