Interview
Le 18 mar 2015

Salon du Livre. Ian Manook : Soyez pertinents et inattendus !

Ian Manook, auteur du polar à succès Yeruldelgger, revient avec un nouvel opus de son héros. Juste avant le Salon du Livre, Il répond aux questions de monBestSeller. Photo Richard DumasIan Manook, auteur du polar à succès Yeruldelgger, revient avec un nouvel opus de son héros. Juste avant le Salon du Livre, Il répond aux questions de monBestSeller. Photo Richard Dumas

C'est le retour de Yeruldelgger ! Le flic mongol un peu border line revient dans « Les Temps sauvages » (Albin Michel). Un deuxième opus entre la Mongolie, la Sibérie et la France où l’enquêteur, toujours très en colère, doit affronter les Russes et les steppes enneigées. Ian Manook, auteur heureux (le premier tome a reçu pas moins de 11 prix des lecteurs dont Le prix Quais du polar/20 minutes et celui des lectrices de ELLE), nous parle de son nouveau livre, de la manière dont il écrit, et nous livre sa réflexion sur l’édition indépendante.

Question: 

Comment est né le personnage de Yeruldelgger ?

Réponse: 

J’écris depuis longtemps des histoires que je ne termine pas. Dans ces réserves de récits, il y a des personnages que j’aime bien, notamment celui d’un flic new-yorkais. J’ai gardé ce personnage et je l’ai transposé, avec son caractère, en Mongolie. Je garde toujours en tête 4 ou 5 personnages.

Question: 

Pourquoi la Mongolie ?

Réponse: 

J’y ai voyagé et le pays était un bon terreau pour écrire quelque chose d’inattendu. Je n’avais pas envie d’écrire un polar français. Les Américains avaient déjà tout fait. J’aurais pu choisir l’Alaska ou la Patagonie mais la Mongolie s’est imposée. La culture chamanique présente dans le pays donne à tout, à la mort, à l’amitié, au voyage, un léger décalage par rapport à notre vécu occidental. Le rapport à la violence, à la force, à la mort est différent du nôtre ce qui est intéressant pour le polar.

Question: 

Pourquoi avoir choisi le polar ?

Réponse: 

La genèse de cette aventure littéraire vient d’un pari. Ma fille en avait assez de lire des histoires que je ne terminais jamais. J’ai fait le pari d’écrire deux livres par an dans deux genres différents sous un nouveau pseudo à chaque fois. J’ai commencé par un essai sur le voyage aux éditions Transboreal. J’ai ensuite écrit un roman jeunesse chez Hugo&cie puis un roman. Le quatrième devait être un polar. J’ai découvert que j’étais à l’aise dans ce genre littéraire. Ce format de 500, 600 pages convient bien à mon écriture. Et le polar, surtout quand il se passe à l’étranger, offre une plus grande liberté de parole aux personnages.

Question: 

Dans « Les Temps sauvages », vous mettez davantage en lumière Oyun, la collègue du commissaire...

Réponse: 

Yeruldelgger est comme l’image que j’ai de la Mongolie : solide, inébranlable mais aussi fragile. La Mongolie est un beau pays de traditions nomades mais certaines personnes ont envie que ce pays se modernise et entre dans une nouvelle ère. J’avais besoin d’un autre personnage fort, en face de Yeruldelgger, capable d’incarner cette idée. J’avais aussi envie de développer un personnage féminin.

Question: 

Autre nouveauté dans ce deuxième opus : vous sortez de Mongolie…

Réponse: 

L’éditeur m’a proposé d’élargir le terrain de jeu de l’enquêteur. Au début, je n’y étais pas très favorable car je ne voyais pas Yeruldelgger venir faire un stage à la PJ à Paris. Puis je suis tombé sur deux faits divers qui ont permis de rattacher l’intrigue à la France : l’un sur l’affaire du commando et l’autre sur le trafic d’enfants. Cela m’a permis de faire intervenir de nouveaux personnages comme Zarza.

Question: 

Comment écrivez-vous ?

Réponse: 

J’écris sans plan et sans revenir en arrière. J’ai appliqué la même « méthode » pour les deux tomes. Je définis d’abord l’idée principale du livre en trois lignes. J’écris ensuite deux scènes d’ouverture par pur plaisir. Sans connaître le lien entre elles, sans savoir où elles vont m’emmener ou à quoi elles vont servir dans l’histoire (ici, celles de l’empilement de cadavres et du corps de l’homme coincé dans une faille de montagne). Poser ces scènes me permet de bien définir mes personnages, leur attitude, leur comportement, leurs idées. Ensuite, je développe ces deux scènes. Elles finissent pas se joindre. C’est un jeu. Je ne me documente pas non plus avant d’écrire. Le récit est basé sur les souvenirs de mes voyages ou de mes rencontres avec des voyageurs. Si j’ai besoin d’une information ponctuelle ou d’un jalon pour que le lecteur comprenne l’histoire, je le signale en rouge et j’y reviens plus tard.

Question: 

Où écrivez-vous ?

Réponse: 

J’écris sur mon lieu de travail. Je dirige une petite agence de création spécialisée dans le voyage. Sur mon écran d’ordinateur, j’affiche le travail pour l’agence en cours et mon roman. J’écris quelques pages entre deux coups de fil, deux rendez-vous. Je ne suis pas discipliné et j’ai besoin d’avoir du mouvement autour de moi. J’intègre les éléments dans mon histoire au fur et à mesure. Voir passer quelqu’un dans la rue déclenche l’inspiration. Même si mon histoire se passe en Mongolie.

Question: 

Que pensez-vous de l’édition indépendante ?

Réponse: 

Aujourd’hui, je suis publié, édité. J’ai la chance d’avoir un éditeur qui défend les auteurs. J’ai découvert une maison d’édition de l’intérieur, et aussi l’architecture économique compliquée et fragile de la filière. Internet est un outil intéressant. Avant de proposer Yeruldelgger, j’avais construit et conçu sur le papier un site d’édition. L’idée était de récupérer des manuscrits et de les faire passer au crible d’un système de notation par extraits. Les internautes lisaient les 10 ou 15 premières pages et votaient. Les ouvrages sélectionnés présentaient les 30 pages suivantes. À la troisième étape, les internautes ne votaient plus mais précommandaient le livre. Cela pouvait permettre à l’auteur de trouver une rentabilité. Aujourd’hui, on voit des histoires débuter sur Internet et terminer en succès de librairie. Le problème est qu’Internet démultiplie le public mais qu’il ne le fédère pas dans un acte économique. On peut avoir 10 000 avis positifs sur Internet mais cela reste 10 000 avis individuels sans système économique viable. Si un auteur développe une auto-édition à succès, il touchera plus que moi par exemplaire vendu mais comment pourra-t-il gérer la diffusion et la distribution de ses livres ? Il n’y a pas que l’écriture et l’édition. Et puis, les librairies sont un lieu vraiment agréable d’échanges et de contacts ; j’aurais beaucoup de regret à participer à leur disparition. La profession vient d’annoncer la fermeture de 980 points de vente…

Question: 

Quels conseils donneriez-vous aux auteurs ?

Réponse: 

Il faut écrire en pensant au lecteur, se demander à chaque ligne si ce qu’on écrit va le surprendre, si l’intrigue est assez travaillée. Il ne faut pas chercher à écrire le livre de sa vie, celui où on refuse de changer une virgule. Je répèterai ce qu’un de mes clients m’a toujours dit, à savoir que les choix doivent être à la fois pertinents et inattendus et qu’il ne faut pas avoir de vanité d’auteur.  

Propos recueillis par Clémence Roux Deluze

Ian Manook sera en séance de dédicace au Salon du Livre de Paris dimanche 22 mars de 15h à 16h30 (stand Albin Michel).

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