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Le 27 aoû 2014

Bizien : storyteller multirécidiviste

Stephan Ghreener, le parrain de notre concours de l'été, poursuit ses interviews. Après Laurent Scalese, c'est au tour de Jean-Luc Bizien de répondre à ses questions. Ecrire métier, plaisir ou nécessité ? Le livre papier peut-il disparaître ? Quel conseil donner à un auteur débutant ? Véritable conteur d'histoires capable de s'attaquer au thriller, au roman jeunesse ou historique, Jean-Luc Bizien pose son regard sur son métier d'écrivain et l'évolution du monde éditorial, du plaisir d'écrire mais aussi de ses contraintes. Sans langue de bois.

L'écriture, c'est quoi pour toi ? Un métier, une passion ou une nécessité ?

Je serais tenté de répondre « les trois à la fois ». Mais pour être tout à fait sincère, c’est une nécessité. J’ai toujours voulu raconter des histoires – enfant, je rêvais d’être dessinateur de BD, avant de réaliser que je n’étais pas assez doué pour ça. Je suis passé à l’écriture vers 20 ans et je n’ai plus arrêté.
J’écris tous les jours, quoiqu’il advienne. De quelques mots à une dizaine de feuillets. J’écris partout – dans mon bureau, dans un café, dans le train, à l’hôtel, en vacances… J’ai la chance inouïe d’en avoir fait mon métier. C’est donc devenu également une nécessité pour mon banquier.

Si tu avais un seul conseil à donner à un auteur débutant ?

Ne jamais mettre tous ses œufs dans le même panier : changer de style, de catégorie et d’éditeur dès que possible !
Si l’on n’y prend pas garde, on se fait enfermer dans une case et c’est terminé : on se retrouve emprisonné, dans une cellule trop étroite, avec impossibilité de créer autre chose que ce que l’on nous a assigné. C’est un mal franco-français, ce besoin de catégoriser les auteurs. La majorité des éditeurs ne nous considère pas comme des auteurs, ils ne voient que notre faculté à écrire. Nous ne sommes que des outils, plus ou moins performants, à leurs yeux. Ils s’imaginent que nous ne savons faire qu’une chose, que nous ne sommes à l’aise que dans un univers bien spécifique. Heureusement, quelques-uns d’entre eux découvrent la force de création de certains auteurs et leur font confiance.

Tu es publié depuis de nombreuses années, j'imagine que tu as vu des changements dans le monde de l'édition ?

Ce que j’ai vu, depuis bientôt 20 ans que je suis entré dans ce circuit, n’est pas réjouissant. Je ne peux que dresser des constats, plutôt sombres. Il est devenu de plus en plus dur d’en vivre – d’en SURvivre, devrais-je écrire. L’édition applique la méthode Coué, elle refuse de voir l’inéluctable et s’obstine à produire toujours plus, pour nourrir le monstre qu’est devenue la distribution. On s’acharne à entretenir un modèle obsolète – et l’on reproduit, ce faisant, le suicide de l’industrie du disque, auquel on a pourtant assisté voilà des années. Ajoutons à cela que les rapports professionnels se sont durcis, ils sont devenus d’une effroyable violence. On respecte les gros vendeurs et on méprise les débutants. Ce ne sont plus des relations de travail, mais des épreuves de force quotidiennes.
Le pire, à mes yeux, est que l’on considère le livre comme un produit normal, de consommation courante, quand l’on devrait respecter sa particularité.
 

4) Et demain ? Quels changements pour le monde de l'édition ? Numérique or not numérique ? Quid du "papier" d'après toi ?

Le papier survivra tant qu’il restera des lecteurs ayant grandi avec des livres dans les mains. Je fais partie de ces dinosaures, qui ont besoin de sentir le parfum du papier, de l’entendre craquer.
On ne peut cependant pas lutter contre l’évolution logique des choses : quand les enfants auront tous connu les tablettes dès l’école, ils considèreront les livres avec un mélange d’étonnement et de curiosité.
Un peu comme les gamins d’aujourd’hui découvrent les disques vinyles ou les CDs que jamais, au cours de leur vie, ils n’ont achetés ou utilisés. Ce qui sauve encore le livre c’est que le numérique n’en est qu’à ses premiers balbutiements. On n’a pas encore exploité les formidables possibilités de l’outil.

Et puis… On peut aller piquer une tête dans la piscine ou la mer en laissant traîner un livre de poche à quelques euros sur sa serviette, mais je ne suis pas persuadé qu’on ferait de même avec une tablette coûtant une petite fortune. Or… On n’a pas inventé mieux que la lecture en vacances, non ?

Tu es membre de la LDI, tu peux nous en dire plus ?

Je pourrais effectivement. Mais je serai obligé de vous tuer, ensuite. Sérieusement : la Ligue de l’Imaginaire, c’est avant tout une bande de potes, réunis par une même passion pour l’imaginaire sous toutes ses formes. Je suis le petit dernier – le 13ème apôtre, excusez du peu ! – et j’y prends mes marques petit à petit en proposant des actions, des idées. Cet été, par exemple, nous avons été quelques-uns à nous rendre en Corse, à l’invitation de la librairie Le Verbe du soleil, pour de nombreuses séances de dédicaces et de rencontres des lecteurs. C’est une librairie indépendante, à Porto-Vecchio, et c’était important que la LdI y soit associée, à mon sens.

Je rêve aussi d’organiser un salon avec toute la bande, d’inviter d’autres auteurs en son sein.

Ton auteur de polar préféré ?

Aïe ! Question piège : j’ai trop de copains qui écrivent d’excellents livres pour tous me les mettre à dos en ne citant que l’un d’entre eux…
Aux USA, mes préférés sont Dennis Lehane et Chuck Palahniuk (Pirouette politique, non ?).

On peut en savoir plus sur ton actu ?

J’achève un nouvel épisode de Justin Case pour les éditions Gründ.
Je rends bientôt le troisième tome de la trilogie des ténèbres pour les éditions du Toucan.
Je devrais avoir terminé le 4ème tome de ma série historique pour 10/18.
Et j’ai quelques projets particulièrement excitants, tant en jeunesse qu’en adulte mais il m’est impossible d’en parler pour le moment (promis, dès que c’est signé, je te dis).

Quel est le livre que tu as préféré écrire et pourquoi ?

Le troisième tome de la Cour des miracles, chez 10/18.
« Vienne la nuit, sonne l’heure » m’a permis d’aborder un thème qui m’était cher, tout en tournant définitivement une page de ma vie. C’est un roman sombre, tortueux, que j’ai écrit dans un état presque second, en quelques semaines.
Je ne sais pas si c’est mon roman le plus abouti, mais c’est assurément le plus personnel.Sinon, mon préféré… C’est le prochain. Toujours.

Quelques ouvrages de Jean-Luc Bizien : "L'évangile des ténèbres", la Frontière des ténèbres (Editions du Toucan) ; "Mary Joly" (Editions Sabine Wespieser) ; Justin Case Terminus New York City (Gründ)

Photo : 
©LEs Pictographistes

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