
J’ai oublié les premiers mots, la première histoire, mais je me rappelle très bien de la première machine à écrire sur laquelle j’ai usé mes ongles dès la fin du CP. Les vieilles touches nacrées s’enfonçaient et balançaient les barres à caractères contre la page blanche. Le claquement, le tintement du rouleau, le geste : pousser le levier, redémarrer une ligne vierge, noircir et noircir encore. Un délice pour l’oreille, une véritable DeLorean à remonter le temps ou à l’accélérer. La clé de la liberté.
Le Père Noël m’apporta ensuite ce cadeau incroyable, pour mes dix ans : la première machine à écrire électrique. Tellement silencieuse que mes parents ne savaient plus ce que je faisais lorsque je me claquemurais dans ma chambre. Je me souviens du goût délicieux de l’inachevé, de l’excitation de la nouvelle idée, des émotions visitées au travers de mes personnages. J’écrivais, j’existais.
Lorsque mon professeur de français m’a convoquée, ce jour-là, pour me dire tout le bien qu’il pensait de ma rédaction, du haut de mes cyniques treize ans, j’ai rigolé. Il m’a poussé à composer, à corriger, à « champ lexiquer », jusqu’à ce que nous puissions envoyer le texte à une maison d’édition de sa connaissance. Les premiers encouragements sont tombés.
Et puis la vie m’a délicieusement rattrapée : grandir, aimer, quitter, aimer pour de bon, s’installer, construire le nid, y accueillir les enfants. Une galopade en apnée. Le bonheur, ça coupe de souffle.
A quarante ans, j’ai repris un grand bol d’air, en regardant autour de moi, un peu hébétée. Quoi, toutes ces années ? Où sont les machines à écrire ? Remplacées par des tablettes ! Mon prof de français ? Loin, loin dans mon passé !
Les picotements dans les doigts, l’imagination qui galope, et l’envie de raconter des histoires étaient pourtant là, sagement tapis au fond de moi, attendant l’heure du come-back : j’ai repris mon souffle en regardant mes fils grandir. Un matin comme tous les autres, j’ai sorti un cahier et des crayons : gauchement, timidement, j’ai effleuré la première page, puis les suivantes. Des mois de travail plus tard, mon mari et mes fils m’ont avoué combien ils étaient heureux de me voir respirer. Le vent du large, c’est avec leur soutien que je l’ai pris, car seule je n’aurais jamais osé : une maison d’édition contactée, puis deux, puis dix. Beaucoup de « non » polis, quelques « peut-être » encourageants, et puis un jour, un grand « oui ».
Mon premier petit, « Les chemins d’Hermès », écrit pour les deux petits hommes de ma vie, sortira en avril prochain. « So long, Alice », ma fille imaginaire, a trouvé une famille éditoriale et naîtra en mars. « La part des anges » vogue grâce à Monbestseller à votre rencontre, pour le plaisir de partager.
En attendant, je respire à pleins poumons. Je fais ma mue. Et j’écris.
Vous avez écrit un livre : un roman, un essai, des poèmes… Il traine dans un tiroir.
Publiez-le sans frais, partagez-le, faites le lire et profitez des avis et des commentaires de lecteurs objectifs…
Décidément j'aime cette écrivaine. Elle a un style bien à elle pour dire ce qu'elle ressent. Elle nous embarque aussitôt. On est pris. Elle ne nous lâche plus. J'ai déjà eu le plaisir de lire 3 de ses œuvres. Je n'ai aucun doute : Constance Dufort sera reconnue bientôt comme une "grande".
Chère @Constance Dufort, quelle chance avez-vous eu d'avoir d'abord cette vocation précoce pas banale (sur une véritable DeLorean), puis que votre prédisposition soit reconnue par votre professeur de français au secondaire, enfin cette envie de raconter des histoires, couronnée par l'acceptation d'une maison d'édition.
Il était intéressant d'évoquer votre expérience qui réveillera probablement des souvenirs chez vos confrères et consoeurs auteurs sur cette plate-forme.
Merci pour ce partage. Je vais de ce pas ouvrir "La part des anges". Votre trajectoire d'écrivain est tracée. Je vous envie et vous souhaite tout le succès que vous méritez. Avec mes encouragements.