La maîtrise du dialogue : examen obligatoire pour obtenir le permis d'écrire Un dialogue en littérature : à quoi ça sert ?
Un bon dialogue aère un récit.
Aérer un récit dense est indispensable pour briser le tempo parfois monotone du narrateur. Son regard, son analyse et ses descriptions pèsent lourd dans le rythme d'un roman.
Visuellement aussi, ils donnent une respiration au texte.
L’introduction des personnages y est souvent plus directe, plus spontanée. Et trois répliques suffisent souvent à caractériser un personnage plutôt qu’un long discours sur son milieu, son époque, ou son environnement. La tonalité des dialogues confère instantanément une personnalité aux héros… Qu'elle soit nerveuse, incisive, joviale, elle est souvent plus efficace qu’un récit détaillé. Son rôle en littérature dépasse donc la simple fonction de présentation ou d'intrigue.
Bien sûr, les nuances et la palette de détails viennent de la narration. Car c’est avec le récit qu'on se laisse porter par la littérature, le jugement de l’auteur, sa subjectivité et même sa mauvaise foi.
Dans l'idéal, c’est à un jeu de cache-cache et de ballet entre récit et dialogues auquel on devrait assister, l'un prenant le relais de l'autre sans même que le lecteur s'en aperçoive. L'un ne peut vivre sans l'autre.
Le dialogue dans les romans sert aussi à situer les relations entre les personnages.
Le dialogue porte aussi en lui la nature des relations entre les personnages. Un échange amoureux, une simulation, un malentendu nous amènent à comprendre les vérités profondes des protagonistes et leur intimité.
Les dialogues permettent aussi d’informer, de faire avancer l’intrigue dans l’instant. Alors que le récit peut couvrir en quelques lignes une vie, ou une décennie.
Un bon dialogue doit bien sûr éviter les clichés et les lieux communs. Savoir quel temps il fait, que cela va sans doute se couvrir, mais que vraisemblablement on évitera les orages ce soir, n’intéresse que vous ! Surtout pas le lecteur. Sauf si c’est un roman policier et que la météo est au cœur de l’intrigue.
Plus géneralement la concision est une bonne conseillère. Rien de pire qu’une même situation rapportée trois fois par les mêmes personnages. Car la redondance est le premier piège qu’il faut éviter. Quand elle est remarquée, on la guette, et tout devient maladresse.
Pis, la maîtrise de l’écriture se devine à travers un court dialogue. Considérez les pièces de théâtre, on y est invité en dix répliques, ou exclu pour toujours.
Dans un dialogue toutes les richesses du langage sont autorisées.
Le silence, l’interjection, le sens de la réplique, la phrase qui fait mouche… toutes ces techniques peuvent faire transiter des humeurs, des sentiments, des messages par la parole.
Les dialogues situent les milieux, les contextes. Preuve en est les Exercices de style de Queneau qui racontent la même histoire avec des parfums différents, et des échanges.
La spontanéité du dialogue doit rester, même si l’écrivain a tout le loisir d’y revenir à multiples reprises et de le polir comme un diamant. C'est là toute la difficulté. Cela doit rester naturel.
Le dialogue a le pouvoir de faire passer des caractères, des personnalités, de la bêtise, de la méchanceté… spontanément sans que l’auteur n’ait ni à en endosser la responsabilité, ni à justifier le personnage.
Le dialogue peut faire du lecteur un complice
En connaissant des informations que des personnages ne connaissent pas, le lecteur mène la danse. Les dialogues sont alors clés. Parce qu’ils mettent le lecteur au centre du récit et l’autorise à interpréter les situations. C’est « l’ironie dramatique » : elle invite le lecteur à prendre parti et juger des situations mieux que les personnages. Et lui donner a fortiori le sentiment qu’il maîtrise l’intrigue.
Quand un dialogue sonne juste, qu’il est épuré (c’est à dire libéré des artifices d’un dialogue dans la "vraie" la vie), qu’il est incarné (c’est à dire attribué à ceux qui le profèrent, assimilé à leur façon de parler), que les incises sont discrètes (mais qu'elles donnent du souffle), qu’il est naturel dans le flot du texte ; c’est un dialogue réussi.
– "Oui, vous avez raison..." répliqua en choeur toute la communauté monBestSeller.
– " Eh, oui, cela arrive souvent."
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Le final
– "Oui, vous avez raison..." répliqua en choeur (...)
est toutefois un magistral exemple de ce qu'il ne faut typographiquement pas faire...
PS : Blanchot vient de vous faire un bras d'honneur en passant.
Pourtant il n'y a pas de dialogue dans mon dernier roman "Mariage à Demi" et il est du tonnerre... :D
Qu'un écrit doit être fastidieux quant il s'agit d'un long... très long... très, très long monologue auquel le lecteur assiste inactif ! "Oui, vous avez raison..." je réplique tout seul en parallèle à la communauté monBestSeller.
Il était utile de le rappeler et de le souligner !
MC
C'est drôle que vous parliez de ça, car justement c'est une chose sur quoi je me suis penché à votre dernier concours. Dans ma première nouvelle, je me suis laissé tenter; par une description, pour plonger le lecteur dans une ambiance ; mais la seconde "entre quatre murs", je voulais laisser l'imaginaire du lecteur créer son ambiance sur un simple dialogue sans narration, sans même un récit ; je voulais que le lecteur soit directement plongé dans l'action. Malheureusement, il a pas fait mouche... Cela dit, c'est un sujet qui flaire bon un concours de nouvelles...