Noël est un espace temps propice à la littérature : romance, policier, horreurNoël est un cadre repérable immédiatement pour le lecteur : le bonheur en fond de décor
Si Noël inspire autant, c’est d’abord pour sa dimension iconique, mais aussi pour son efficacité narrative. Neige, père Noël, cadeaux, réunions familiales, tensions : l'imagerie parle à tout le monde. Cet imaginaire partagé facilite l’entrée dans l’histoire et permet aux auteurs de se concentrer sur les enjeux dramatiques ou émotionnels de cette période où tout doit paraître harmonieux.
De Dickens aux livres contemporains, Noël est un moment, un décor romanesque
La littérature de Noël trouve son origine dans le conte moral et social "A Christmas Carol "(Charles Dickens). Il reste le texte fondateur, mêlant fantastique et critique sociale. Ce roman conte est destiné à prouver que personne n’est contraint de rester ce qu’il est.
C’est ce mélange de critique sociale, de morale humaniste et de fantastique qui fait de Noël un écrin fantastique.
Plus triste, Andersen, avec son conte La Petite Fille aux allumettes, montre dès le XIXe siècle que Noël peut être tragique. Elle montre la puissance de l’imaginaire en dépit de la souffrance. Le conte dénonce l’abandon des plus vulnérables. La petite fille meurt de froid au milieu d’une rue où personne ne lui vient en aide : Andersen pointe du doigt une société qui laisse ses enfants pauvres mourir dans l’indifférence.
Et c’est in fine un appel à la compassion conçue pour émouvoir le lecteur, compassion d'autant plus forte que tous célèbrent au chaud, devant festin et cadeaux la nativité.
Aujourd’hui, le roman de Noël privilégie des approches variées : du sentimental au policier en passant par l'horreur :
Noël à la petite boulangerie (Jenny Colgan) qui s’inscrit dans la série de la petite boulangerie traduit pleinement cette tradition feel-good.
Chaleur communautaire, confort quotidien, et bonheur fait de petits riens
Le roman jeunesse Let It Snow (John Green, Maureen Johnson, Lauren Myracle) confirme l’attrait du public adolescent pour ce décor saisonnier.
Mais Noël n’échappe pas au polar, en témoigne Le Noël d’Hercule Poirot d’Agatha Christie, régulièrement réédité. Noël sert donc à piéger les suspects dans un huis clos familial, idéal pour un roman policier. Le contraste : fête de paix, crime sanglant exacerbe les émotions.
La Neige était sale, Georges Simenon n'est pas à proprement parler un “polar de Noël” au sens festif, mais l’histoire se déroule dans un hiver glacial en période de fêtes, accentuant l’ambiance sombre et morale dégradée.
il existe des romans d’horreur sur le thème de Noël. Par exemple : Mistletoe d’Alison Littlewood (2019) : une veuve achète une ferme en Yorkshire pour recommencer sa vie après une tragédie, mais Noël rime avec instabilité, isolement et hantises.
Le livre Holly de Stephen King sorti en 2023 utilise le climat des fêtes d'hiver pour créer son suspense
De même “The Shining” de King est fréquemment cité parmi les livres d’hiver effrayants.
Noël évoque la chaleur, la famille, la bonté…Introduire l’horreur dans cet univers crée un choc émotionnel puissant.
Plus l’ambiance est douce et rassurante, plus l’irruption du macabre devient saisissante.
C’est le même principe que dans Le Grinch, Krampus ou les contes d’hiver sombres.
Sur scène et au théâtre : la comédie plutôt que la féerie
Au théâtre, Noël devient surtout matière à satire.
Le modèle du genre reste Le Père Noël est une ordure de la troupe du Splendid,est une comédie mythique au vitriol qui détourne les codes de la fête pour mieux en révéler les absurdités.
Noël en musique : quelques records
Sur le plan musical, Noël génère chaque année un flux massif de reprises et de créations.
White Christmas (Irving Berlin) reste l’un des titres les plus vendus de l’histoire. Petit Papa Noël demeure un classique francophone indétrônable.. Et Happy Xmas (War Is Over) de John Lennon et Yoko Ono rappelle qu’une chanson de Noël peut aussi porter un message politique.
Enfin, l ’inévitable All I Want for Christmas Is You est aussi devenu un phénomène mondial (Mariah Carey)
Des traditions religieuses aux rassemblements familiaux, chanter ensemble est un rituel collectif : chorales, écoles, familles, rassemblements publics…
La musique de Noël existe parce que la fête elle-même est musicale : elle réunit, émeut, célèbre et raconte.
Au cinéma : Noël est un décor qui accepte tous les registres
Le cinéma utilise Noël comme un amplificateur émotionnel.
Les récits chaleureux dominent : La Vie est belle (Frank Capra), Maman j’ai raté l’avion, une période propice au chaos familial, un décor lumineux qui rend l’aventure plus magique Le Pôle Express film d'animation célèbre notamment pour sa manière très émotive d’explorer la magie de Noël.
Mais les versions sombres commencent à damer le pion : :
Gremlins, mélange de comédie et d’horreur, Krampus, inspiré du folklore alpin, Die Hard (Piège de cristal), devenu paradoxalement un film de Noël culte.
Noël porte des côtés maléfiques. Son folklore est aussi censé, entre autres, punir les enfants désobéissants au moment de Noël, voire semer la terreur.
La télévision suit le mouvement, avec des variations plus audacieuses,
L’épisode “White Christmas” de Black Mirror",est l’un des plus sombres de la série. White Christmas prend les valeurs traditionnelles de Noël et les détourne.
La vulnérabilité émotionnelle des personnages devient un moyen d’exposer leur solitude, leurs fautes et leurs mensonges. Le contraste entre le décor festif et la froideur de leurs actions accentue la cruauté du récit. Noël est présenté comme moment moral : jugement et sanction.
Il devient l’occasion de faire tomber les masques et d’exposer la nature humaine.
Les feuilletons mièvres de Noël (qu’on voit à la télé en décembre ) désignent des films ou téléfilms très romantiques, très prévisibles et ultra sucrés dont l’action se déroule presque toujours pendant la période des fêtes. Des intrigues simples, beaucoup de bons sentiments, un ton réconfortant. Ce sont le plus souvent des histoires d’amour et de Noël, doucereuses, répétitives, mais parfaites pour se mettre en mode “plaid chocolat chaud ”.
Noël, un thème plus complexe qu’il n’y paraît
Contrairement aux idées reçues, la fiction de Noël n’est pas exclusivement festive.
Elle explore aussi : l’horreur (Krampus, Gremlins), la misère sociale (Dickens, Andersen), le polar (Le Noël d’Hercule Poirot), la satire (Le Père Noël est une ordure). En librairie, les romances de Noël, les polars hivernaux et les rééditions Christmas Carol se placent systématiquement parmi les meilleures ventes de décembre.
Les fêtes sont un atout, pas une contrainte pour l'écrit
Plus largement, les fêtes religieuses et populaires offrent aux auteurs un cadre symbolique fort : Pâques, Halloween, Nouvel An, Toussaint…
Ces dates servent de repères émotionnels et narratifs, en ouvrant des champs de créativité. Elles fonctionnent comme des “accélérateurs d’intrigues et d’émotions". C’est un univers imagé inspirant : neige, cloches, cadeaux, lumières, feu de cheminée, souvenirs d’enfance. Et heureusement quelques drames qui nourriront les conversations familiales jusqu'à Noël prochain.
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Ah l'indémodable magie de Noël !!
Mention spéciale pour "Le Père Noël est une ordure" qui dézingue tous les codes du genre : le "charity business", les bas instincts, la misère sociale, la mièvrerie de la bourgeoisie… Même l'immigré de service, Monsieur Preskovitch, en prend pour son grade. Et, une confrontation jubilatoire entre transsexualité caricaturale et homophobie abjecte ne nous est pas épargnée…
Joyeuse époque où il était permis de rire de tout… Nous qui sommes entrés dans une littérature qui dégouline de bons sentiments, de politiquement correct, de censure et d'autocensure, pleurons plutôt notre liberté perdue et protégeons les derniers trublions…