Interview
Le 08 Jan 2024

OuLiPo n'a pas de secrets pour vous ? Ou vous voulez tout savoir ?

Le groupe de recherche en littérature expérimentale fondé en 1960 par Raymond Queneau et François Le Lionnais est intitulé OuLiPo, est connu pour avoir inventé des structures, des formes ou des contraintes nouvelles, susceptibles de permettre la production d'œuvres originales. Ricardo Salvador semble être adepte.

Kesaco l’OuLiPo ?

En préambule, afin que les lecteurs soient tentés de découvrir cette tribune, je précise que l’OuLiPo est avant tout une forme de littérature, ce qui devrait intéresser la plupart d’entre vous.

Pour l’historique et la genèse je préfère vous renvoyer directement à votre Encyclikipedia favorite, où vous (re)trouverez sans doute des noms qui ne vous sont pas inconnus ; Raymond Queneau, François Le Lionnais et bien sûr Georges Perec, et où l’on vous parlera forcément de Pataphysique, de Dadaïsme, de surréalisme et de cadavres exquis.

Pour l’heure, je me contenterai de répondre à une ou deux questions qui vous brûlent les lèvres, petits curieux que vous êtes.

 

Ça veut dire quoi OuLiPo ?

Ça veut dire : Ouvroir de Littérature Potentielle. Ben oui, mais quand on a dit ça, on a tout dit et on a rien dit.

 

Alors, ça consiste en quoi ?

Bon, si vous insistez… Un petit peu, mais vraiment un tout petit peu de digression intellectuelle.

Ça consiste à utiliser des CONTRAINTES (en majuscules parce que c’est important). Je m’explique  :

Lorsque vous écrivez un roman, une pièce de théâtre, une lettre aux impôts, un billet doux, une liste de courses, une tribune sur MBS, et plus encore un poème en prose ou en vers, vous n’y allez pas au hasard, vous savez a priori sur quels rails vous allez vous lancer. Le roman sera policier ou de science-fiction ; il faudra bien vous contraindre à y caser des crimes ou des soucoupes volantes (par exemple). La pièce de théâtre devra contenir au moins un personnage, et un minimum de décor (à moins d’être fauché ou d’extrême avant-garde). La lettre d’amour évitera une introduction du style « Salut mon pote » ; la lettre aux impôts commencera par Cher Monsieur (même si Alphonse Allais s’adressait au Trésor Public en commençant par « Mon Trésor », mais lui il pouvait, c’était Alphonse Allais). Enfin, les poèmes comprendront des vers : un minimum, comme les Haïkus japonais (mais au moins un), qu’ils riment ou pas, peu importe. Et comme pour les lettres aux impôts ou d’amour, on usera de termes adéquats : plutôt « roseau bleuté ou cieux infinis » que « liposuccion ou arbre à cames ».

 

Voilà, vous avez compris le principe ?

Toutes ces obligations, ces concessions faites à l’usage plus ou moins volontaires sont donc appelées des CONTRAINTES. Ces contraintes, nous, écriveurs, écrivaillons, plumitifs, versificateurs, bref, auteurs de tout poil, nous les employons souvent sans nous en rendre compte chaque fois que nous nous penchons sur le clavier, comme Mr Jourdain faisait de la prose, nous faisons donc de L’OuLiPo.

« Ah Bon ? C’est tout ? Vous nous avez réveillés pour ça ?

- Non ! La subtilité, maintenant, consiste à pousser au maximum ces contraintes, à les tordre, les multiplier, à en faire l’unique objet de votre création littéraire.

- Comment ça ?

- Par exemple, un peu mélancolique, vous décidez d’écrire un poème, les contraintes usuelles seront le nombre de pieds, alexandrins, octosyllabes ; la versification, rimes croisées ou parfaites et les termes utilisés (cf. plus haut) si vous êtes un peu rétro et décidez d’écrire un rondeau ou un sonnet, vous aurez encore d’autres contraintes sur le nombre de strophes ou le thème. À l’inverse, pour la liste de courses, on évitera les contraintes trop lyriques du genre alexandrin : « trouver deux beaux poireaux, ficelés d’un fin cordeau".

Certaines contraintes sont connues et existent presque depuis que la littérature existe, l’acrostiche, l’allitération  : pour qui sont ces serpents qui sifflent... 

L'anagramme : “Tout commença dans l’eau”, anagramme fascinante de “le commandant Cousteau”,

Le palindrome qui se lit à l’envers comme à l’endroit : Ésope reste ici et se repose. Le grand Palindrome de Perec comporte plus de 1000 mots, il commence par “Trace l’inégal palindrome…” et se termine par “… ne mord ni la plage ni l’écart”.

 

Cela ne suffisait pas aux premiers oulipiens, ils décidèrent de créer de nouvelles contraintes plus… contraignantes.

Je vous en livre quelques-unes.

Le Tautogramme, une forme plus poussée que l’allitération : Comme c’est captivant ce coquelicot coquin couché comme un cadavre calciné.

Le Lipogramme, où l’on s’interdit d’utiliser une ou plusieurs lettres de l’alphabet. La lettre “e”, par exemple, dans la phrase suivante : Attila, roi Hun au sang carmin usait son pourpoint sur un appaloosa blanc sans jamais mouvoir son gros popotin du pur-sang au dos luisant.

On parlera en ce cas de lipogramme en “e”. Les esprits les plus perspicaces (si, si, cela foisonne sur ce site) remarqueront que l’on aurait tout aussi bien pu parler ici de lipogramme en “x”, “w” et “y’, tant il est vrai que nous avons réussi à écrire une phrase ne contenant aucune de ces trois lettres. Mais avouons que dans notre langue, c’est un exploit un peu trop facile. Le plus célèbre exemple de lipogramme en “e” reste le roman de Perec, encore lui “La disparition” un roman complet sans la lettre “e”.

Pour la petite histoire, à la sortie du livre la critique ne s’en est pas rendu compte ; tour de force ou tour de passe-passe ?

 

Petit exercice 

Prenez un tube d’aspirine (ou plutôt de Dafalgan pour commencer le sevrage de la lettre “e”) et essayez pour voir d’écrire juste quelques lignes sans la lettre “e”, vous allez vous marrer.

 

Il en existe beaucoup d’autres :

L’assonance : n’utiliser qu’une même sonorité, donc une seule (ou à peu près) voyelle. D’Alabama à l’Alaska, la nana à l’alpaga avala l’ananas d’Allah.

La poésie S+ X, prenez un air connu : Le Loup et l’agneau et changez chaque mot, verbe, adjectif par celui qui le suit dans le dictionnaire, disons 7 places plus loin, cela peut donner : Le lourdaud et l’agnostique : Le raki du plus fortuné est toujours le mélangé, nous l’allons mordiller tout à l’hexachlorure.

La littérature définitionnelle : remplacez chaque mot par sa définition dans le dictionnaire : Le chat boit du lait donnera :

Le mammifère carnivore au museau court et allongé avale un liquide généralement blanc sécrété par les glandes mammaires… etc.

Vous recommencez en remplaçant mammifère, carnivore, lait et ainsi de suite jusqu’à l’infini, vous aurez bientôt un beau livre illisible certes, mais contenant tous les mots du dictionnaire.

Pour les versificateurs chevronnés, il existe des poèmes oulipiens. L’un d’eux, la Sextine, est composé de six sizains, de 2 fois 6 pieds, dont les mots, en fin de vers, restent les mêmes (pas la rime, le mot entier), mais répartis selon un ordre rotatif (mathématiquement parlant, il s’agit d’une permutation correspondant aux chiffres d’un dé normal). Elle se termine par un demi-sizain reprenant les six mots des rimes. Si cela vous intéresse, je pourrais en publier une ou deux de mon cru, c’est assez passionnant à composer.

Pour vous donner d’autres idées, lisez “Exercices de style” de Queneau, qui décline de dizaines de façons une même histoire très simple  : “un homme avec un chapeau descend d’un bus”. Le même Queneau a écrit également “Cent mille milliards de poèmes” : un livre-objet composé de 140 vers composant ainsi une presque infinité de sonnets interchangeables (rimes et dictions identiques).

Ou bien encore amusez-vous à composer une phrase comportant une fois et une seule toutes les lettres de l’alphabet. Pour vous aider, je vous conseille d’utiliser le mot “whisky”.

Ou bien un texte, un poème où le premier mot commence par “a”, le second par “b”, le 3e “c”, jusqu’au “z”, et on recommence à l’envers.

Pour résumer, les possibilités sont immenses, même si parfois redondantes.

On comprend mieux le sens du mot “Potentielle” dans l’OuLiPo.

 

Enfin vient l’ultime question 

« C’est bien beau tout cela, mais à quoi ça sert ? »

Ma réponse sera laconique : À RIEN.

Comme les mots croisés, les sudokus, les maquettes d’avions ou les incitations à la sobriété, ça ne sert qu’à s’occuper l’esprit, à jongler avec les mots, à jouer avec la langue… bref, à se faire plaisir ! Avec tout de même ce petit avantage pour les personnes férues d’écriture que lorsque le spectre hideux de la page blanche hante vos nuits et vos jours, que la paralysie créatrice s’infiltre dans votre cortex et vous empêche d’accoucher de la moindre phrase, vous pourrez, avec l’OuLiPo, noircir des cahiers entiers de rodomontades, billevesées et autres calembredaines, en attendant que l’Inspiration aux doigts de fée vienne vous caresser l’occiput.

Bien évidemment, vous avez compris que le résultat au plan purement artistique n’atteindra pas toujours les sommets de la littérature, peu de chance de briguer le Goncourt ou le Femina avec ce type de créations. Mais (et n’est-ce pas là l’essentiel ?) Vous vous serez amusés, vous aurez joué tout en cogitant.

Les oulipiens les plus célèbres travaillaient au stylo et aux méninges, et l’activité peut vite devenir chronophage. Il est vrai qu’aujourd’hui l’intelligence artificielle vient fausser la donne. Injectez dans la “Boîte Immonde” une contrainte du style : “je veux un poème épique de 500 vers, avec telles et telles rimes, riches, entrecroisées de 12 pieds avec césure à l’hémistiche, contenant tels et tels mots”, la bête vous pond un machin tout chaud sorti de ses circuits imprimés et déprimants.

C’est dur, la vie d’artiste.

Comme vous avez été sages, je vous livre une création personnelle, où le jeu, un peu plus littéraire que les autres, consiste à prendre un poème connu, à en garder le squelette et la versification, tout en y glissant votre propre création. Nous pourrions pompeusement appeler cela : Transposition équationnelle. Ça fait chic, et les oulipiens aiment ça.

Tant qu’à faire, je m’inspire de Victor Hugo. Pour mémoire :

 

Oh ! Combien de marins, combien de capitaines

Qui sont partis joyeux pour des courses lointaines,

Dans ce morne horizon se sont évanouis !

Combien ont disparu, dure et triste fortune !

Dans une mer sans fond, par une nuit sans lune,

Sous l’aveugle océan à jamais enfouis !

 

Après avoir assisté au départ du Vendée Globe, un peu écœuré comme je le fus moi-même par l’indigestion publicitaire que nous offrent les bateaux, il aurait bien pu écrire ça :

 

Oh ! Combien de Leroy-Merlin, combien de Mir Laine*

Hommes-sandwich, pour survivre défigurent leurs misaines

Dans cet horizon plastifié peuplé de “Vache qui rit” !

Combien ont démâté, y ont laissé leurs plumes !

Dans un commerce sans fonds, par une nuit sans tunes

Sous l’océan sali peuplé de mercantis !

 

*(Ou Clairefonfaine pour les écoliers)

 

Et tant que j’y suis, je me permettrai même d’ajouter quelques vers personnels :

Si Robinson Crusoé exilé solitaire

Voulait un matin jeter bouteille en mer,

Qu’il prenne garde, s’il veut de nos nouvelles

À utiliser Perrier, Contrex ou bien Vittel.

 

Excellente année à tous !

 

Aurez-vous l’audace de laisser un commentaire oulipien ?

 

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22 CommentairesAjouter un commentaire

@Salvador Ricardo.
Bonjour Ricardo. Je viens de découvrir votre tribune, à la fois instructive et distrayante.
Alors, illico, je me suis lancée dans un tautogramme :
Tenace Thérèse, tenteras-tu très témérairement ton tautogramme tartignolle ? me suis je dit...
Puis je me suis attaquée à une sextine mais, sentent la migraine venir, je me suis rabattue sur les rimes babelines, beaucoup plus abordables, puisqu'il suffit, en gardant la consonne, d'utiliser les 5 voyelles dans 5 vers.
Voici ma contribution :
Amis, amis versons un pleur
Sur le sort du pauvre Abélard,
Car onques ne se pourra lire
Aventure que plus on déplore
Ni sort de plus cruelle allure !

Merci et vive l'Oulipo !
Anne

Publié le 04 Février 2024

@SALVADOR Ricardo
Merci pour cet article clair et instructif qui donne envie de creuser cette méthode d'écriture. Pourquoi ne pas lancer un appel à écritures avec des contraintes oulipiennes?

Publié le 16 Janvier 2024

@SALVADOR Ricardo Ouf, merci ! Étourdie, certes, mais tenace, ça compense un peu ;-).
Oui cette histoire est d'autant plus triste qu'elle relate un drame réel. L'épicerie est fermée depuis, dans ce petit village où j'ai vécu, il y a une vingtaine d'années.
Amicalement,
Michèle

Publié le 11 Janvier 2024

@Zoe Florent
Alors là bravo, tout y est mais je la trouve bien triste votre sextine.

Publié le 11 Janvier 2024

@Michel Laurent
Pas obligé de boire tout d'un coup:)

Publié le 11 Janvier 2024

Moi, je suis désolé (hic!!) mais 6 verres de 12 pieds, ça fait 3,66 mètres ! Et pour ingurgiter 3,66 mètres de pinard , il faut avoir le gosier sacrément profond ! (re-hic)

Publié le 11 Janvier 2024

@SALVADOR Ricardo étant plutôt partisane de la simplicité, et en vue de rendre la sextine plus accessible à tous, je précise que le plus pratique est d'attribuer les lettres A, B, C, D, E et F à chacun des mots choisis pour terminer chaque vers (ou les chiffres de 1 à 6) et de suivre cet ordre imposé pour obtenir une sextine digne de son créateur, et ce sans oublier la rime comme moi, en incurable étourdie (ce que je viens de corriger) :
A B C D E F (1 2 3 4 5 6)
F A E B D C (6 1 5 2 4 3)
C F D A B E (3 6 4 1 2 5)
E C B F A D (5 3 2 6 1 4)
D E A C F B (4 5 1 3 6 2)
B D F E C A (2 4 6 5 3 1)
B C A (2 3 1)
Bonne journée à tous !
Amicalement,
Michèle

Publié le 11 Janvier 2024

@zoe florent
Pour Zoe et pour tous ceux que cela intéresse, je vais sous vos yeux ébaubis vous dévoiler les secrets de la Sextine: prenons 2 rimes a, b pour une strophe de 6 vers de 12 pieds chacun ( ça va jusque là?)Donc 6 mots vont terminer ces 6 vers, je vous propose ceux que j'ai utilisés dans une sextine perso: Mort, tête, effort, sort, traître, planète dans cet ordre( théoriquement il faudrait des rimes riches mais bon ,on fait ce qu'on peut, le mot 'traître' est limite, je vous l'accorde)
1ère strophe, donc rimes a,b, a,a, b,b, 6 alexandrins ( une petite césure à l'hémistiche si possible)
rotation pour la 2ème strophe : le mot planète qui était le dernier mot du dernier vers passe en 1ère position, le 1er mot passe second, (ensuite, vous avez libre choix mais les rimes ont tourné: b,a,b,b,a,a
3ème strophe: idem, le dernier mot passe en premier le 1er en second: on revient sur a,b,a,a,b,b
4ème strophe; b,a,bb,aa etc: 6 strophes d'alexandrins en tout, à la 6ème, le mot 'mort' se trouvera donc en fin du 6ème vers, on termine la sextine par une 7ème strophe où les mots auront retrouver leur ordre de la 1ère strophe, cette dernière strophe sera composée de sizains et non pas d'alexandrins(, un peu comme un envoi pour un sonnet)et devra former une conclusion à votre poème.
Bon, expliqué comme ça, c'est un tantinet touffu mais il suffit d'écrire la 1ère strophe et ensuite de placer les 6 mots rimant utilisés au bon endroit dans la seconde puis de construire la seconde strophe sur ces 6 mots, etc, ( Personnellement je n'ai jamais rien compris au Rubik's Cub donc pas d'inquiétude, vous y arriverez)
Et si ceux d'entre vous que cela intéresse construisaient une sextine sur les mêmes bases que la mienne? avec "Mort, tête, effort, sort, traître, planète" dans l'ordre que vous voulez mais avec toujours a,b,aa,bb pour la 1ère strophe, nous aurions plein d'histoires différentes avec les mêmes rimes et chacun publierait la sienne sur son espace ou bien on publie un recueil collectif sur MBS. Ce serait un vrai record OuLiPique non?

Publié le 11 Janvier 2024

@SALVADOR Ricardo Eh voilà, ma distraction m'a rattrapée, une fois de plus. J'ai complètement zappé les deux fois six pieds :-) !
Je viens de modifier ma contribution dans mon ancien commentaire, histoire de ne pas envahir votre billet de mes élucubrations plus que balbutiantes ;-).
Bonne soirée. Amicalement,
Michèle

Publié le 10 Janvier 2024

@Zoe Florent
C'est déjà un bel exploit que vous avez composé, la rotation des rimes est bonne, je vous fais grâce de la métrique.
Essayez donc la cigale et la fourmi en S+5 , c'est facile, il faut juste un dico et ça peut être très drôle.

Publié le 10 Janvier 2024

Bonsoir @SALVADOR Ricardo. Votre petit defi m'a permis de boucler un poème que je n'avais pas réussi à boucler en alexandrins.
Je ne sais pas si je respecte bien les règles de la sextine, car elles m'ont paru anormalement plus faciles que celles imposées par la poésie classique. Dans le cas contraire, et craignant d'en avoir maltraité l'usage, merci de vous montrer indulgent ;-)...
Merci encore pour ce billet stimulant et bonne soirée.
Amicalement,
Michèle

L’épicière

M’observant ton esprit échafaudait des liens
Dans tes yeux flamboyait ton idée du bonheur
Tes espoirs en une vie qui ne serait pas rien
D’un monde par trop laid tu niais le vilain
Bien que leurre tu me voyais telle une sœur
Sous l’emprise de tes espoirs fous, mon cœur

Inobjectif était ton regard sur mon cœur
Illusion comme rêve ne créent que faux liens
Bien j’étais pour sûr mais pas heureuse, ma sœur
Ni vivant un parfait et absolu bonheur
Possible à condition d’ignorer le vilain
Rêver est aussi vain que croire en tout ou rien

Ton bleu regard si doux brillait d’espoirs de rien
Où tu vivais, tu ne pouvais savoir, mon cœur
Que dans notre pauvre monde vil et vilain
Trop peu de compassion et si peu de vrais liens
Et bien difficile l’accession au bonheur
Et très illusoire de le viser, ma sœur

Toi tu m’imaginais comblée petite sœur
Quand moi je tempérais tes espoirs de rien
Comme ta vision de mon artificiel bonheur
Tu ne m’as écoutée ni ne m’as crue, mon cœur
Pourtant ma vie était aussi faite de liens
avec l’humain dans ce qu’il a de si vilain

Changer notre regard ignorer le vilain
Un des remèdes que j’ai découverts, ma sœur
Plus un peu de rêve pour créer quelques liens
Et des recettes pour aider mon moi de rien
Mais toi tu ne savais toujours pas, joli cœur
Règnent les pis-aller ici, pas le bonheur

Mais si sans doute aucun chimère est le bonheur
Bien regrettable soit que gagne le vilain
Tu as étouffé ton enfant, ton petit cœur
Oreiller effaceur de sa vie, ma sœur
Après tu t’es pendue, tuant ton espoir en rien
Tu as sanctionné sa vie, la tienne et vos liens

Depuis je pleure un hypothétique bonheur
Et plus jamais je ne vante l’espoir en rien
Puisque ce faisant j’ai aussi rompu tes liens

Publié le 10 Janvier 2024

@Constantin Malheur,
Vous avez raison Constantin, Perec était le maitre absolu et son calme OuLiPien est célébré encore aujourd'hui

Publié le 10 Janvier 2024

Mon cher Ricardo, lire la définition d'une sextine est une épreuve en soi ! je n'ai rien compris. Vous n'avez un truc plus simple à me proposer comme challenge ?

Publié le 10 Janvier 2024

@Catarina Viti
Merci Catarina, ma devise préférée( avec le dollar Américain) a toujours été" La liberté , ce n'est pas de briser ses chaines c'est de les accepter "
Je vous invite à rajouter un maillon aux vôtres ( et donc à vous évader) en nous proposant une petite réalisation OuLipienne de votre choix, et j'en profite pour rappeler à tous les lecteurs qu'ils peuvent livrer leurs créations sur cette tribune. Que diriez vous d''une sextine? Attention, c'est plus prenant qu'un puzzle de 10000 pièces.

Publié le 10 Janvier 2024

@Michel LAURENT
Merci pour le qualificatif, cher Michel, je crois que votre enthousiasme vous a fait un peu( à peine) exagérer: Génie me parait un tantinet flatteur, le pauvre Hugo va se retourner dans son Panthéon.
Bravo à vous également pour votre magnifique contribution, on va se refaire tous les poèmes d'Hugo à notre sauce, ça vous dit?

Publié le 10 Janvier 2024

@Zoé Florent
Waouuuh, bel exercice OuLiPien chère Zoé!
Vraiment pas facile à exécuter, espérons là encore que cela donnera envie aux lecteurs de cette tribune d'apporter leur contribution. Bravo encore.

Publié le 10 Janvier 2024

@Vegas sur sarthe
Merci pour votre appréciation, je ne connaissais pas cet exercice Oulipien de 366 à prise rapide et bravo pour la contribution que vous nous offrez, espérons que votre exemple sera suivi et que cela aiguillonnera la fibre oulipienne qui se cache dans chacun de nous.

Publié le 10 Janvier 2024

Bonjour @RICARDO Salvador,
Je suis d'accord avec vous, ça ne sert à RIEN mais c'est tellement bon !
J'ajouterai concernant les exercices de style de QUENEAU l'exercice quotidien des 366 réels à prise rapide auxquels je me suis attaqué en 2014.

Les 366 réels à prise rapide correspondent à un exercice d’écriture de Raymond Queneau tiré des Exercices de Style. Il s’agit d’écrire chaque jour un texte sur un thème proposé sous la forme “Aujourd’hui [quelque chose]“. Les règles sont les suivantes : écrire sur le vif, ne pas écrire plus de 100 mots, rapporter des éléments réels de sa journée sans en inventer et sans se référer à un jour antérieur, suivre la thématique de la date correspondante.

Je vous livre celui que j'avais écrit le 22 septembre de cette année là "Aujourd'hui quatre murs"

Aujourd'hui quatre murs chargés d'histoire cistercienne et fleurant bon l'huile de noix, le foie gras et le safran! Où est passée l'austérité légendaire de l'Epeau?
Aujourd'hui j'ai goûté des verrines dans ce dortoir où la rigueur imposait au moine des nuits sans branlette...
“Food truck” Masterchef ! Le gisant de la reine Bérangère a frémi.
Devant micros et caméras, la foule curieuse s'empiffre, s'envoie un coup de cidre, tord le cou pour apercevoir le parrain, Jean-Pierre Coffe.
Moi qui ai assisté à la naissance de mes garçons, je n'aurais pas imaginé être ému par l'éclosion en direct d'un poussin de Loué!

Merci pour votre bel article oulipien

Publié le 09 Janvier 2024

Merci, Ricardo, pour cette tribune. J'ai bien rigolé et c'est pour ça que j'ajoute à votre réponse à la question "à quoi ça sert ?" A rigoler. Parce qu'il y a le plaisir du détournement, du jeu avec les formes, quelque chose de beaucoup plus enfantin (avec le plaisir de la manipulation) qu'intello et abstrait. Sauf chez Perrec peut-être, où ça devient presque angoissant, parce qu'on sent que ça va très au-delà du plaisir ludique (voir W ou le souvenir d'enfance).

Publié le 09 Janvier 2024

Bonjour @RICARDO Salvador,
Voici ma nano contribution sans E :
Clair qu’il faut plus qu’un instant pour agir. Pour sports abstraits avoir du goût itou. Ou amortir l’imparfait, plus pliant, plus doux… Mais qui dirait « OuLiPo ? moi ? doigts in my pif, man ! » paraîtrait soit trop fat, soit bavard charlatan.
Bof, bof... Plus long, plus fin, un jour futur, qui sait ? Mais tout aussi clair : don pour l’OuLiPo miss Zozo n’a pas. Goût non plus. Loisir, pas plus, alors ça va ;-)…
Muchas gracias, Ricardo !

Publié le 09 Janvier 2024

Ricardo, c’est un génie. Même le vieux Totor, il est capable de nous l’améliorer ! Parce que avec l’original de« Les rayons et les ombres », nos zygomatiques sont au repos pendant un long moment. Moi, je verrais bien la strophe suivante du poème :

Combien de patrons morts avec leurs équipages !
L'ouragan de leur vie a pris toutes les pages
Et d'un souffle il a tout dispersé sur les flots !
Nul ne saura leur fin dans l'abîme plongée.
Chaque vague en passant d'un butin s'est chargée ;
L'une a saisi l'esquif, l'autre les matelots !

revue par un Darmanin s'essayant, un soir de lassitude, à la transcription équationnelle :

Combien de dealers avec leurs lourds bagages
De tous nos escaliers ont envahi les cages
Grâce à moi ils auront les gendarmes sur le dos !
Nul n’enviera la vie des guetteurs pourchassés
Avec mes flics au cul ils seront vite coincés
Soit un simple bourre-pif, soit direct le cachot !

Publié le 09 Janvier 2024

On le sent, votre enthousiasme, Ricardo !
La fée Programmation a voulu que votre article jouxte celui de Constantin qui parle de liberté. A vous lire, j'ai envie de demander : "Y a-t-il liberté sans contrainte ?"
Aussitôt, j'essaie d'imaginer le vertigineux sentiment de liberté de Perec après s'être affranchi de la lettre "e".
*
Je crois que les auteurs se divisent en deux camps : ceux qui pensent être naturellement libres, et ceux qui prennent conscience des barreaux. Les premiers sont naturellement heureux et les seconds à la peine.
Je finirai donc cette tribune
1. en réalisant qu'emportée par mon sujet, je n'ai pas rédigé de manière oulipienne,
2. en me demandant (et cela tombe bien, car je n'avais pas de thème de réflexion au-dessus de mon café) si l'OuLiPo ne serait pas, en définitive, un véritable moyen d'évasion... de la grotte platonesque.
Thank's a lot, Ricardo.

Publié le 09 Janvier 2024