@Michel Laurent et @Yolanda Potatoe - je n'avais pas imaginé susciter une aussi dense conversation-débat à propos d'Aristote, de son lièvre et autres billevesées incontournables. Mais je vous en remercie à deux mains, à deux pieds, à deux oreilles. Je clape de toute mon infortune.
Ayant été absent de la toile cette semaine, ma réponse arrive à la vitesse de la tortue. Mais personnellement, oui, j'apprécie volontiers comme un canard dans le café, l'absurde rafraichissant vianesque, l'inutile nécessaire desprogiens, le pétaradant anthropologique coluchien aussi, la légèreté profonde devossienne sans aucun doute ... il y en a beaucoup d'autres qui m'échappent.
Tant qu'on peut jouer avec les mots et qu'ils nous l'autorisent, la belle laideur ou la laide beauté du monde nous polluera moins la caboche. Finalement là est le pivot central de toutes introspections. Enfin peut-être ?
J'aimais bien entendre Michel Colucci parler de son père sans képi, qui avait la tête pieds nus, ou de la lessive qui s'occupait d'éliminer la crasse propre. Décapant.
Bon week-end / Bonne lecture / Bonne écriture.
@Yolanda Potatoe
Quelle injustice envers ce pauvre Aristote ! On lui reproche d’avoir mal évalué la longueur des oreilles de lapin, alors qu’il ne disposait ni d’institut de sondage, ni de double-décimètre homologué par le CNRS. À l’époque, on mesurait à l’œil, et l’œil, comme chacun sait, se trompe volontiers après deux verres d’alcoolat de pipistrelle frelaté (même Platon en convenait, mais bon, Platon n’a jamais su tracer un cercle droit).
Quant au professeur Pertuisane, l’histoire retiendra moins son travail pionnier sur la trajectoire erratique du rongeur en terrain luzernier que son exploit à draguer des fillettes entre deux nuggets sauce barbecue. Le Nobel n’était pas loin, certes, mais l’Académie suédoise a ses pudeurs : on tolère les prix donnés à des génocidaires repentis, mais un Big Mac mayonnaise, ça non.
Reste que la thèse est solide : le zigzag du lapin n’a rien à voir avec ses oreilles, mais tout avec son sens inné du comique de situation. Car courir tout droit, c’est vulgaire, c’est d’un ennui aristotélicien. Tandis qu’un coup à gauche, un coup à droite, un plongeon sous la clôture, hop, disparition dans un terrier : voilà du burlesque digne de Buster Keaton en fourrure.
Bref, rions des sabretaches, moquons-nous des oreilles trop longues, mais sachons reconnaître au lapin cette élégance rare : l’art du contre-pied, du gag visuel, du « je zigzag donc je suis ».
@Michel Laurent
Vous avez bien tort de vous moquer. Car la publication et la lecture de ce morceau de bravoure littéraire est nécessaire et néanmoins indispensable à qui veut comprendre pourquoi les lapins de garenne courent en zigzag dans la luzerne. Aristote pensait, en son temps (ce qui ne nous rajeunit guère) qu'ils procédaient ainsi afin d'être moins gênés dans leur course par leurs longues oreilles. Ce n'était pas tout à fait vrai, et la science a dénoncé justement cette sotte incongruité. Le professeur Pertuisane (lequel, je vous le rappelle, a manqué de peu le Nobel de pataphysique appliquée à l'agriculture subsidiaire - il était alors en train de draguer des fillettes au McDonald de Champigny-sur-Levrette) a démontré, avec rien d'autre qu'un compas et un double décimètre, que les lapins ne possédaient pas d'oreilles si longues que cela, que c'était une illusion d'optique due à l'ingestion accidentelle d’alcoolat de fleurs de pipistrelle par l'observateur. Oui, Aristote était un gros con - et tous ceux, après lui, qui ont contribué à propager son mensonge sont taillés dans le bois dont on fait les sabretaches.
Dont acte.
Où l’inévitable vacuité du plein et la plénitude du vide évitable.
A moins qu'il ne s'agisse de l’impermanence définitive du transitoire éternel.
Ou encore de l’immuabilité mobile de l’inertie bondissante.
Publié le 26 Septembre 2025
Antoine Guy
Biographie
Antoine Guy est consultant spécialisé en télécommunications et cybersécurité. Également journaliste scientifique, il réside aujourd’hui...
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@Michel Laurent et @Yolanda Potatoe - je n'avais pas imaginé susciter une aussi dense conversation-débat à propos d'Aristote, de son lièvre et autres billevesées incontournables. Mais je vous en remercie à deux mains, à deux pieds, à deux oreilles. Je clape de toute mon infortune.
Ayant été absent de la toile cette semaine, ma réponse arrive à la vitesse de la tortue. Mais personnellement, oui, j'apprécie volontiers comme un canard dans le café, l'absurde rafraichissant vianesque, l'inutile nécessaire desprogiens, le pétaradant anthropologique coluchien aussi, la légèreté profonde devossienne sans aucun doute ... il y en a beaucoup d'autres qui m'échappent.
Tant qu'on peut jouer avec les mots et qu'ils nous l'autorisent, la belle laideur ou la laide beauté du monde nous polluera moins la caboche. Finalement là est le pivot central de toutes introspections. Enfin peut-être ?
J'aimais bien entendre Michel Colucci parler de son père sans képi, qui avait la tête pieds nus, ou de la lessive qui s'occupait d'éliminer la crasse propre. Décapant.
Bon week-end / Bonne lecture / Bonne écriture.
@Yolanda Potatoe
Quelle injustice envers ce pauvre Aristote ! On lui reproche d’avoir mal évalué la longueur des oreilles de lapin, alors qu’il ne disposait ni d’institut de sondage, ni de double-décimètre homologué par le CNRS. À l’époque, on mesurait à l’œil, et l’œil, comme chacun sait, se trompe volontiers après deux verres d’alcoolat de pipistrelle frelaté (même Platon en convenait, mais bon, Platon n’a jamais su tracer un cercle droit).
Quant au professeur Pertuisane, l’histoire retiendra moins son travail pionnier sur la trajectoire erratique du rongeur en terrain luzernier que son exploit à draguer des fillettes entre deux nuggets sauce barbecue. Le Nobel n’était pas loin, certes, mais l’Académie suédoise a ses pudeurs : on tolère les prix donnés à des génocidaires repentis, mais un Big Mac mayonnaise, ça non.
Reste que la thèse est solide : le zigzag du lapin n’a rien à voir avec ses oreilles, mais tout avec son sens inné du comique de situation. Car courir tout droit, c’est vulgaire, c’est d’un ennui aristotélicien. Tandis qu’un coup à gauche, un coup à droite, un plongeon sous la clôture, hop, disparition dans un terrier : voilà du burlesque digne de Buster Keaton en fourrure.
Bref, rions des sabretaches, moquons-nous des oreilles trop longues, mais sachons reconnaître au lapin cette élégance rare : l’art du contre-pied, du gag visuel, du « je zigzag donc je suis ».
@Michel Laurent
Vous avez bien tort de vous moquer. Car la publication et la lecture de ce morceau de bravoure littéraire est nécessaire et néanmoins indispensable à qui veut comprendre pourquoi les lapins de garenne courent en zigzag dans la luzerne. Aristote pensait, en son temps (ce qui ne nous rajeunit guère) qu'ils procédaient ainsi afin d'être moins gênés dans leur course par leurs longues oreilles. Ce n'était pas tout à fait vrai, et la science a dénoncé justement cette sotte incongruité. Le professeur Pertuisane (lequel, je vous le rappelle, a manqué de peu le Nobel de pataphysique appliquée à l'agriculture subsidiaire - il était alors en train de draguer des fillettes au McDonald de Champigny-sur-Levrette) a démontré, avec rien d'autre qu'un compas et un double décimètre, que les lapins ne possédaient pas d'oreilles si longues que cela, que c'était une illusion d'optique due à l'ingestion accidentelle d’alcoolat de fleurs de pipistrelle par l'observateur. Oui, Aristote était un gros con - et tous ceux, après lui, qui ont contribué à propager son mensonge sont taillés dans le bois dont on fait les sabretaches.
Dont acte.
Où l’inévitable vacuité du plein et la plénitude du vide évitable.
A moins qu'il ne s'agisse de l’impermanence définitive du transitoire éternel.
Ou encore de l’immuabilité mobile de l’inertie bondissante.