Interview
Le 16 fév 2015

Livre électronique. Vive l’édition libre au Québec !

Pierre Corbeil, fondateur des éditions fpc. Interview monBestSeller.com"L'important c'est le contenu, pas le medium"

Le livre électronique, un sésame pour la liberté ? La réponse est oui pour Pierre Corbeil, historien de formation, auteur et fondateur d’une maison d’édition exclusivement numérique. Liberté de ne pas avoir de ligne éditoriale, de ne publier que ce qui lui plait, même sur des sujets confidentiels, même des auteurs inconnus et en français de surcroît. Mais au Québec, tout n’est pas si simple face aux blockbusters américains. Expérience d’un « loup solitaire » qui revendique son « Québec libre » dans l’édition.

Question: 

Est-il facile de créer une maison d’édition au Québec ?

Réponse: 

L'édition au Québec est lourdement tributaire de l'Etat. Le plus gros marché est bien sûr le marché scolaire, et il faut être homologué pour que les écoles puissent acheter nos œuvres. Des programmes de subvention aident la publication dans certains domaines, et bien sûr les universités sont des producteurs importants de travaux scientifiques. Aux Etats-Unis et en France, il y a un grand marché pour le livre ou la revue d'histoire militaire, un marché qui n'existe pas ici. Nous avons souvent l'impression que ce qui marche le mieux ici, c'est le livre de cuisine. Un collègue, best-seller ici au Québec, me disait qu'il avait fait plus d'argent avec le scénario du film tiré d'un de ses romans qu'avec ses droits d'auteur !
Éditions fpc est un peu un loup solitaire, associé à des gens peu ragoûtants en ce moment : pas de subventions, pas de liens avec des grandes institutions.  Roy ne suis, ne Prince, ne Duc, ne Comte aussi, suis le Sire de Coucy ! (Seigneur de Coucy, fameux batailleur de l’indépendance des barons - ndr).

Question: 

Pourquoi ce choix d’éditer exclusivement en numérique ?

Réponse: 

Je fais souvent une comparaison avec le livre de poche qui a permis de rejoindre des millions de lecteurs. Le livre électronique, quant à lui, affranchi des frais d’impression, de transport…, permet à des auteurs de toucher des petits lectorats. Il ne prend pas de place, et peut attendre patiemment la rencontre avec le lecteur qui l'aimera.
Cette particularité nous rend un peu marginal même parmi les éditeurs indépendants. Mais je ne suis pas pressé, il faut bien que quelqu'un se lance à l'eau le premier. Le loup-marin solitaire !

Question: 

Au Québec, où en est la popularité du livre numérique ? 

Réponse: 

Selon les sondages, un lecteur sur quatre possède une tablette et achète des livres électroniques. C'est bien, mais la vérité c'est que la lecture n'est pas très populaire au Québec. Les jeunes lisent peu, et les plus vieux se satisfont des romans des vedettes américaines. Je sens que le plus grand obstacle à la diffusion des livres électroniques est l'indifférence des chroniqueurs littéraires des journaux et des revues. Ils semblent totalement aveugles aux livres électroniques, peut-être parce qu'ils y voient une menace. Une dame sur Facebook se réjouissait d'une apparente remontée du livre papier, car pour elle livre = livre papier. Une autre, une de mes anciennes étudiantes, m'a dit qu'elle ne lisait pas de livres électroniques. Il y a un peu de snobisme là-dedans, je crois. Je suggère que l'important c'est le contenu, pas le medium…s historiques américaines. L'expérience nous donne les compétences pour juger la qualité d'une œuvre.

Question: 

Comment décidez-vous d’éditer un livre ?

Réponse: 

J'avoue ne pas avoir dressé de plan ni préparé de liste d'objectifs en devenant éditeur. L'essentiel pour moi a été la découverte que la technologie me permettait de publier des livres selon mes propres critères.
Un éditeur fait des choix, nécessairement, et il n'y a pas lieu d'être surpris si tel ou tel éditeur refuse ce qu'un auteur lui soumet. Nous connaissons tous les cas historiques d'auteurs devenus classiques qui ont eu un mal de chien à se faire publier au départ. Une revue, américaine je crois, a publié le résultat d'une expérience dans laquelle des manuscrits de livres connus ou classiques étaient refusés par des éditeurs quand le nom de l'auteur était retiré. Je me suis dit que je pourrais publier des œuvres qui me semblaient valables, dont les miennes. Je soupçonne que la plupart des maisons d'édition sont nées de la même démarche.
J'ai déjà des critères éditoriaux, pas de porno par exemple, pas d'horreur (zombis et compagnie), mais une ouverture envers l'inhabituel. Comme par exemple dans Miaoumé, dont un chapitre est disponible sur votre site, un aperçu d’un roman de fantasy, original, surprenant, et libre de monstres et de violence.

Question: 

Vous êtes auteur ET éditeur, comment faites-vous cohabiter ces deux activités ? Que s’apportent-elles l’une l’autre ?

Réponse: 

Etre auteur et éditeur à la fois me force à agrandir mes horizons et à dépasser mes limites. Je trouvais les éditeurs bien timides, en quête de subventions, ou satisfaits de leur catalogue de livres de cuisine et de biographies de vedettes. Je suis membre des comités d'édition de plusieurs revues, et je publie des textes dans des revues historiques américaines. L'expérience nous donne les compétences pour juger la qualité d'une œuvre.

Question: 

Militer pour la variété des genres et des auteurs, s’ouvrir à des sujets inhabituels, éditer des auteurs pas connus qui écrivent en français dans un pays où les têtes de gondole sont colonisées par les stars US… Vous menez toutes les batailles à la fois !

Réponse: 

Oui, les Éditions fpc offrent la possibilité à des auteurs québécois de se faire connaître. La place est là encore occupée par quelques vedettes, mais il faut de la variété. Je pense aussi qu'il faut encourager les auteurs qui écrivent en français, car je trouve que la traduction de vedettes américaines prend trop de place, sans doute pour des raisons d'économie d'échelle.
Je m'inquiète de la place de la langue, même en France, avec des politiques comme celle de publier les travaux scientifiques en anglais, une sorte de globish. L'anglomanie linguistique en France irrite bien des oreilles québécoises où nous cherchons à utiliser des termes français : courriel, fin de semaine, magasinage, rétrovaluation (vs debriefing)…

Propos recueillis par Isabelle de Gueltzl

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Bonjour. Les liseuses, en France, ne semblent effectivement pas encore très répandues. C'est peut-être juste une idée reçue ou une impression, mais il me semble que les personnes disposant de cet outil sont surtout celles 1) qui en ont les moyens (car mine de rien ça reste quand même u peu cher pour une majorité de français) 2) qui sont capables de se détacher de l'habitude et "cliché" livre papier (et qui donc ne rechignent pas à prendre le "risque" de lire des auteurs connus comme inconnus, et l'atout des liseuses c'est justement un choix bien plus grand d'écrits à consulter). Une maison d'édition tournée intégralement sur le numérique, ça me semble répondre à un besoin croissant, notamment dans les pays anglophones. En France, il va falloir attendre encore quelques années, même si ça commence un peu à apparaître, et que le créneau est à prendre (et déjà plus ou moins occupé, c'est l'activité qui reste timide). Nous autres français, avons tendance à "copier" les effets de mode (pour la plupart venus des Etats-Unis, pour le meilleur mais aussi le pire) à retardement. Dans le dernier point, Pierre Corbeil fait part de son inquiétude pour la place de la langue française. Je suis moi-même Formateur en anglais (enseignant pour adultes, pour faire simple), et si cette langue que j'enseigne me paraît importante et essentielle aujourd'hui (langue que j'aime d'ailleurs, sinon je ne l'enseignerais pas), je partage cette inquiétude pour la place du français, également en France. En fait, quelle que soit la langue d'écriture, la richesse d'un écrit, c'est aussi la langue dans laquelle il a été produit. Une traduction, aussi belle et fidèle soit-elle, ne pourra à mon sens jamais faire passer tout à fait le même ressenti qu'un original. Si l'anglais est incontournable, soyons fiers de notre langue, et espérons qu'elle ne s'effacera pas progressivement au profit d'une langue plus "globale" (même si cela est logique dans le monde dans lequel nous vivons, mais sa langue maternelle devrait pouvoir totalement et intégralement cohabiter avec d'autres plus représentées et plus "porteuses"). D'ailleurs, pour faire écho à ce dernier point, quand on écrit, devrait-on écrire en demeurant dans une langue "épurée" ou au contraire dans une langue plus en lien avec le quotidien et donc teintée de nombreux éléments linguistiques extérieurs? Grand débat qui dépend à la fois des objectifs, de la personnalité, du style, du sujet, etc... Cet article me fait m'interroger sur un point précis, justement en lien avec la langue française. Etant jeune auteur (je n'écris pas depuis longtemps et j'ai bien du mal à trouver du temps pour écrire), je me demande dans quelle mesure il existe des "passerelles" entre l'édition en français en France et au Canada par exemple. Un auteur qui écrit en français et qui s'intéresse à la publication de ses écrits doit forcément se poser la question à un moment ou un autre. De mon point de vue naïf et très limité, ce qui me vient à l'esprit en premier lieu comme marché potentiel, c'est le marché français et le marché canadien. Ayant vaguement commencé à regarder, j'ai l'impression qu'il s'agit de deux marchés très distincts et que si la langue est à peu près la même (quelques différences quand même mais ça reste lisible dans les deux sens), se faire publier, même numériquement, en France et au Canada, ce n'est pas du tout la même chose, pas du tout le même public, pas du tout le même fonctionnement, pas les mêmes vecteurs, pas les mêmes lecteurs, etc... Il s'agit de deux pays différents, c'est donc normal, mais du coup, il s'agit d'un travail totalement différent qui demande recherches, appropriation préalable et un parallèle de toutes les démarches. Je crois que je m'égare, aussi vais-je conclure. Il faut de la variété. Je suis tout à fait d'accord avec cela (il faut cependant que la qualité soit aussi au rendez-vous). Au-delà de la langue, on écrit pour véhiculer un ressenti, une émotion, un message, un point de vue, et c'est la pensée derrière les mots qui importe plus que la langue, mais c'est la langue choisie qui donne un sens particulier aux mots couchés par écrit, et la relation entre les mots et leur perception par un lecteur. Pour moi, c'est ce mariage entre intention, langue, mots et lecteurs qui donne du sens à une oeuvre. Bonnes lectures à tous.
Publié le 20 Mars 2015
MP
Le livre électronique est simplement en voix d'évolution. Je me rappelle en 1997 environ, j'étais l'une des rares du quartier à voir un accès internet. Aujourd'hui, jeunes et moins jeunes utilise facilement l'internet, et cela fait partie du quotidien. Autre exemple, la messagerie textuelle. En 2000, il était très rare de s'envoyer des messages textes. Aujourd'hui, cela fait partie aussi, de notre quotidien. Le livre électronique est simplement en développement, en essor, un peu comme l'ont été tant d'autres technologie. Seulement dans le métro de Montréal, je vois de plus en plus de gens lire sur des liseuse, tablette électronique et même les cellulaires. Je crois fermement que d'ici environ 5 ans, le livre électronique aura une popularité beaucoup plus grande! J'ai moi-même 6 livres électroniques sur mon cellulaire. Donc, le livre électronique permet aussi de pouvoir avoir sur soi plusieurs livres. Bravo Monsieur Corbeil!
Publié le 18 Février 2015