Actualité
Du 13 sep 2017
au 13 sep 2017

"Rouge Eden" de Pierre J.B. Benichou. Portrait d'un livre insolite.

Il a goûté à tout, fait tous les métiers. Journaliste, promoteur de festivals de films, distributeur, producteur puis nègre pour des célébrités. Pierre J.B. Benichou est français, américain, israélien. Un temps à Hollywood, aujourd'hui à Tel aviv, c'est un citoyen du monde de l'écriture.
Un thriller philosophiqueUn thriller philosophique

 

Après "La Tentation Barbare" chez Kiro, "Rouge Eden", son dernier roman, trouble.
Son registre est multiple et le voyage qu'il nous propose est tendu : un thriller philosophique.  
Mais quel est ce lien invisible qui lie un serial killer des années 90 aux US, et ce scientifique Russe arrêté par le GPU dans l'URSS des années 30 ? un fil ténu mais évident. Entretien avec l'auteur.

>> Ce roman conduit deux récits à deux époques distinctes sur deux continents l’un dans l'URSS de Staline, l’autre dans les Etats unis des années 90. Comment cette association est venue ?

Quand je vivais à New York, j’ai eu la chance de me lier d’amitié avec Bill Hagmaïer, un ancien agent du FBI, une célébrité dans son milieu pour avoir passé plusieurs semaines en compagnie du tueur en série Ted Bundy et avoir servi de conseiller technique sur le film « Le silence des agneaux ». Nous avons beaucoup parlé de Ted et j’ai été troublé par certains détails sur la personnalité du psychopathe. Je me suis dit que, si je retournais à l’écriture, cette expérience pourrait me servir car les tueurs en série ont toujours fasciné. Ayant une certaine attirance pour l’hypothèse de la réincarnation comme forme d’eschatologie, passionné par la physique quantique et ayant un peu étudié la kabbale, il ne s’en est pas fallu de beaucoup pour que je relie connaissances et engouement.

Les années trente, qui ont vu fleurir la physique quantique comme tentative d’explication du monde matériel étant également celles de la montée du communisme, du fascisme et du nazisme, cette histoire s’est créée toute seule, autour d’une abomination dont on ne parle pas assez et qui pourtant est proche des camps d’extermination : le goulag. C’est ainsi que j’ai mis en parallèle les confessions de Will Birdy, un tueur en série érudit et convaincu que la réincarnation existe, et la tragédie de Timofey Bogaïewsky, professeur de physique quantique, victime de la machine à broyer soviétique.

>> Sans cesse le lecteur cherche le lien entre ces deux histoires, pas un lien formel mais un lien de fond. Comment un auteur gère ce double voire triple récit ? Quelle est votre intention par rapport au lecteur ?

J’aime inciter mes lecteurs à la réflexion sans pourtant leur apporter d’autres clés que des indices mineurs dont je parsème mes récits. Le plaisir de la lecture est beaucoup lié à l’excitation de l’imaginaire. Le fait que l’un des personnages puisse être la réincarnation de l’autre est sans cesse rappelé, à travers ses croyances, ses lectures, et sa volonté de convaincre son confesseur, un prêtre protestant, qu’il ne finira pas en enfer après son exécution. Pourtant, nombre de lecteurs, sans doute les plus cartésiens, continuent de s’interroger sur le lien entre les deux histoires et je me suis fait plaisir à ne pas donner de conclusion sous forme de verdict.

Je n’ai pas la prétention de convaincre quiconque de mes croyances et c’est la raison pour laquelle j’ai laissé la porte ouverte à d’autres hypothèses. Mais mon pitch de départ est pourtant simple. Un professeur de physique, envoyé injustement au goulag, se réincarne quelques décennies plus tard pour se venger de la société humaine en prenant la forme d’un tueur en série. Je pars du principe ésotérique que « ce qui est en haut est comme ce qui est en bas » et, m’inspirant du symbole de l’étoile de David, qui croise matière et spiritualité, j’inverse les fondements des deux récits.

>> Deux hommes marchent vers la mort : l’un victime innocente, l’autre bourreau coupable.

Quelle est l’intention ?

Comme je l’ai indiqué plus haut, dans Rouge Eden la victime innocente d’un système revient pour en découdre avec toute forme de société. Birdy est le miroir de Staline. Mais l’un va subir l’opprobre général car il agit en son nom, tandis que l’autre, pourtant bien plus nuisible mais agissant officiellement « dans l’intérêt du peuple » est adulé par les foules. En tant qu’individualiste, je me suis complu dans la dénonciation d’un système sociétal qui n’a pas grand-chose à envier au nazisme mais qui continue à séduire et que l’on absout un peu trop facilement de ses crimes.

On ne parle vraiment pas assez des millions de victimes de Staline, de Mao, de Pol Pot, de Castro ou de Chavez, et j’ai du mal à tolérer que l’on parle de forme pervertie des idées marxistes dès que le communisme est dénoncé pour ce qu’il est : la plus haute forme d’injustice par l’égalité forcée. Toute dictature est nuisible à l’homme, quel que soit son projet ou plutôt son prétexte et les révolutions n’ont jamais accouché de rien d’autre, tandis que, pour reprendre certaines idées de Karl Popper, l’évolution des sociétés est dans l’ordre des choses et n’a pas besoin de remise en question violente pour aboutir sur une amélioration du vivre ensemble. C’est mon modeste message à travers un roman qui, ne l’oublions pas, est avant tout une fiction inscrite dans l’Histoire, et donc un véhicule d’émotion.

>> La mort est au centre de ces deux récits. Elle est présentée à la fois comme une échéance d’horreur, et une rédemption…

Pour moi, il n’y a pas d’autre mort que la conscience de son existence. Cela se résume par la phrase la plus célèbre de Shakespeare : « Etre ou ne pas être, telle est la question ». C’est une « horreur » tant que l’on est vivant pour la craindre car notre moi animal est mu par l’instinct de survie. Mais pourquoi s’émouvoir si négativement d’un aboutissement inéluctable ? Les sociétés modernes ont fait de la mort une abomination contre laquelle il faut lutter à tout prix. C’est un combat perdu d’avance et qui entraine, pour beaucoup,  l’incapacité de vivre pleinement.

Ce n’est pas la mort qui est une rédemption, mais son acceptation car, elle seule, permet de vivre l’instant. Et comme il n’y a rien d’autre à vivre que le moment présent, j’ai surtout voulu pointer le doigt sur le fait que le passé a déjà disparu dès qu’il a fuit la conscience pour s’inscrire dans la mémoire, et que le futur, tout en étant déjà là, comme le prouve la physique quantique, reste malgré tout modulable à l’échelle humaine. Le libre arbitre est au cœur de ce roman, comme il a pu être au cœur des débats scientifiques entre partisans du matérialisme déterministe et idéalistes pendant les années trente. La science actuelle a tranché en faveur de ces derniers, et donc donné plusieurs points d’avance au libre arbitre.

>> Une forme de spiritualité guide l’ensemble des récits et des personnages, qu’ils soient juifs, catholiques ou athées. Est ce que ces réflexions ne sont pas une manière presque désespérée  de découvrir (le peu) de bon qu’il reste dans l’homme.

Il y a autant de bon que de mauvais dans l’homme, de même qu’il y a autant de bon que de mauvais dans la nature. Mais la nuit est-elle mauvaise, car elle est absence de lumière ou, au contraire, est-elle bonne car sans elle il serait impossible d’apprécier les bienfaits que nous apporte le jour ? Si Dieu existe, il n’est pas un juge, un dictateur, et encore moins le patron d’une compagnie d’assurance. La divinité, à mon sens, ne peut exister que dans la neutralité. Restons logiques : pourquoi un être immanent, supérieur et tout puissant aurait-il créé le bien, le mal et la tentation, et insufflé la conscience, pour ensuite intervenir dans la vie quotidienne de sa créature et le punir chaque fois qu’il dérive ?

A moins que Dieu ne soit qu’un Staline de l’Univers, ce que je rejette tout autant que j’abhorre la soumission que certaines religions imposent en son nom. Les religions ont ceci de commun qu’elles se servent de l’existence d’un créateur qui reste à prouver, pour imposer des formes de société. Dans ses dérives, on peut dire d’ailleurs que le communisme agit de la même façon, en remplaçant chaque fois Dieu par un leader suprême. En revanche, il y a, dans la kabbale, un principe que j’apprécie plus particulièrement, celui de « tikkun olam », la réparation du monde, qui investit l’humain d’un devoir, celui d’améliorer son environnement et par cette toute petite contribution l’univers tout entier. Cela donne au « bien » un petit point d’avance sur le mal, car, au niveau humain, le « bien » c’est la survie et la préservation du futur, tandis que le mal serait complice de sa destruction. Tant que nous sommes là pour en parler, cela veut dire que le bien triomphe, malgré toutes les horreurs dont nous sommes témoins. C’est cet optimisme que j’oppose justement au désespoir dans Rouge Eden.

>> Dans votre livre, le tueur en série condamné à mort dit à son confesseur : « Vous comprenez, Révérend ? Vous saisissez, vous, homme d’église ? En quoi serais-je responsable de mes actes si Dieu a fait de moi un prédateur ? » Est-ce là aussi le nœud du livre ?

Il s’agit encore une fois d’une réflexion sur le libre arbitre qui est, vous faites bien de le souligner, en effet au cœur du roman. Si le libre arbitre n’existe pas, la comédie humaine n’est plus qu’une tragédie. Mais cette parole est celle d’un tueur en série, qui ne comprend pas lui-même ses actes. Etant donné que ces tueurs sont des psychopathes, ils ont perdu leur libre arbitre en même temps que leur conscience du bien et du mal. Qu’arrive-t-il à un homme qui perd son libre arbitre ? Il finit enfermé dans un asile. Will Birdy, désemparé par les atrocités qu’il a commises, en accuse son « âme » ce qui est en opposition totale avec les principes religieux.

La religion a pour but de préserver « l’âme » (qui serait éternelle) des agissements de l’égo, qui s’inscrit dans la temporalité de la matière. C’est une provocation volontaire car, si je crois au libre arbitre, je crois également en ses limitations. Seul l’éveil au sens spirituel du terme permet de se défaire de ses entraves, tissées par le vécu, la société, l’éducation… Birdy est loin d’avoir accompli cet éveil. Il en est même le principe opposé. Il a donc beau jeu de dire que son âme est responsable car, bien que psychopathe, à tout moment il a eu des choix. Ceci, dans la matière évidemment.

>> Finalement dans la détresse, chaque personnage mis en danger fait « une rencontre ». Une rencontre unique, salvatrice soit psychologiquement soit pour lui permettre de vivre ou de dépasser les épreuves.

Un roman n’est que l’invention d’une histoire qui pourrait exister et donc se doit de refléter les logiques de la condition humaine. Je ne parle pas, bien sûr, des œuvres de science fiction ou créatrices d’univers merveilleux. Dans notre quotidien le plus prosaïque, toute rencontre participe à notre évolution. Certaines sont uniques et salvatrices. En affirmant ce principe je ne fais que m’inscrire dans la réalité. 

>> L’histoire est elle « biographique » ou inspirée. On parle de grands scientifiques comme Einstein avec précision. Et d’ailleurs l ‘épilogue raconte ce que les personnages sont devenus, comme dans certains films.

Je préfère dire qu’elle est inspirée, mais dans un cadre historique. J’ai une passion pour les échanges entre Niels Bohr et Einstein, qui, à mon sens, résument toute la philosophie du monde. Le premier était un scientifique idéaliste, tandis que le second associait la rigueur matérialiste à des interrogations issues de sa culture. Lorsque Bohr tente de convaincre Einstein que le hasard domine l’Univers, celui-ci s’emporte et répond par une phrase devenue célèbre « Mais enfin, Bohr, Dieu ne joue pas aux dés ! ». Aujourd’hui, les scientifiques continuent de se disputer autour de cette interrogation, certains ayant remplacé la « religion » matérialiste, par celle du « hasard ». Einstein n’était pas religieux, mais il était croyant, au même titre de Spinoza, qui l’a toujours inspiré. Pendant l’écriture de Rouge Eden, j’ai vécu au coté de ces personnages exceptionnels, et, tout en préservant le coté imaginaire du récit, j’ai, en effet, parfois, glissé vers la biographie. Rien n’est simple. 

>> A quelle genre pour vous appartient ce récit, ou plutôt comment aimeriez vous qu’on l’identifie ?

Après la mode du « thriller ésotérique » lancée par Dan Brown, j’ai voulu, modestement, créer un nouveau genre : le « thriller philosophique ».

>> La fin crée un lien historique, de sang entre les deux histoires ; mais on sent que ce lien est presque une « facétie » d’auteur. Pourquoi l’avoir créé ?

L’hypothèse de la réincarnation, lorsqu’elle se pare de preuves, est systématiquement remise en question par les matérialistes qui font appel à celle de la mémoire génétique. Les détracteurs, nombreux, de la métempsychose, confrontés à des enfants parlant des langues anciennes ou disparues, ou à d’autres se souvenant dans les moindres détails de vies antérieures avec lesquelles ils n’ont aucun lien, tentent d’expliquer ces faits troublants par l’hypothèse que certains évènements resteraient inscrits dans une mémoire transmissible, de la même manière que la forme d’un nez peut se reproduire des générations plus tard. J’ai donc voulu laisser la porte ouverte aux deux hypothèses. Mais rien n’exclut que l’on puisse être la réincarnation d’un parent lointain. Auquel cas, les deux hypothèses se renforcent plutôt que de s’annuler. C’est la raison pour laquelle vous avez ressenti cet épilogue comme une « facétie ». Mais ne livrons pas, ici, toutes les clés du roman. 
Rouge Eden de J.B. Benichou aux Editions BELFOND

Découvrez la bande annonce du livre (ci dessous)

Trailer de "Rouge Eden"

Pierre J.B.Benichou

PierreJ.B. Benichou

Vous avez un livre dans votre tiroir ?

Publier gratuitement votre livre

Vous avez écrit un livre : un roman, un essai, des poèmes… Il traine dans un tiroir.
Publiez-le sans frais, partagez-le, faites le lire et profitez des avis et des commentaires de lecteurs objectifs…

J'avais déjà lu" La tentation barbare", un roman à énigmes dont les pièces du puzzle se rapprochaient pour former une histoire nette, une image qui parle. J'ai le sentiment que ce livre là procède du même système. Intéressant.

Publié le 16 Septembre 2017

Cher Ivan, nous postons toutes les semaines des papiers sur les auteurs monBestSeller, belle pub aussi ...Nous les promouvons sur les réseaux sociaux belle pub, nous organisons des concours de nouvelles , belle pub, nous organisons des Prix concours, et nous amenons même des auteurs à l'édition... Belle pub...; nous écrivons des Newsletter pour valoriser des livres chaque semaine...Très belle pub..
Eh oui tout est belle pub ici... pour tous ceux que nous aimons.
Pourvu que ça dure.

Publié le 15 Septembre 2017