Tribune
Le 11 fév 2015

Tribulations d’un auteur au pays de l’Edition

Dominique, auteur, cofondateur d’écrituriales, une association d’écrivains pour mettre en commun leurs atouts, nous conte son parcours du combattant : pas de pitié pour les auteurs. Un regard lucide sur la difficulté de vivre ses passions, et sur les itinéraires possibles. Un concentré d’expérience. Et si on lui dit, « tout cela coute très cher ! », il répond « Et si je jouais au golf, cela me coûterait encore bien plus cher ! »
Parcours d'un auteur en quête d'édition.Parcours d'un auteur en quête d'édition.

La confrontation à l’Edition traditionnelle : un choc

L'édition, je n'y connaissais rien. Les grands éditeurs, évidemment ces noms me parlaient. Il me fut facile de trouver une vingtaine d'adresses. Je leur ai adressé mes 400 pages polycopiées en nombre. Comment choisir parmi les premiers qui se disputeront mon futur best-seller ? Bizarre, ils en mettent du temps ! Les premières réponses arrivent, négatives, une ligne pour me dire que je ne suis pas dans la ligne éditoriale. Manifestement les pages du document polycopié n'ont pas été feuilletées. D'autres suivent du même style. Je dois être trop vieux, et bien sûr je ne suis pas connu (pas encore). J'ai perdu six mois. Ils vont voir, je suis tenace. J'ai entendu dire que Paolo Coelho, lui aussi, n'avait pas été repéré tout de suite. On me dit d'aller voir du côté de la petite édition.

Internet et les services d’Edition : passage conseillé ou passage obligé.

Internet était déjà bien utile pour ce genre de recherche. Par contre, je n'étais pas très habile. Je finis par trouver une adresse et me laisse tenter. Il faudra que je participe aux frais de corrections. Je me doute qu'en ce qui me concerne, ce n'est peut-être pas totalement inutile. J'accepte. Également il me faut participer "modestement" aux frais d'édition. Pas d'inquiétude, cet investissement sera vite remboursé grâce aux ventes. "Utopies ?" voit le jour. Comme annoncé, le bon de "commande réservation" me permet d'en vendre une quantité sympathique. Mais après ? C'est un grand désenchantement, plus rien. L'éditeur me dit qu'il faut attendre un an pour faire le point des ventes. Chaque fois que je le sollicite pour quoi que ce soit, c'est une déception. Alors je demande à reprendre mes droits, ce qu'il accepte. Cette fois je ne vais plus me faire avoir, j'ai compris.

Le piège traditionnel : le compte d’auteurs

Hélas, les portes auxquelles je frappe m'éconduisent puisque j'ai épuisé mon potentiel de vente auprès de mes relations. Personne ne veut prendre le risque de réinvestir pour une nouvelle impression. Ah, si, je trouve un éditeur qui accepte de le faire à condition que je participe aux frais d'impression. Il en imprimera 1000, me dit-il. Je devrais lui en acheter 400 au prix de 18 €, le prix de vente étant de 22,50 €. J'accepte !

La commercialisation : le chemin de croix

Il me suggère de faire des dédicaces, de participer à des Salons du livre, d'en déposer chez des libraires. Je joue le jeu. Je découvre les Salons du livre et cela me plaît. Je rencontre du monde des visiteurs avec lesquels j'ai des échanges sympathiques sur mon ouvrage, cela me dope. Mais lorsque l'on me demande à quand le prochain, je souris et réponds : le prochain ! Mais j'ai écrit le livre de ma vie, il n'y en aura pas d'autres. Erreur, tous ces échanges, les demandes de précisions, des questions auxquelles je n'avais pas pensé, font germer l'envie d'écrire à nouveau, pour y répondre. Je commence à rédiger.

Editeur à compte d’auteur, Editeur à compte d’éditeur, Editeur à compte d’éditeur participatif.

Je rencontre des auteurs "chevronnés" me dis-je, ils ont l'air sûrs d'eux. Lorsque je leur demande s'ils vendent bien, les chiffres qu'ils m'annoncent me surprennent par rapport au mien. Il est vrai je ne suis pas un bon vendeur. Et comme je suis satisfait grâce aux contacts que j'ai, je ne me décourage pas. Lorsque l'on me fait remarquer que cette occupation me coûte de l'argent, je réponds très sincèrement : oui, mais si je jouais au golf, cela me coûterait peut-être encore plus cher. Le temps passe, à force de nous croiser les uns les autres, le langage se délie. Certains viennent me poser la question : "ton éditeur à toi, il est comment ?". Au début je n'en comprends pas le sens, mais très vite ma réponse viendra : "comme le tien, il me demande des sous et il ne vend pas". Mon éditeur n'a jamais imprimé les 1000 ouvrages annoncés. Je n'ai reçu des droits d'auteur que sur une trentaine d'ouvrages. Je commence à découvrir le monde de l'édition, les éditeurs à compte d'auteur (ils ont le courage de le dire), les éditeurs à compte d'éditeur (une grande majorité rajoute l'adjectif "participatif"). Ceux qui le sont réellement  réfléchissent à deux fois avant de prendre le risque d'éditer quelqu'un. C'est normal, comment financer sa structure sur de petites quantités de livres, quand on connaît le pourcentage restant pour l'auteur et l'éditeur sur le prix de vente des ouvrages ?

Auto édition : le pire et le meilleur

Ma rédaction avance. J'ai repéré dans les Salons des auteurs qui se disent auto éditeurs. Ils ne vendent pas mieux que les autres, mais n'ont pas les mêmes questionnements sur les problèmes d'argent. Finalement, je me dis que cette piste pourrait bien me convenir pour l'édition de mon prochain livre. Je prends la décision d'étudier le fonctionnement du monde de l'édition. Je comprends le pourquoi des éditeurs à compte d'auteur déclaré ou déguisé. Je découvre aussi que l'autoédition a mauvaise presse, parce que l'on y trouve le pire et le meilleur. Pourtant plus je réfléchis, plus cette piste me tente. La difficulté de l'autoédition, c'est le manque de sérieux dans de trop nombreux cas et le fait d'être seul. Le déclic arrive. Il faut se regrouper en association, pour partager des moyens et des outils qui ne peuvent pas se justifier financièrement pour de petites quantités. Il faut veiller à la qualité et pour cela avoir un Comité de lecture, des règles de mise en forme et une charte graphique pour créer une image reconnue.

Les associations : la solution pour vivre nos œuvres à notre rythme.

Au travail ! Pour que cela soit crédible il faut réfléchir à l'organisation de cette structure, des règles de fonctionnement, des outils de communication et de gestion, puis formaliser tout cela. J'ai une centaine de pages écrites pour l'ouvrage que je compte publier ainsi. Pour le moment je suis obligé de les laisser un peu de côté, difficile de courir deux lièvres à la fois.

écrituriales nait début 2010. Nous sommes trois pour la créer. Curieusement la première personne qui demande à nous rejoindre arrive avec un album d'aquarelles et de textes ! Nous imaginions publier des romans, des essais… finalement nous l'acceptons et décidons que notre ligne éditoriale sera notre diversité. Notre objectif n'est pas le succès commercial, mais le plaisir de faire vivre nos œuvres, chacun à notre rythme, avec nos compétences et celle des autres qui voudront bien nous aider là où nous sommes défaillants. Nous savons que la difficulté dans l'édition c'est de vendre des ouvrages. Ce n'est pas parce qu'ils sont en librairie qu'ils seront achetés, il y en a tant. Prenons le plaisir à le faire nous-mêmes, à notre rythme, en nous impliquant, cela nous coûtera moins cher et nous aidera à continuer d'apprendre, tout en nouant de nouvelles relations d'amitié. Que demander de mieux pour continuer à rester en forme le plus longtemps possible ? La construction de l'association m'a dévoré. Mon ouvrage "Dans quelle société voulons-nous vivre ?" n'est sorti qu'en 2014, j'ai dû réécrire les 100 pages déjà rédigées, tant l'actualité avait changé. J'ai réussi aussi à sortir en 2011 "Voyage au cœur du livre", ouvrage collectif dont je suis rédacteur à 70 %.

Propos de Dominique Dumollard, cofondateur des écrituriales. 
écrituriales a publié 4 ouvrages en 2010, 30 à fin 2013, 60 à fin 2014.
44 adhérents à ce jour.

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11 CommentairesAjouter un commentaire

Je vous félicite vraiment pour votre perspicacité, il est vrai que pour vivre de sa passion, il faut effectivement se trouver sur tous les fronts. En même temps, c'est une belle aventure je trouve ! Merci beaucoup de votre témoignage très instructif !

Stéphane

Publié le 04 Mai 2015

Eh bien, voici un message bien sympathique. Chacun sa route, chacun son chemin. L'important est de se faire plaisir et d'oublier les tracas lorsqu'ils surviennent. Je vois que tu es bien armé et que tu sais ce que tu veux, alors "bon vent" et succès dans tes projets, même si derrière le mot succès on peut y mettre tout et n'importe quoi, le pire et le meilleur. Alors c'est le meilleur que je te souhaite. Je vais me mettre à la cape moi aussi, c'est vraiment pas trop pratique ici et avec mon vieil outil de se promener sur Internet. 

Publié le 18 Février 2015

Salut à toi aussi Patrick. J'ai bien perçu que tu étais un mec fréquentable, avec sa personnalité, ses points de vue, ses convictions, sinon je n'aurais pas poursuivi la conversation. Qui a tort, qui a raison ? À vrai dire, on s'en fout, à condition de ne pas rejeter systématiquement les prises de position différentes. Elles aident certainement à progresser. Mon dada, aujourd'hui, n'est pas de refaire le monde de l'édition, mais tant mieux si j'y contribue par ma goutte d'eau. Mon dada, c'est plutôt de faire bouger le fonctionnement de notre société, avant que des catastrophes ne s'en chargent. Utopies ? Je le sais, puisque je l'ai expliqué sous ce titre, et continue sous d'autres. C'est vrai qu'il est dur de s'exprimer par mail. En ce moment je suis dans la montagne, il me faut aller à l'office du tourisme pour me connecter, avec mon vieil ordi de la guerre de 14, qui rame (moi, c'est juste avant la suivante et je rame aussi).

Publié le 17 Février 2015

Patrick, aïe, aïe, aïe ! Mon intention n'était pas l'attaque perso (pas mon genre du tout), juste te taquiner un peu et m'amuser avec quelques jeux de mots à quatre sous. Je me doutais bien que tu aurais une réaction, pas aussi forte cependant. Misogyne ? Je ne vois rien dans mes propos semblant le dire. C'est fou comme d'une manière générale les gens interprètent ce que l'on dit, d'une façon erronée et négative. C'est d'ailleurs une des raisons principales pour laquelle on s'entre-tue gentiment ou atrocement. Tu es gonflé, de dire que je t'ai gonflé, tout cela était un peu de vent, juste une légère brise. Personne ne peut me piquer mes adhérents, puisqu'ils ne m'appartiennent pas, ils sont libres comme l'air et vont ou ils veulent. Je ne donne jamais de consignes, front républicain, Nini (peau de chien ou pas), ou autre… Gallimard m'a appelé ? Merci de me le dire, je ne l'avais pas entendu, mais il est vrai que malheureusement aujourd'hui je n'entends plus trop bien, mais souvent je m'aperçois que c'est bien utile. C'est vrai, je n'aime pas le mot "Tueur", il y en a trop et hélas, le plus grand nombre de leurs victimes sont de pauvres innocents qui ont le malheur de se trouver au mauvais endroit au mauvais moment.

Sans rancune… aucune, de mon côté.

Publié le 16 Février 2015

Le crowdfunding pour un livre c'est bien, mais sur une plateforme comme MBS il doit bien se trouver 100-200 auteurs prets a debourser disons 50 euros chacun pour lancer un projet plus ambitieux, comme par exemple une petite librairie physique pour quelques temps, bien situee, dans laquelle justement les livres auto-edites seraient les seuls a etre disponibles. 100-200 x 50 ca fait deja entre 5000 et 10000 euros. Pour lancer un projet ca devrait suffire, avec un objectif a 20-30000 euros? Que perdrions nous? Rien si le projet n'aboutit pas. Et s'il aboutit, pas grand chose non plus si ce n'est le prix de 10-20 de nos livres que nous acheterions nous-meme a bas prix puisque nous en sommes les auteurs (sur createspace mes livres coutent environs $5 si je les achete moi-meme).

Publié le 14 Février 2015

Patrick le 1er, se fait de la bile et la déverse ! Pourtant, le jeu n'en vaut pas la chandelle, me semble-t-il. Trop seul, toujours seul, sans patron. Aujourd'hui en patron, il fait appel à nous pour exterminer l'édition. C'est un paradoxe ! À moins que comme la gent féminine il soit un peu versatile, comme le pensait François Ier : "souvent femme varie, fol est qui s'y fie !" Ou alors c'est un oxymore, il nous dicte une ligne de conduite et son contraire. Aujourd'hui, nombre d'éditeurs sont des "morts vivants", un autre oxymore, mais si nous les exterminons, comme il nous le recommande et qu'ils soient occis, morts, cela devient bizarre, un pléonasme en quelque sorte. Diable, diable ! Il y a de quoi en perdre son latin. J'arrête, avant de me faire de la bile.

En toute amitié.

Publié le 13 Février 2015

Pour ceux qui cherchent a faire traduire leurs romans, j'ai entendu parler d'un site babelcube,com

D'apres ce que j'ai compris, vous ne payez pas la traduction mais le traducteur recevra une partie des royalties lors des ventes.

Je me suis inscrit pour voir, et bien sur on comprend assez vite que plus votre roman a ete vendu en France et a eu de bonnes critiques, plus un traducteur est susceptible de vous contacter pour un partenariat. C'est de bonne guerre.

Donc si vous voulez, vous pouvez aller visiter le site.

 

Publié le 12 Février 2015

Félicitations pour ces sacrés parcours et itinéraires sinueux.
La passion nous guide pour garder le cap et ne pas perdre le nord dans les méandres du monde de l'édition. Tous mes encouragements pour ces belles initiatives...

Publié le 12 Février 2015

Un autre Patrick ! Un grand merci pour vos encouragements. Ils sont les bienvenus, dans ce genre d'aventure rien n'est jamais gagné. Il faut pédaler tous les jours pour ne pas se casser la figure, mais lorsqu'on n'est pas seul c'est plus facile.

Publié le 11 Février 2015

Une initiative courageuse et intéressante, bravo. La solidarité entre auteurs indépendants (et entre auteurs et lecteurs) est, d'après ce que j'ai pu observer jusqu'à présent, un élément essentiel de la survie des nouveaux auteurs et de leur épanouissement. Conseils, astuces, liens utiles, il y a un très haut taux d'échange dans ce milieu qui fait chaud au coeur et n'est pas anodin quand il s'agit de garder la tête hors de l'eau. Vous avez porté la chose encore plus loin en  regroupant vos efforts, un peu à la manière des nouveaux mouvements littéraires du début du siècle, c'est un projet intéressant.

Publié le 11 Février 2015

Merci Patrick, pour ce commentaire. Cela fait partie des choses sympas que d'avoir des commentaires lorsque l'on se prend au jeu de la rédaction. La "chasse aux collabos" je pense que ce n'a pas été un moment très glorieux non plus. "Ne fais pas aux autres, ce que tu ne voudrais pas que l'on te fasse à toi-même", je crois que c'est dit dans un peu toutes les religions et malheureusement bien insuffisamment appliqué. En tous cas cela me convient mieux, même vis-à-vis de ceux qui m'ont déjà causé quelque désagrément. Et pour apprécier les bonnes choses, cela aide que d'avoir goûté aux mauvaises.

 

En tout cas Patrick me semble en connaître un bout au sujet de ce qui tourne autour de l'édition, au vu de tout ce qu'il écrit. C'est bien de savoir qu'il y a encore du grain à moudre pour progresser. Personnellement je pense que le monde de l'édition, comme celui de beaucoup d'autres activités d'aujourd'hui, va beaucoup évoluer dans les années qui viennent, très vite, car tout va très vite maintenant (sans doute un peu trop même). Je suis aussi bien convaincu que c'est par nous, citoyens, peuple de base, individus lambdas, comme on voudra, que tout cela se fera. Je l'ai dit dans mon ouvrage "Utopies ?" qui végète maintenant en bas de classement sur ce Site, j'insiste dans le dernier, "Dans quelle société voulons-nous vivre ?", fils naturel du précédent, pas encore proposé ici aux lecteurs de MonBestSeller.

Grâce à ces occupations, en particulier celles d'écrituriales, je ne m'ennuie pas, et c'est tout le mal que je souhaite à celles et ceux qui liront cette dernière ligne.

http://ecrituriales.com/

 

Publié le 11 Février 2015