Actualité
Le 29 aoû 2021

Penser, écrire : une liberté conditionnelle ?

Quand on pense interdiction, on pense aujourd'hui à Salman Rushdie qui paie d'une agression violente sa liberté d'expression. Mais que penser des censures des siècles passés qui font souvent sourire (même si leurs auteurs en ont payé le prix fort). Les interdictions ont été redéfinies, et le contrôle sur l'édition passe aujourd'hui principalement par le wokisme aux Etats-Unis, une forme de bien-pensance des temps modernes, la défense systématique des "faibles"( via les "Sensitivity readers"). Les intentions sont sans doute bonnes, mais la liberté d'expression n'en n'est sans doute pas moins entravée. A chaque époque ses interdits et ses tabous.
La censure est-elle moins contraignante aujourd'hui qu'hier ? La censure est-elle moins contraignante aujourd'hui qu'hier ?

La liberté de penser, d'écrire on la dit menacée aujourd'hui dans notre pays ?

Mais qu'en diraient les écrivains et penseurs des siècles passés ?
Bien sûr autre temps, autre mœurs et qui se souvient encore de cette funeste année 1857 ?
Charles Baudelaire condamné pour six de ses si belles Fleurs du mal et dont la révision du procès ne se fera qu'en 1949.
Gustave Flaubert et sa scandaleuse Emma, cloués au pilori.
Le réalisme de la description des Mystères du peuple d' Eugène Sue passionne le peuple mais dérange le pouvoir impérial qui saisit les exemplaires.
Guy de Maupassant pour son poème La fille et bien entendu Émile Zola avec son retentissant et courageux J'accuse seront victimes des autorités qui ne plaisantaient pas avec une certaine idée de la morale.

Cette restriction de liberté n'est pas l’apanage d'un XIXe siècle

Mais cette restriction de liberté n'est pas l’apanage d'un XIXe siècle confit en bien-pensance. Beaucoup plus près de nous, au XXe siècle, la censure sévit encore. Boris Vian verra son livre J'irai cracher sur vos tombes ainsi que son bouleversant et héroïque Déserteur interdits. Jean -Jacques Pauvert en fera les frais pour ses écrits sur l’œuvre du marquis de Sade, celui-là même qui, deux siècles auparavant, avait connu l'emprisonnement et l'asile psychiatrique.
L'épopée du livre de Louis Aragon, Le con d' Irène publié en 1928 clandestinement sous un pseudonyme et sans le nom de l'éditeur, laisse rêveur. En 1952 Jean-Jacques Pauvert l'édite toujours clandestinement, l'ouvrage est de nouveau saisi. L'édition toujours clandestine au Cercle du Livre Précieux subira le même sort. Régine Deforges n'aura pas plus de chance pour ses publications en 1968 et ce n'est qu'en 2018 que Le con d' Irène sera officiellement publié au Mercure de France et reconnu comme l'un des plus beau textes érotiques du XXe siècle.
La république du président de Gaulle n'est pas d'humeur badine, plusieurs auteurs de chansons en sauront quelque chose.
En 1962 Georges Brassens occupe la première place des auteurs censurés avec huit de ses chansons interdites. Plus tard Serge Gainsbourg, Léo Ferré, Jean Ferrat, Jacques Brel, la liste est loin d'être exhaustive, subiront le même sort.

Beaucoup d'auteurs d'hier seraient sans doute très heureux de vivre dans notre supposé enfer.

Alors peut-on sincèrement penser, aujourd'hui, ici, que nous vivons sous un régime de dictature comme on l'entend dire trop souvent ? Que nos libertés sont muselées ? Au nom de tous ces auteurs, intellectuels, hommes et femmes des villes et des campagnes que l'on bâillonne et que l'on avilit dans les geôles du monde entier ; pour ceux que l'on exploite et que l'on tue dans l'aveuglement d'un certain monde confit dans son bien-être ; au nom de tous ceux-là ne pourrions nous pas faire silence et penser que ces « frères humains » là seraient sans doute très heureux de vivre dans notre supposé enfer.
Comme disait le grand Georges : « Nous vivons un temps bien singulier »

A. Delpopolo

 

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La liberté de pensée existe, mais pas de l'exprimer. Sauf que ...
@Philippe De Vos, je plussoie votre écrit que j'aurai pu étaler et sur la question: Sommes nous libre dans notre beau pays ?
Comme sous la Rome antique, les jeux du cirque remplacées par le foot, ont endormi le peuple.
Les monarques n'ont que changer de nom mais sont toujours là avec l'aval du mouton qui se pense libre d'être le jouet d'un président qui va finir de trancher nos libertés !

Publié le 05 Septembre 2022

D'accord avec les exemples que vous avez cités; d'ailleurs j'en utilise moi-même dans mon bouquin, « La librairie des bannis ».
https://www.monbestseller.com/manuscrit/16568-la-librairie-des-bannis
Cependant, dans votre texte, j'ai bien peur que vous ayez mélangé les torchons et les serviettes. Vous finissez par dire " Alors peut-on sincèrement penser, aujourd'hui, ici, que nous vivons sous un régime de dictature comme on l'entend dire trop souvent ? Que nos libertés sont muselées ?"
Ainsi, on parle de deux choses différentes : la censure et les libertés.
Oui, cette censure prête à rire lorsque l'on finit par s'attaquer à un livre comme L'Appel de la forêt, parce qu'il serait dangereux pour une société d'inciter les gens à s'éloigner de la Civilisation. Oui, il est ridicule de censurer Robin des Bois car assimilé à de la propagande communiste etc. Il y en a tant !
Mais, ce qui a fait dire à certains que nous vivions sous une forme de dictature récemment, ce sont différentes libertés qui nous été retirées et un pouvoir qui, dès qu'il le peut, s'émancipe de l'Assemblée nationale, elle-même, trop souvent à la botte du pouvoir et surnommée la Chambre des enregistrements (pas que des 5 ans passés, naturellement).
Dans Les Libertés, puisqu'il y en a finalement plusieurs, certaines ont été momentanément ou durablement abrogées.
Et que dire de toutes ces cours (faites de gens nommés) qui se substituent au pouvoir élu démocratiquement (lui-même, comme dit avant, qui est tenté de s'émanciper des désirs du peuple !)
Donc, je suis d'accord avec la première partie : la censure est très très souvent ridicule et elle subit le wokisme actuellement. Exemple, « La Petite Maison dans la prairie » jugée raciste ! Idem pour « Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur », jugé aussi raciste alors que le livre lui-même est une ode à l'anti-racisme ! On marche sur la tête !
Mais seconde partie à détacher du reste.
Quoi qu'il en soit, une démocratie ne vit que dans la manifestation, voire le conflit. C'est cela qui la tient vivante, si bien que la moindre liberté entamée doit être dénoncée, quand bien même le souverain serait un type sympa.
Cordialement

Publié le 30 Août 2022

Pour reprendre la pensée profonde de l'immense philosophe chinois (poète aussi à ses heures et selon la quantité de vin ingérée) Ko-Lü-Tcheu :
« La dictature c’est « ferme ta gueule » ; la démocratie c’est « cause toujours » »

Publié le 30 Août 2022

Merci @Antonia Delpopolo pour ce rappel à nous, privilégiés de notre époque dans un pays qui ne connaît pratiquement plus la censure. Notre président et son épouse en ont fait l'amère expérience ce week-end en s'invitant au festival du Touquet. Il n'y aura peut-être même pas de suites judiciaires alors que l'insulte directe et l'incitation du public à en faire autant sont hautement critiquables et inadmissibles. Que se serait-il passé à l'encontre de l'artiste et de nombreuses personnes identifiées par les caméras si une telle insulte avait eu lieu dans certains autres pays ?
Si l'on pouvait dire "Autre temps, autres moeurs", il conviendrait de dire aujourd'hui "Autres pays, autres moeurs".
Avec toute ma sympathie. MC

Publié le 30 Août 2022

@Antonia Delpopolo Bien parlé, et, afin de ne pas alimenter de polémique stérile, j'ajouterai seulement : "Je suis bien d'accord" et "Merci" ;-).
Amicalement,
Michèle

Publié le 29 Août 2022