C’est drôle, il y a quelques jours j’ai regardé Paris brûle-t-il, et les rues vides de la capitale m’ont fait penser immédiatement à l’époque que nous vivons.
Clin d’œil du destin, un film se déroulant sous l’Occupation était en train de se tourner près du Sacré-Cœur, dans les rues Berthes et Androuet, figeant ce coin de Paris sous des aspects des années 40 : affiches antibolchéviques, couvre-feu, publicités collaborationnistes, façades de magasins transformées…
Tout cela nous replongerait facilement dans le passé, et les similitudes ne cessent de s’accroître.
À l’angle d’une autre rue, le marché noir est bien en place. Les vendeurs de cigarettes de contrebande lancent aux rares passants des « Marlboro, Marlboro ! Cigarettes ! » au nez et à la barbe de la police, comme Gabin bravait le couvre-feu en transportant son cochon dans La Traversée de Paris.
À cette différence près, c’est que ce nouveau marché noir — cette économie parallèle — s’est mis en place bien avant le conflit.
Car il s’agit bien d’un conflit, non ? Notre président nous l’a dit : « Nous sommes en guerre ». Et d’ailleurs, n’avons pas eu le droit à notre « appel », nous aussi ? Celui des médecins qui lancent : « Résistez en restant chez vous ! » Drôle de résistance : le confinement, la solitude… l’exode intérieur !
Désormais, il ne nous reste plus qu’à attendre le débarquement du vaccin ou celui du remède provoquant la fin des files d’attente devant les magasins et le jaillissement de foules en liesse.
Finis aussi les « papiere » et « ausweiss » à tendre aux points de contrôle, cette fameuse « attestation de déplacement dérogatoire ». En voyant les grappes de contrebandiers, je me demandais quelle case ils avaient bien pu cocher sur ces « attestations sur l’honneur ». Peut-être la première case : « déplacements entre le domicile et le lieu d’exercice de l’activité professionnelle… ».
Quoi qu’il en soit, le jour de gloire reviendra, celui où le général en chef remontera, fier, l’avenue des Champs-Élysées pour déposer une couronne de fleurs devant la flamme du Soldat inconnu avec une pensée pour tous ceux tombés au champ d’honneur et morts… pour rien ! Pour un putain de virus cent mille milliard de fois moins grand qu’un tank allemand.
Et lorsque la fin du couvre-feu retentira, étrangement, à l’inverse de 1945, les cloches de Notre Dame resteront muettes !
Philippe De Vos
Vous avez écrit un livre : un roman, un essai, des poèmes… Il traine dans un tiroir.
Publiez-le sans frais, partagez-le, faites le lire et profitez des avis et des commentaires de lecteurs objectifs…
Bonjour @Ph. De Vos
Rassurez-vous, je n'ai rien à vous reprocher, car vous m'aviez répondu sur l'onglet dédié et sincèrement je n'avais rien remarqué et pour tout dire je ne comprends pas ces doublons.
Effectivement, on peut sans cesse faire des parallèles avec l'Histoire, avec des événements comme si la nature n'était pas inventive. Tout se répète inlassablement comme la roue de l'existence qui revient toujours à son point de départ.
Après ce drame nous panserons nos plaies qui cicatriseront plus ou moins bien selon comment nous l'aurons vécu : dans la douleur d'avoir perdu un être cher pour certains, dans la solitude, dans l'incompréhension, dans le déni... pour d'autres. Et nos vies étriquées dans notre petit confort reprendront leur cours là où elles s'étaient arrêtées sans faire trop d'efforts pour l'améliorer, sans en tirer de leçons importantes, car, je vous rejoins, le naturel reviendra au galop. "L'histoire se répète parce que les foules sont dures d'oreille". "L'histoire se répète parce que la bêtise aussi (pastiches de mes lectures" ;-)
Quant au "dorénavant" proposé par l'appel à l'écriture, je comprends que votre présent commentaire vaille tribune. Cette proposition d'écriture concerne le déconfinement et je pense qu'elle est prématurée parce que nous sommes qu'au milieu du tunnel (dans le meilleur des cas) et que, malgré mon optimisme légendaire, j'ai d'énormes craintes que nos vies basculent vers un avenir où l'humanité devra tout réinventer. Quel chantier ! encore plus difficile que celui de rebâtir Notre-Dame de Paris. Dans l'attente de vous lire à nouveau, je vous souhaite une bonne journée, Philippe. Bien cordialement. Patricia.
Bonjour @Ph. De Vos. Nous n’avons pas eu besoin d’une Doloréane ni de bricoler une horloge pour nous rendre là où nous en sommes. Durant les fêtes de fin d’année passées dans l’insouciance et la joie du partage en famille, nous étions loin de nous douter que nous retournerions, lentement mais surement, dans un passé que la plupart d’entre nous n’avons pas connu. L’humain est aveugle et aime se boucher les yeux, les oreilles et se taire. Pourtant, lorsque je voyais les petits chinois masqués, vêtus tels des cosmonautes, asperger de désinfectant toutes surfaces, construire un immense hôpital à la vitesse de l’éclair, j’ai réellement commencé de me poser certaines questions. Retourner dans le passé en visionnant un film est agréable pour notre imagination, puis on se dit qu’ Ouf ! il s’agit d’un conte à dormir debout tant l’histoire est enchevêtrée et compliquée. La nôtre ne l’est pas, elle est d’une simplicité déconcertante. Il était pourtant bien là notre ennemi qui n’a pas un seul neurone pour réfléchir, qui frappe au hasard sans aucune considération de qui est qui et qui se moque dans les grandes largeurs de nos armements sophistiqués et de plus en plus performants pour nous entretuer sans aucun remord. Nous défendons notre bout de gras comme les imbéciles que nous sommes. Lui, il s’en fout de nos possessions que nous n’emmènerons pas dans nos tombes. Nous étions parés contre toute attaque possible et comme cela n’arrive qu’aux autres, nous l’avons ignoré longtemps, trop longtemps ce monstre digne d’un conte à apeurer les enfants. J’aime beaucoup votre parallèle, Philippe, avec les temps obscurs de la Seconde Guerre mondiale. Ne dit-on pas que l’Histoire se répète. Nos soldats partaient au front, insouciants, la fleur au fusil. Mais, il s’est vite avéré qu’il n’avait qu’un fusil, qu’un pantalon, des godillots pour deux, qu’ils subissaient ordres et contrordres des généraux, à la science infuse, planqués dans leurs bureaux à tirer des plans sur la comète. Puis la population a connu les files d’attentes devant les magasins, les tickets de rationnement, les ausweiss, le marché noir, les fortunes faites sur le dos de ceux qui voulaient sauver leur vie, les trafics en tout genre, les vols de biens, la délation entre bons Français, les laissés-pour-compte, l’exode de ceux qui n’en pouvaient plus de se planquer comme des rats dans les caves, la faim, l’angoisse pour les enfants, pour les soldats, pour les résistants ingénieux et anonymes, les informations contradictoires et optimistes que cette guerre, la der des der, serait courte… Oui, le jour de gloire reviendra au chef et tous ceux qui auront contribué à faire fonctionner l’Économie retourneront dans l’anonymat le plus complet et devront encore se battre pour obtenir un peu de reconnaissance. J’ai frissonné en lisant votre dernière phrase : « Et lorsque la fin du couvre-feu retentira, étrangement, à l’inverse de 1945, les cloches de Notre-Dame resteront muettes ». Je vous remercie de cette lecture qui m’a donné l’occasion de vous rejoindre, longuement, mais spontanément ! Et je comprends votre désappointement quant au décalage de votre texte dont la publication a bien tardé ! L’actualité va si vite, comme tout dans nos vies, que votre texte perd un tout petit peu de sa portée plus d’un mois après le début des évènements. Mais l’essentiel est d’avoir participé et bien participé avec votre texte dans lequel j’ai retrouvé votre patte. Bien cordialement. Patricia