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Le 13 nov 2023

La francophonie c’est aussi la Suisse !

Rousseau, Cendrars, Bouvier, Chessex, Ramuz… La Suisse francophone peut être fière, car elle nous offre quelques-uns des "grands" textes qui rendent la langue française éternelle.
Les Classiques et moi sur monBestSeller : Ramuz

La littérature francophone suisse.

Je pourrais vous parler de Jean-Jacques Rousseau, sans doute l’écrivain suisse le plus connu en France. Je pourrais évoquer la littérature du voyage, le nomadisme helvétique, l'appel du large, l'envie de s'en aller, de sauter les Alpes pour que la Suisse s'étende jusqu'aux confins du monde. Une littérature représentée par Blaise Cendrars écrivain bourlingueur qui n'a eu de cesse de passer les frontières. L'homme a partout roulé sa bosse et tout essayé au fil d’une vie remplie de voyages. Son roman L'or, se base sur la vie de Johann August Suter, négociant suisse allemand parti faire fortune en Californie grâce à l'agriculture, mais ruiné par la découverte de l’or sur ses terres. Il y a eu aussi Nicolas Bouvier quittant Genève à bord de sa Fiat Topolino et qui, après six mois de voyage à travers les Balkans, l'Anatolie, l'Iran puis l'Afghanistan, écrira l'un des chefs-d’œuvre de la littérature dite de voyage : L'Usage du monde. Je pourrais vous parler de Jacques Chessex, le seul écrivain suisse lauréat du prix Goncourt en 1973 pour son roman L'Ogre, également lauréat du prix Goncourt de la poésie en 2004.

J’ai préféré me concentrer sur un compatriote (mon préféré) qui, à mon sens, est le plus représentatif de la littérature suisse francophone. Car cette littérature a une identité bien ancrée avec des livres enracinés dans un terreau suisse, entre catholicisme exubérant et austérité protestante.

Charles Ferdinand Ramuz,

est né à Lausanne le 24 septembre 1878 et mort à Pully le 23 mai 1947. Son rapport à la langue vaudoise, une forme de français marquée par un rythme et des intonations particuliers, s’est affirmé après plusieurs séjours parisiens au contact des lettres classiques françaises. Il a ainsi élaboré une langue propre à exprimer la vie des communautés paysannes et montagnardes souvent archaïques qui constituent les viviers de ses personnages. Il en ressort un rapport direct à la nature, à la vie et à la mort, essentiellement tragique. Ses personnages sont dépourvus d'aspects et de questionnements superficiels. Ramuz a développé une langue expressive et novatrice, saluée notamment par Paul Claudel et Louis-Ferdinand Céline. Il avait le souci d'atteindre à l’universel par la description du particulier. Il a remis en question le cadre traditionnel du roman en le rapprochant de la poésie. Cette démarche lui a valu quelques querelles autour de "sa langue". Il s’en est défendu dans une lettre à Bernard Grasset en 1929 :

 

"Mon pays a toujours parlé français, et, si on veut, ce n’est que son français, mais il le parle de plein droit [...] parce que c’est sa langue maternelle, qu’il n’a pas besoin de l’apprendre, qu’il le tire d’une chair vivante dans chacun de ceux qui y naissent à chaque heure, chaque jour. [...] Mais en même temps, étant séparé de la France politique par une frontière, il s’est trouvé demeurer étranger à un certain français commun qui s’y était constitué au cours du temps. Et mon pays a eu deux langues : une qu’il lui fallait apprendre, l’autre dont il se servait par droit de naissance ; il a continué à parler sa langue en même temps qu’il s’efforçait d’écrire ce qu’on appelle chez nous, à l’école, le bon français, et ce qui est en effet le bon français pour elle, comme une marchandise dont elle a le monopole. [...] Je me rappelle l’inquiétude qui s’était emparée de moi en voyant combien ce fameux bon français, qui était notre langue écrite, était incapable de nous exprimer et de m’exprimer. Je voyais partout autour de moi que, parce qu’il était pour nous une langue apprise (et en définitive une langue morte), il y avait en lui comme un principe d’interruption, qui faisait que l’impression, au lieu de se transmettre telle quelle fidèlement jusqu’à sa forme extérieure, allait se déperdant en route, comme par manque de courant, finissant par se nier elle-même [...] Je me souviens que je m’étais dit timidement : peut-être qu’on pourrait essayer de ne plus traduire. L’homme qui s’exprime vraiment ne traduit pas. Il laisse le mouvement se faire en lui jusqu’à son terme, laissant ce même mouvement grouper les mots à sa façon. L’homme qui parle n’a pas le temps de traduire [...] Nous avions deux langues : une qui passait pour la bonne, mais dont nous nous servions mal parce qu’elle n’était pas à nous, l’autre qui était soi-disant pleine de fautes, mais dont nous nous servions bien parce qu’elle était à nous. Or, l’émotion que je ressens, je la dois aux choses d’ici... Si j’écrivais ce langage parlé, si j’écrivais notre langage... C’est ce que j’ai essayé de faire..."

 

Charles Ferdinand Ramuz a notamment écrit : Les Circonstances de la vie, La Grande Peur dans la montagne, Farinet ou la Fausse Monnaie, Derborence, Si le soleil ne revenait pas.

 

Gabriel Schmitt, ami de monBestSeller.

 

"Ce fut tout ; il s'était tu. Et, à ce moment-là, Séraphin s'étant tu également, on avait senti grandir autour de soi une chose tout à fait inhumaine et à la longue insupportable : le silence. Le silence de la haute montagne, le silence de ces déserts d'hommes, où l'homme n'apparaît que temporairement : alors, pour peu que par hasard il soit silencieux lui-même, on a beau prêter l'oreille, on entend seulement qu'on n'entend rien. C'était comme si aucune chose n'existait plus nulle part, de nous à l'autre bout du monde, de nous jusqu'au fond du ciel. Rien, le néant, le vide, la perfection du vide ; une cessation totale de l'être, comme si le monde n'était pas créé encore, ou ne l'était plus, comme si on était avant le commencement du monde ou bien après la fin du monde. Et l'angoisse se loge dans votre poitrine où il y a comme une main qui se referme autour du cœur." extrait de Derborence

 

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mBS

@émilie bruck : magnifique, ce lien. Merci !. Nous allons le mettre en valeur dans l'article.

Publié le 15 Novembre 2023

@toutes et tous : j'ai lu Ramuz durant mon adolescence et je me souviens de "Derborence", des lambeaux de phrase, "Derborence, le mot chante à mon oreille comme..."; en tout cas, bon choix, au milieu des guerres et violence de toutes sortes, Ramuz reste un grand. Chantre de la montagne et de la nature, il est aussi observateur avisé de l'humain.

Publié le 14 Novembre 2023