Chronique
Du 14 juin 2017
au 23 juin 2017

POUR NE PAS SE TROMPER 1 : -ai ou -ais ?

Elen Brig Koridwen nous offre sa deuxième série de conseils. La première portait sur les auteurs en phase de réécriture. Celle-ci concerne les principales fautes à éviter. Premier chapitre : une erreur fréquente en termes de mode et de temps. Conseils particulièrement utiles en période de relecture et de correction de vos manuscrits, elles sont également le type de fautes traquées par les puristes.
Choisir son mode, comprendre son tempsChoisir son mode, comprendre son temps

 

Cette première rubrique sur les principales fautes à éviter va traiter d'une erreur extrêmement fréquente : -ai ou -ais ?

Parfois, les auteurs ne savent plus s'il convient ou non de mettre un « s » final aux verbes du premier groupe conjugués à la première personne : je mangeai, ou je mangeais ? Je mangerai, ou je mangerais ?

Pour le déterminer, il faut définir le temps qui convient à cet instant de la narration ; et pour cela, l'auteur doit clairement faire la distinction entre le passé simple et l'imparfait, ou entre le futur et le conditionnel.

(Ce soir-là,) je mangeai : passé simple.
(À cette époque,) je mangeais : imparfait
(Demain,) je mangerai : futur.
(Si je le pouvais,) je mangerais : conditionnel.

Le choix imparfait vs passé simple est assez facile

En cas de doute, remplacez le verbe du premier groupe par un verbe du troisième groupe, quitte à modifier un peu le récit. L'erreur éventuelle vous sautera aux yeux.

Texte d'origine : Ce soir-là, je mangeai tôt.
Substitution : Ce soir-là, je sortis/sortais tôt. (Choix correct : 1e proposition « je sortis » : il s'agit d'une action ponctuelle, il faut employer le passé simple.)

L'imparfait doit bien sûr être employé dans une phrase telle que « Ce soir-là, je mangeais une pomme lorsqu'il arriva » : « je mangeais une pomme » exprime une action qui durait au moment où s'est produite l'action ponctuelle « il arriva ».

Texte d'origine : Adolescent, je mangeais beaucoup.
Substitution : Adolescent, je sortis/sortais souvent. (Choix correct : 2e proposition « je sortais » : il s'agit d'une action qui a duré dans le temps, alors l'imparfait s'impose.)

L'alternative futur vs conditionnel peut se révéler plus compliquée

Car le temps à employer peut dépendre d'un sens sous-entendu.

« Je pourrai vous tuer » (sous-entendu « quand je le voudrai » = action future.)
Mais on peut écrire aussi : « Je pourrais vous tuer. » (sous-entendu « si je le voulais » = conditionnel.)

En présence d'une condition clairement établie, le temps à employer dépend normalement du temps de cette condition :
« S'il le fallait, je pourrais sauter par la fenêtre. » (condition pure et simple.)
« S'il arrive, je pourrai sauter par la fenêtre. » (la condition « s'il arrive » a valeur d'événement préalable, donc l'action reste à venir = futur.)

Dans l'exemple précédent, on peut aussi, selon le contexte, admettre une formulation plus moderne, moins académique :
« S'il arrive, je pourrais à la rigueur sauter par la fenêtre » (bien que la condition reste formulée au présent pour mieux traduire l'inquiétude ou l'imminence, « à la rigueur » – ou toute autre expression propre à renforcer la condition –, détermine alors le sens de la phrase = le conditionnel s'impose).

D'une manière générale :
Employez le conditionnel (terminaison en -ais) pour exprimer :
Une hypothèse incertaine : « Je pourrais déménager »
Un regret : « Je n'aurais pas dû »
Un désir : « J'aimerais vous revoir » (sous-entendu : si c'était possible)
Un doute : « Je pourrais peut-être accepter » (sous-entendu : si tout se passait bien)
Une suggestion  : « J'irais vous chercher ce soir-là » (sous-entendu : si vous étiez d'accord)
Des égards : « Je craindrais de vous choquer » (sous-entendu : si je faisais cela)

Employez le futur (terminaison en -ai) pour exprimer... le futur, bien sûr, mais aussi :
Une hypothèse probable : « Tout bien réfléchi, je me serai fait avoir »
Une injonction courtoise : « Je vous prierai d'en tenir compte ».

En cas de doute, remplacez « je » par « nous » : 
« Nous pourrions déménager », « Nous n'aurions pas dû », « Nous aimerions vous revoir », « Nous pourrions peut-être accepter », etc ;
mais « Tout bien réfléchi, nous nous serons fait avoir » et « Nous vous prierons d'en tenir compte ».

En conclusion, plutôt que de rabâcher des règles, je vous propose un petit texte pour illustrer les différents cas de figure :

« Avec cet orage, je me sentais nerveux (action qui dure = imparfait). Une porte claqua et je sursautai (action brève/ponctuelle/soudaine = passé simple). Je me demandai/demandais qui m'avait suivi (2 possibilités au choix selon ce que l'auteur veut exprimer : action ponctuelle = passé simple, ou action qui dure = imparfait). Une voix cria : « Je te trouverai tôt ou tard (futur), et s'il y avait une justice, je te trouverais mort ! (conditionnel) ».

Voilà, j'espère que ce premier petit billet aura été utile à quelques-un(e)s d'entre vous.
Bonne écriture à toutes et à tous !

Elen Brig Koridwen

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10 CommentairesAjouter un commentaire

@Letellier Patrick.. Bonne nuit Patrick notre philosophe bougon préféré..

Publié le 19 Juin 2017

@Michel CANAL
Merci pour votre commentaire. J'essaie de présenter tout cela sous un jour peu académique, qui parlera peut-être mieux à l'esprit des auteurs indépendants, souvent moins conformistes que la moyenne. :-)
Amitiés,
Elen

Publié le 17 Juin 2017

@vespucci

Cher monsieur ou madame, j'espère ne pas froisser votre modestie en disant que moi aussi, je vous trouve formidable. N'en parlons plus !
Cordialement,
Elen

Publié le 17 Juin 2017

Merci @Elen Brig Koridwen pour ce nouveau billet. Il ne me concerne pas personnellement (j'ai la chance d'avoir en son temps bien assimilé les règles de grammaire et de conjugaison), mais je trouve si souvent ce problème dans les écrits que je lis ou que je corrige...
Il aura je l'espère son utilité auprès de tous ceux qui en ont grand besoin... pourvu qu'ils aient l'opportunité de lire ce billet. Ravi de vous avoir lue et de souligner votre pédagogie.
Peut-être que celles et ceux qui ne maîtrisent pas ces règles n'ont tout simplement pas eu les bons profs durant leur scolarité.
Amitiés, Elen, c'est toujours un plaisir de vous lire.

Publié le 15 Juin 2017

@Patrick Letellier
C'est en effet un blog très intéressant et qui fait un large tour d'horizon des différents aspects de l'écriture. J'ai commenté l'un des articles, mais sans laisser de lien vers mon propre blog : ma démarche n'est pas publicitaire, je prends seulement plaisir aux rencontres humaines. :-)
Bien amicalement,
Elen

Publié le 15 Juin 2017

@J-C Heckers
Mon cher Jean-Christophe, si tu n'existais pas, il faudrait t'inventer !
Amitiés,
Elen

Publié le 14 Juin 2017

@Sytoun
Ravie de pouvoir vous être utile ! Ce sont des fautes très fréquentes, en effet.
Bien cordialement,
Elen

Publié le 14 Juin 2017

@Letellier Patrick
Merci à vous pour votre commentaire, et pour toutes ces ressources qui seront sûrement utiles à d'autres auteurs.
Bien amicalement,
Elen

Publié le 14 Juin 2017

Pour l'ultime phrase d'exemple, on peut aussi avoir en conclusion un « Une voix cria : "Je te trouverai tôt ou tard (futur), et s'il y a [j'ai ici choisi le présent] une justice, je te trouverai mort ! (futur)." », histoire de renforcer le farouche espoir de constater bientôt le réconfortant trépas du misérable cuisinier qui a choisi de prendre la fuite plutôt que d'assumer avoir confondu la composition de l'arsenic avec la recette des œufs à la florentine.

Publié le 14 Juin 2017

Merci, je fais ces fautes souvent, cette "leçon" va sûrement m'aider pour l'avenir !

Publié le 14 Juin 2017