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Le 14 Jan 2022

À LA SAINT-SYLVESTRE

Quand l'anthropomorphisme libère des règles et des passions secrètes, on découvre l'immense capacité de l'homme à aimer. La nouvelle de Dick C. pour l'appel à l'écriture monBestSeller sur le thème de la rencontre.
La nouvelle de Dick C. pour l'appel à l'écriture monBestSellerLa nouvelle de Dick C.pour l'appel à l'écriture monBestSeller

Cher toi,

Te souviens-tu ?

Ce matin-là, en passant dans ta rue, j’entendis un gémissement. Je levai la tête. Tu étais là-haut,  à ta fenêtre, et nos regards s’accrochèrent.

Je te dis :

–  Tu es tout seul ? Tu t’ennuies ?

Tu ne me répondis pas.

Les jours suivants,  nous prîmes l’habitude de nous saluer et de faire un brin de causette. Lorsque ta fenêtre était fermée, tu entendais mes pas et tu pleurais.

Un soir, tu vins nous rendre visite avec Paul qui nous fit un devis. La discussion sur les travaux ne nous intéressait pas, aussi nous reprîmes nos causeries.

Quelques jours plus tard, pour mon plus grand plaisir, tu l’accompagnais ! et tu entras dans ma vie. Pendant que Paul travaillait au rez-de-chaussée, tu restais avec moi à l’étage. Je fus déboussolée lorsque le chantier fut terminé, car mon cœur t’avait adopté et que ta présence me manquait. On s’entendait si bien nous deux ! Nous restâmes quelque temps sans nous revoir et je pensais souvent à toi. Par crainte de te faire pleurer, je n’osais plus passer dans ta rue et je me demandais si tu étais heureux.

Puis un jour, alors que je me promenais, tu m’aperçus au loin, et tu accourus vers moi. Après nos joyeuses retrouvailles, sous les yeux rieurs de Paul et de ceux des passants amusés, tu pris ma main pour m’entraîner chez moi, chez nous !

Comme je fus heureuse à cet instant ! Tu ne m’avais pas oubliée.

 Paul te donna la liberté de  me rendre visite.  C’est ainsi, que tous les matins, tu me rejoignais et que nous reprîmes nos petites habitudes, nos bavardages, notre complicité.  C’est avec regret, que le soir, je te disais de rentrer chez toi. Comme tu étais drôle et touchant ! Tu faisais de tout petits pas, la tête baissée comme un gamin que l’on vient de gronder.

Un soir, Paul me fit remarquer que tu avais pris de la bedaine et me dit, avec un clin d’oeil, que je te gâtais trop !  Mais au fil des jours, je m’inquiétais, car tu n’avais plus d’appétit. Je m’en voulus d’avoir été si longue à comprendre que tu pouvais être malade. Paul te conduisit à l’hôpital. Le lendemain, tu étais à la fois drôle et pathétique avec ton abdomen bandé. Paul m’expliqua que tu avais subi une ponction et que tu t’en remettrais. J’étais tellement heureuse de te savoir guéri !

Mais ma joie fut de courte durée, car ton ventre ne tarda pas à reprendre du volume tandis que le reste de ton corps s’amaigrissait. Tu venais toujours me rejoindre, mais tu ne mangeais plus. Je te préparais de bons petits plats, en vain ! Pour me faire plaisir tu avalais quelques bouchées, mais je voyais que tu te forçais. J’alertai Paul qui m’expliqua, tant   bien que mal, que le médecin l’avait prévenu que tu étais condamné. Ma tête se mit à tourner. Ce n’était pas possible ! Pas toi mon ami, ma si belle  rencontre !

Je n’oublierai jamais ce 31 décembre quand tout le monde s’apprête à faire la fête. Comme tous les matins, tu eus le courage de me rendre visite, mais tu n’avais plus la force de monter les marches menant à l’étage. Alors, tu restas en bas sur le canapé. Je plaçai une couverture sur ton corps décharné. C’était un cauchemar dans lequel  j’étais agenouillée près de toi.  Je te réconfortais, te parlais, t’embrassais. En silence, sans une plainte, tu me fixais  intensément, comme pour chercher une réponse dans mon regard. Puis, tout à coup, tu mis tes bras devant tes yeux comme pour te cacher. Tu ne voulais plus que je te regarde !

Tu ne sauras jamais mon chagrin. À cet instant, je compris que tu avais conscience de la mort. J’éclatai en sanglots. C’en était trop pour moi de ne pouvoir te secourir. Je ne sais plus combien de temps je restai là, près de toi, dans un état second.

Paul, prévenu, te souleva et te prit dans ses bras pour t’emmener loin de moi. C’était fini. Je ne pouvais me détacher de toi et te couvrais de baisers. Plus jamais je ne te reverrais. Toi, mon ami, tu es parti ce jour-là, à tout jamais et je t’en veux « un peu »

Tu étais si beau !  Toute ton âme était dans ton regard. J’y lisais ta joie de vivre, ton insouciance, tes gamineries, ta fidélité et surtout ton affection. Je sais que tu m’as aimée de tout ton être, sans partage, sans arrière-pensée. Il ne te manquait que la parole, et c’est tant mieux. Heureux celui qui sait entendre le langage d’un regard !

Mon Sphinx, tu n’avais que quatre ans ! Mes yeux se posent souvent sur ta photo et les tiens me parlent  encore !

Patricia

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Bonjour@Constantin Malheur2 je vous remercie beaucoup de vous être arrêté et penché sur ce texte et je retiens la simplicité de l'écriture "juvénile".
Pour la circonstance, j'ai coupé un long texte/hommage écrit en 1990 pour n'en garder que l'essentiel. Effectivement, ce ne fut pas facile de me replonger dans mes sentiments profonds après toutes ces années. Mais l'amour partagé perdure quand l'autre, quel qu'il soit, est parti.
Je pense avoir cette capacité à me mettre comme dans une bulle, quand plus rien n'existe autour de moi, et de me replonger dans certains moments, pour les revivre et retranscrire les émotions enfouies, telles quelles, sans artifice, sans filtre, dans la spontanéité de l'instant qu'il faut savoir saisir. Je crois que c'est pour cette raison que j'aime écrire des histoires vécues ou, le plus souvent, sorties de mon imagination, mais dans lesquelles je laisse une part de moi, comme le fait tout écrivant. Je vous souhaite une bonne journée et de belles inspirations. Bien cordialement. DC

Publié le 18 Janvier 2022

Bonsoir@Pantinois c'est moi qui vous remercie de votre lecture dans laquelle vous avez "vu" et interprété le sens, comme je l'espérais ! Mais comme vous me le dites, lors de nos échanges, il y a des milliers de façons de lire et de comprendre un texte ; c'est parfait ainsi et tant mieux pour l'auteur, bien qu'il soit surpris quelques fois. Je vous souhaite une excellente soirée. Bien cordialement. DC

Publié le 15 Janvier 2022

Votre histoire transpire la vérité; les mots devenus inutiles parce que les regards parlent.
Merci pour cet instant de lecture d'une douce mélancolie.

Publié le 15 Janvier 2022