Actualité
Le 29 juin 2021

La souffrance serait-elle le seul moyen d'approcher la vérité de l'autre ?

"Les hommes qui avaient peur des femmes" est un livre brutal, souvent insoutenable qui s'éclaire parfois de pages d'amour limpides, d'images dorées comme un lever de soleil, optimiste, presque. L'espoir se profile, mais c'est pour mieux vous rattraper par les pieds et vous trainer au fond de la désespérance. La désespérance, c'est peut-être le seul état qui permette de s'approcher et de comprendre l'âme humaine. Mo Rezkallah en fait son carburant.
Question: 

C’est un roman délire à la fois quotidien, torturé, double… sur quel effet littéraire jouez-vous ?

Réponse: 

J'aime parler de roman total. Un roman qui passe partout, sous le tapis, au-dessus de l'armoire, dans le fond de la corbeille après avoir retiré le sac, derrière les toilettes, dans le grenier. Mon roman ne va là où personne ne veut s'aventurer, et pour obtenir cette souplesse, il jongle avec les styles en prenant soin de ne pas s'enfermer en lui-même.

Question: 

La sexualité, la torture, la descente aux enfers, la déchéance, mais l’amour aussi, en font partie intégrante. Y a-t-il quelque chose que vous souhaitez démontrer sur la nature humaine ?

Réponse: 

J'ai l'intime conviction que c'est dans la douleur et l'autodestruction que l'on touche à la vérité de soi. Évidemment, je ne peux parler que pour moi. Mais à mon sens, la quête du bonheur est une bêtise absolue qui ne mène qu'à une agonie dans son processus et sa résolution.

Question: 

Est-ce une simple quête sur la connaissance de l’être humain ? Ou l’ambition de ce livre est de prouver l’impossibilité d’aimer et de se comprendre ?

Réponse: 

 Je fais le pont avec la question précédente. Dans le chaos, la souffrance, la douleur, la survie, nous sommes instantanément et sans le moindre effort connecté à l'humanité. L'amour et la compréhension apparaissent comme des moments d’accalmie qui rassemblent les peuples le temps d'une fête, de cérémonies, d'un moment, puis la violence et la souffrance, le manque, reviennent pour équilibrer et garder l'humanité à sa place. Le malaise de notre civilisation est arrivé avec les technologies, le confort, le bien-être. Depuis que nous n'avons plus besoin viscéralement les uns des autres, l'amour et la compréhension ont déserté nos âmes. Et mes personnages savent que c'est trop tard, mais ne renoncent jamais à leur humanité.

Question: 

Pourquoi la forme romanesque comme vecteur de ces réflexions ? Pourquoi l’excès, l’insupportable pour dire vos messages ?

Réponse: 

 Je ne veux pas être un humain au-dessus de l'être humain. Les philosophes, les professionnels du psychique, de la psychologie, du spirituel, s’octroient un statut, une supériorité face à leurs clients ou disciples, qui les coupent d'eux-mêmes. Cela crée des angles morts dangereux dans leur esprit. Je ne crois pas à l'étude objective d'un sujet par autre sujet ; cela relève de la fiction. Seul le sujet a accès à son esprit et peut s'auto analyser avec honnêteté quand il est prêt. La forme romanesque me donne la liberté dont j'ai besoin pour me mettre à nu, creuser les tréfonds de mon être, ne jamais me brider ou proposer de vérité objective. Quant au trash, dans cette époque où la violence est banalisée, où l'on nous bombarde d'images, de sons, d'infos, il n'est qu'un artifice pour transpercer l'opacité dans laquelle est enfermé le lecteur.

Question: 

Le fantasme, l’imagination et les réalités se rejoignent comme si tous ces éléments constituaient un jeu de construction ? A travers le double récit, mais aussi à cause de la transversalité des thèmes. Précisez.

Réponse: 

Nous sommes constitués ainsi, je pense. Nos vies sont un mélange constant de fantasmes, d'imaginaire, de réalités brutes, et nous permutons sans cesse d'un mode à l'autre pour notre propre survie psychologique dans ce monde qui devient plus en plus complexe et hostile.

Question: 

Pour vous quels sont les bienfaits de la lecture, de l'écriture ?

Réponse: 

Une structure pour l'esprit, une base cognitive saine, une autonomie mentale, une nourriture pour l'imaginaire, un vocabulaire riche et une porte vers des mondes et des rêves à l'infini.

 

Une interview de Mo Rezkallah sur son dernier ouvrage :

"Les'hommes qui avaient peur des femmes"

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