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Le 18 mar 2024

L’angoisse, un grand sujet littéraire

La dimension psychologique d’un personnage est ce qui retient en priorité un lecteur, ce qui crée du lien. Mais encore faut-il que l’auteur sache explorer des sentiments complexes. Cet article nous propose de nous interroger sur les différentes façons d’écrire l’angoisse et d’en faire un véritable thème littéraire. Par Natalia Clément-Demange
Tribune monBestSeller L’angoisse, un grand sujet littéraire

La folie fait peur, questionne. Comment la folie se lit-elle et se lie-t-elle, à défaut d’aliéner le sujet ? Après un premier article sur la frontière entre le réel et la folie, un second sur la manière de décrire la psychose en littérature, Natalia Clément-Demange, infirmière puéricultrice en pédopsychiatrie, autrice du roman "La folie de l’exil", propose maintenant de découvrir la finesse des mots pour transcrire l’angoisse d’un personnage.

 

Vivre des émotions par personnage de fiction interposé

Dans un roman noir, un roman dramatique, une autobiographie ou une biographie, qu’est-ce qui interpelle le lecteur ?

Qu’est-ce qui l’intéresse ? C’est sans doute cette avidité, ce besoin d’en savoir plus, de découvrir ce que vit le personnage qui va le satisfaire pleinement lorsqu’il va se saisir du livre.

Quelles émotions l’auteur va-t-il réussir à procurer chez le lecteur ?

C’est grâce à l’empathie, au côté psychologique des événements auxquels il va s’identifier, se questionner, qui lui permettront de ressentir une émotion.

Il veut s’émouvoir, se prendre d’affection pour ce protagoniste qui souffre. Il veut comprendre. Il veut connaître ce qui peut se jouer dans la tête d’un personnage qui bascule dans la folie. Les mots doivent le toucher, le percuter, plus que la situation elle-même parfois. Il veut pouvoir mettre à distance certains événements déjà vécus, déjà perçus et voir évoluer un personnage à sa manière.

 

Comment traduire le sentiment de l’imminence d’un danger ?

Nous pouvons maintenant nous poser la question de ce qui angoisse un personnage. Comment décrire ce sentiment à défaut de pouvoir le dire ? Quelles situations vont permettre de tendre vers cet affect ?

Un événement de vie, une pathologie, une névrose, des hallucinations chez le psychotique, l’attente, une peur inexplicable… peuvent déclencher ce sentiment désagréable. L’angoisse sera écrite grâce aux questionnements psychiques du personnage. L’auteur doit être en capacité de s’immiscer dans les méandres du cerveau, de mettre à nu les mécanismes de défense d’un individu : la projection, la dissociation, l’identification, la sublimation ou encore le déni…

Chers lecteurs, quelle situation pourrait provoquer chez vous ce sentiment à la lecture d’un roman ?

Chers auteurs, avez-vous déjà tenté de transcrire cet affect ?

 

Comment transcrire, en littérature, les sentiments liés à l’angoisse

L’angoisse d’un personnage peut s’écrire de trois manières :

  1. par le prisme du sujet délirant avec une écriture à la première personne,
  2. à travers un personnage intermédiaire : une personne proche de notre protagoniste qui semble basculer dans la folie
  3. via une lecture médicale de la situation.

— Le premier jeu d’écriture permet de suite au lecteur de s’immiscer dans les profondeurs et les tourments psychiques du personnage délirant.

— Le deuxième permet d’évoquer la pathologie mentale à travers le ressenti d’une autre personne. Cette lecture de l’angoisse, perçue d’un point de vue extérieur, vient résonner avec l’angoisse ressentie. Ce jeu d’écriture permet de rendre le lecteur attentif aux perceptions du personnage intermédiaire.

Ainsi, le lecteur est interpellé : Comment peut-il décrypter la maladie ? Comment ne pas avoir peur d’être pris dans le tourment ? Comment ne pas basculer soi-même ? Comment faire la part des choses entre réel et folie ? Comment préserver ce lien d’amour, d’amitié ou autre quand tout semble s’effondrer ?
— Le troisième moyen de décrire précisément la maladie psychique serait l’intervention du milieu médical dans le roman. L’utilisation des termes médicaux, les consignes des médecins, l’univers des soignants, le projet de soins, les traitements, les difficultés pour prendre en soin un patient délirant pourront être des éléments clés à écrire pour orienter le lecteur.

Quand les soignants parlent de décompensation psychique, l’écrivain décrira le malaise du patient, la perte de contact avec la réalité, le parcours de soin chaotique.

 

L’angoisse est le moteur qui peut pousser le psychotique au passage à l’acte

C’est donc un excellent ressort littéraire qui peut devenir le fil conducteur d’une narration. Jusqu’où pousser le sentiment d’angoisse ? Comment le gérer ? Dans mon roman « La folie de l’exil », lorsque l’histoire était encore en cours d’élaboration, certaines lectrices/amies m’ont permis de soulager la protagoniste pour une fin moins terrible que ce que j’imaginais initialement…

 

Pour ceux qui sont prêts à partir à la découverte de mon roman, pourriez-vous imaginer une autre fin… ?

Saurez-vous faire la différence entre la réalité et les éléments délirants de mon personnage ?

Pourrez-vous relever les premiers éléments où tout semble basculer ?

Natalia Clément-Demange

 

Cet article a été écrit par un auteur monBestSeller. Les articles sont une des manières les plus efficaces de faire connaître ses livres, son style, sa personnalité d’auteur. Une des meilleures invitations à la lecture.

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13 CommentairesAjouter un commentaire

@Sylvie de Tauriac
Bonjour,
Intéressant alors comment décririez vous l'angoisse si ce n'est pas par un des prismes que j'ai choisi ? Hâte d'en savoir plus !

Publié le 24 Mars 2024

@Marie Berchoud
Bonjour,
J'apportais une précision par rapport à mon texte initial et par rapport au fait que vous pensez que la folie et l'angoisse sont deux choses très différentes. Pour moi, il y a de l'angoisse dans la folie . Voilà tout .
Bonne fin de journée,
Natalia

Publié le 24 Mars 2024

L'angoisse ne se transmet pas seulement par la description psychologique d'un personnage et je pense à notre maître à tous, un auteur qui a le talent de communiquer ce malaise et une angoisse profonde par son style exceptionnel : Kafka. Sa description des paysages est déjà angoissante et après avoir terminé ses romans, vous avez l'impression de sortir d'un cauchemar. @Sylvie de Tauriac

Publié le 23 Mars 2024

Il y a quelque chose qui m'échappe. À moins que je ne sache pas lire, votre tribune est censée donner des pistes aux "auteurs" pour décrire l'angoisse "les différentes façons d'écrire l'angoisse, comment transcrire le sentiment d'angoisse". D'où mon commentaire. Et maintenant, vous me répondez que c'est "aux lecteurs" d'identifier la folie. Désolée, mais je ne cautionne pas votre diagnostic. À moins que vous rejoigniez certains professionnels de santé, une personne angoissée n'est pas folle au sens strict du terme alors qu'il s'agit d'un mal-être passager. J'ai été délirante une fois pour une cause physiologique et pas mentale et le premier médecin que j'avais consulté 2 fois avant cette crise m'a dit que j'étais folle et m'a injecté 1 1/2 dose de Valium pour que je foute la paix à mon entourage. Malgré les symptômes évidents, d'une grossesse extra-utérine, il n'a pas été foutu de poser le bon diagnostic, pourtant flagrant. J'étais folle, point barre, bonne à consulter un psy. 2 jours plus tard, arrivée aux urgences avec 3 litres de sang dans le ventre suite à la rupture d'une trompe. Désolée, mais votre tribune est trop embrouillée pour moi.

Publié le 22 Mars 2024

@Natalia Clément- Demange, je ne comprends pas votre réponse : je n'ai jamais dit le contraire !!

Publié le 22 Mars 2024

@Marie Berchoud

Bonjour,
L'angoisse est un état, un symptôme qui peut se présenter dans n'importe quelle folie.
Le sujet délirant est forcément angoissé et/ou lutte contre cette angoisse ( c'est la fonction du délire ).

Publié le 22 Mars 2024

@Natalia Clément-Demange - il me semble, pour l'avoir expérimenté, que l'angoisse et la folie sont deux états très très différents : dans l'état d'angoisse, un "je" ressent cette angoisse de façon physique, coeur serré, contractures musculaires, gorge nouée... ; dans l'état, ou plutôt LES états de folie, le sujet-siège de cette folie est sous son emprise, peut-il dire encore JE et quel JE ? Souvent c'est plus du "ça", ou du "on"... : ça hurle, ça chauffe, ma peau me brûle, etc.

Publié le 22 Mars 2024

@Gwenn A. Elle
Bonjour,
Le fait de livrer le diagnostic ou les éléments médicaux sont un des prismes par lesquels l'histoire peut se dérouler mais n'est pas nécessaire ni obligatoire selon le sens attendu, de ce qui voudra être provoqué chez le lecteur. Cela peut par ailleurs permettre de comprendre la pathologie psychiatrique parfois .
Bonne journée,
Natalia

Publié le 21 Mars 2024

@Fanny Dumond
Bonjour,
Je ne dis pas non plus avoir réfléchi à la manière de décrire l'angoisse dans mon roman mais il s'agit plus d'une réflexion post écriture, sur ce qu'il en ressort , sur les questionnements des lecteurs et également des auteurs qui souhaitent identifier les mécanismes psychiques en jeu.

Publié le 21 Mars 2024

@Albert H. Laul
Effectivement le fait d'avoir éprouvé le sentiment permet de le décrire précisément, merci pour votre partage.
Bien à vous,
Natalia

Publié le 21 Mars 2024

@Natalia CLEMENT-DEMANGE

Bonjour Natalia ! Je crois que c'est effectivement intéressant d'avoir le vrai diagnostic quand on est lecteur, si l'auteur le connait. Mais l'auteur peut aussi décrire des symptômes sans mettre de nom sur la maladie ou sur le trouble. Quel que soit le sentiment que l'on veut faire exprimer à son personnage, je pense qu'il faut être en mesure de le ressentir... Et ça peut être difficile.
Merci pour votre intéressant article !
Gwenn

Publié le 21 Mars 2024

Je ne savais pas qu'il existait une " méthode " pour écrire l'angoisse, mais actuellement sur le site, on peut lire le témoignage de Joy Martinez (qui passe totalement inaperçu) sur l'enfance maltraitée par des dégénérés, insupportable à lire. 'Elle l'a très certainement écrit sans se poser de telles questions de savoir comment la décrire. Il m'a déclenché l'une de mes pires crises d'angoisse.

Publié le 21 Mars 2024

@Natalia CLEMENT-DEMANGE

A mon sens, tout repose sur la vérité du sentiment éprouvé, le mien, celui de l'autre, celui de mon personnage.

Je ressens une sensation de resserrement, d'étranglement, une main autour de ma gorge, un poids sur ma poitrine, des coups, oui des coups, terribles, dans ma cage thoracique, un mal dans mon corps, soudain, indéfinissable, un besoin de crier en silence. J'étouffe. Mes yeux tremblent et pourtant restent secs. Ce mal est en moi. Et je ne peux l'extraire. Je cherche une issue dans mon corps, pour mon corps. Pour mon esprit, c'est trop tard, je crois. Ma peau qui se tend empêche tout sentiment de sortir. Je suis prisonnier. Personne aux alentours. Seule mon angoisse me regarde. J'entends son rire caverneux. Aidez-moi ! Je vous en supplie.

Et ensuite, après avoir repris mon souffle, vient l'étape de la "besogne intérieure", longue, ardue, indispensable pour non pas seulement analyser mais recréer le sentiment d'angoisse qui m'a assailli, pour décrire une réalité intérieure.

Merci pour votre article.
Bien à vous,
Albert H. Laul

Publié le 21 Mars 2024