Actualité
Le 17 déc 2020

Une traduction peut elle sublimer un livre ou au contraire le trahir ?

Les traducteurs sont souvent dans l’ombre, mais ils contribuent de manière essentielle à l’appréciation d’une oeuvre. Les textes perdent-ils inévitablement de leur vérité lorsqu’ils sont traduits dans une autre langue, ou la traduction peut-elle aller quelquefois jusqu’à devenir un enrichissement ?
La traduction d'un livre, création et trahison. Lost in translation. Edition : La traduction d'un livre est un enjeu de taille.

Où est la frontière entre la fidélité à l’œuvre et l’interprétation que le traducteur peut s’autoriser ? Les traducteurs sont ils des défenseurs de la langue ou des défenseurs de l'oeuvre ? Les changements d’époque (donc les changements de la langue) doivent-ils faire évoluer les traductions ?

La France, un des champions de la traduction investit sur les best-sellers etrangers.                                                                                

La France est l’un des champions du livre traduit. En 2018, selon Livres Hebdo, près de 12 000 traductions nouvelles ont été publiées, ce qui représente un peu plus de 15 % de la production nationale. Nous sommes un pays de traducteurs. Logique, compte tenu de notre ouverture en matière culturelle. En tête de ce palmarès, on trouve les Best Sellers. Parmi les trente livres les plus vendus, certains auteurs (français ou étrangers) émergent avec plusieurs titres : Stéphanie Meyer (américaine), Stieg Larsson (suédois), Guillaume Musso et Marc Lévy (français). Les best-sellers sont plus internationaux que le reste de la littérature, mais extrêmement concentrés sur quelques auteurs. Certaines Maisons d’édition s’en font une priorité : " Le Seuil" par exemple est plus focalisé sur les titres étrangers.

Traduire un livre, c’est d’abord respecter un texte, l'aimer, l'interpréter sans le trahir.                                                                                                                                 

Derrière les chiffres, que représente l’acte de la traduction ? Elle n’est jamais littérale. Mais doit-elle pour autant être considérée comme une création ? Elle ne se réduit pas à traduire mot à mot le texte d'un auteur, mais bien à l’apprivoiser intimement pour en capter toute la portée, les nuances. A rendre vivante l’harmonie de ses phrases et à la reproduire dans une autre langue. Il faut qu’un traducteur épouse la façon d’écrire de l’auteur. C' est une histoire d'amour, c’est le lien qui l'unit au texte sur lequel il travaille. L’intuition y joue un rôle clé – car un mystère plane autour de l’œuvre, ce mystère, le traducteur doit le faire sien.

Une traduction, c’est aussi une création.                                                                                                                                

Traduire c’est re-créer. Le processus de la traduction sera créatif en soi. Ajouter de la création à de la création, c’est là toute la richesse du système, mais aussi sa  limite. Car une traduction se doit d’être pragmatique avant d’être esthétique. Il arrive qu’une traduction réussie mette un point final à toutes autres formes de tentatives. Elle devient historique. Edgard Poe, traduit par Baudelaire et par Mallarmé, montre que la traduction réussie est une écriture. Elle met un point final aux tergiversations. Et rares sont ceux qui se risqueront à défier ces deux maitres. Une traduction n'est pas créative pour la seule raison qu'elle concerne une création littéraire. Mais parce qu’elle est le résultat d'un processus réalisé par un auteur qui revendique lui même une créativité. La traduction est un art. Car la littérature est un acte d'inspiration qui gomme souvent aux yeux des lecteurs l’immense travail stylistique qu’elle intègre. Il y a une double maîtrise dans l'acte de traduire. Celle de comprendre et de s’approprier l’écrit, et celle de le retranscrire. Ce labeur de l'écriture ne fait que « se reconstruire » dans la traduction. C'est quelque chose qui ressemble aussi paradoxalement à l'art d'écrire. 

Et pourtant la traduction pourrait être considérée comme un art mineur, l’opposé de la création : une répétition. L'art du traducteur est  ambigu ; il s'inscrit au centre de tensions opposées entre la nécessité de reproduire et celle de récréer lui-même. Prosaïquement, pour bien traduire un texte, il faut en faire une lecture analytique détaillée, situer l’époque à laquelle il a été écrit. Car une langue est en mouvement perpétuel. Une vigilance particulière doit être attachée au point de vue du narrateur, aux déplacements dans le temps, aux personnages, aux circonstances, aux lieux. Il faut capter l'esprit du texte.

L’anglais, la langue la plus traduite.                                                                                                                                  

Aujourd’hui 62 % des livres sont traduits de l’anglais. Pour les romans, c'est près de 75 %. La domination culturelle du monde anglo-saxon s’exerce plus encore dans le numérique. Mais on s’étonnera du second, certes loin derrière, le Japonais, pour 8,3 % des traductions. (Il faut reconnaître que les mangas n’y sont pas pour rien). Cinq langues rassemblent l’essentiel des traductions : l’anglais, le japonais, l’allemand, l’italien et l’espagnol. Le reste des langues n’a droit qu’à peu de publications. La diversité culturelle ne se déploie qu’aux marges du tout-venant des publications.

Quand les auteurs surveillent comme le lait sur le feu la traduction de leurs ouvrages                                                                                                                                               

C’est Milan Kundera l’un des animateurs du débat sur la traduction, qui se fait volontiers le porte parole de la cause. Ses ouvrages traduits dans quarante langues (dont le vietnamien, le coréen, le persan, le chinois, l'arabe), sont la résultante d'un travail fusionnel avec ses équipes. Auteurs, traducteurs et éditeurs, sont rassemblés dans la défense du texte-source contre toute adaptation et réécriture sauvage. L'histoire des scandales de Kundera avec ses traducteurs est célèbre. Certains de ses livres ont éxigé cinq versions de traduction... Ses quatre romans rédigés en français ne sont pas traduits en tchèque, l'auteur souhaite s’en charger personnellement. Kundera est la bête noire des traducteurs. D’ailleurs comment traduisez-vous « bête noire en chinois » ?

Christophe Lucius

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La langue française est très complexe à traduire. J'ai pu discuter avec des bilingues qui apprécies mes livres et m'on proposé une possibilité de traduction. Cependant, il est dur de faire acte de foi, de bosser corps et âme sur un projet dont on ne sait s'il y aura un retour sur investissement. C'est pour cela que c'est toujours des valeurs ,sûr, qui sont toujours traduites... dans un sens c'est logique, La valeur subjective, d'une personne, n'est pas une raison suffisante pour se lancer dans ce travail de titan qu'est la traduction, bien que c'est de ce petit feu-follet que démarre tout écrivain... De ce fait, je n'ai encore aucun livre traduit, héhé... Pour moi il est évident qu'un livre traduit, ne met pas en contact avec l'auteur, mais reste une connexion à ne pas rejeter, un moyen de rêver toujours et encore, mais à prendre avec un certain recul. Cela aussi pointe du doigt, un fait très marqué dans la littérature! Est-ce qu'on lit une histoire, ou un auteur? Que le livre était allemand, puis traduit en français, finalement on s'en balance, c'est nous qui allons donner vie au livre... cet espèce de cercle vicieux...on traduit les auteur connus, on lit le livre traduit parce que c'est écrit par une personnalité reconnu dans son pays...
enfin la subjectivité à ce niveau disparaît, on ne se gargarise plus que de prestige, et d'un pseudo-intellectualisme vide de toute vie, de toute valeur réel.

Publié le 27 Novembre 2016

Ce serait bien si la France, en plus d'être la championne des traductions, était aussi championne en romans français traduits à l'étranger. Parce que le premier sans le second semble plutôt accréditer l'idée que les éditeurs français sont tellement frileux qu'ils/elles préfèrent la facilité (traduire, même mal, des best sellers surtout anglo saxons) à leur véritable travail qui devrait quand même être celui de dénicheur de talents locaux...

Publié le 27 Novembre 2016
Il serait intéressant d'avoir d'autres avis d'auteurs traduits...
Publié le 22 Décembre 2014