Victor n’en menait pas large. Il avait choisi cette fille sur internet et voilà qu’elle s’apprêtait toute verge dehors à le déshonorer. Il y avait mieux comme entrée en matière, surtout après une cérémonie de mariage rondement menée. Comme la surprise était de taille, Victor demanda gentiment s’il était possible de ne pas honorer son devoir conjugal. Son épousée, tout juste sortie de l’adolescence, lui répondit qu’il ne fallait pas rigoler avec la tradition. La respecter était le gage d’une nuit de noce réussie et le présage d’une vie amoureuse bien remplie. C’était aussi un excellent moyen de rester en vie, à voir la gueule des frangins qui tranquillement veillaient au grain, derrière un paravent aussi léger qu’une plume de Garuda.
Victor avait toujours été d’une naïveté désarmante. Ses proches l’avaient mis en garde quand il commença à parler de mariage avec une jeune thaïlandaise au profil appétissant. Escroquerie, prostitution, photos falsifiées, les sonnettes d’alarmes résonnèrent dans le vide. Après un mois d’amourette virtuelle, le vieux garçon s’envola pour le pays du sourire avant que la solitude ne le brise pour de bon. A peine débarqué, sa future épouse qu’il reconnut au premier coup d’œil, l’entraina avec force et douceur dans la masure familiale qui siégeait au milieu des rizières. Le courant passa aussitôt avec le patriarche, un peu moins avec la chambre à coucher qui n’avait rien de conjugal. Prévu dans trois semaines, le mariage serait donc le point de départ d’une intimité déclarée. Tant pis ! Victor était prêt à patienter le temps qu’il fallait, surtout que la petite à marier correspondait tout à fait aux critères sélectionnés sur la toile.
Victor s’immisça dans la culture locale en un temps record. Il apprit les rudiments de la langue, participa au labeur des champs, enjoliva le quotidien des filles de la maison, toutes heureuses de voir un farang aussi attentionné, récurer les sols et cuisiner les nouilles sautées. Mais surtout, il apprit à mieux connaitre sa promise. Souriante et courageuse, la petite avait aussi un caractère bien trempé. Elle pouvait avec virulence rabrouer ses ainés qui avaient souvent tendance à la moquer, puis filer au temple dans la foulée pour se faire pardonner. Bref, Victor ne regrettait en aucun cas le montant de la transaction, négocié par le père comme le voulait la tradition.
Victor avait toujours respecté les mœurs et les coutumes quelles qu’elles soient. Néanmoins, quand le jour de la cérémonie arriva, il ne put réprimer un râle de soulagement. Prévue à l’heure du soleil couchant, la nuit de noce approchait à grands pas. Fidèle à sa ligne de conduite, Il se plia toute l’après midi au bon vouloir des villageois, qui l’accompagnèrent vers l’autel de la sagesse sous un florilège de drapeaux à prières. Ni office religieux, ni sacrement, encore moins de promesse à la con, Victor se sentait étrangement bien dans cette atmosphère colorée et bon enfant, d’autant plus que sa fiancée toute de rouge vêtue, demeurait la plus belle fille de l’assemblée. Ses amis restés en France pouvaient bien le charrier, l’indécrottable vieux garçon allait finir en beauté.
Victor s’engagea résolument sur le chemin des délices. La suite nuptiale lui tendait les bras. Joliment décoré et ventilé à bon escient, la petite case en bambou affichait une température propice à la détente. Parsemé de lotus en fleur, le lit double donnait envie de s’y coucher nu tandis que la salle de bains témoignait d’une hygiène irréprochable. Victor s’y engouffra à la lueur des bougies, avec le sentiment du devoir accompli. En effet, le plus facile était à venir.
Victor n’avait jamais gouté la sodomie, même dans ses rêves les plus inavouables. Avec doigté, il essaya d’inverser les rôles mais l’insistance de son épouse ne lui laissa guère le choix. Rassuré par le port du préservatif, il prit la position la plus naturelle et ferma les yeux surpris par son sens du sacrifice. Envouté par des senteurs inconnues, son corps ne l’habitait plus. Il sentit néanmoins les larmes lui monter aux yeux quand l’inopportun corps étranger gagna la place. Curieusement, il eût une pensée pour son fidèle rottweiler, restée au pays. Et s’il mettait en charpie cette singulière geisha pour écourter les débats ? La présence en filigrane des frangins l’en dissuada. Il avait beau se répéter qu’il ne faut pas mourir idiot, que le jeu en vaut la chandelle, il n’en démordait pas. L’argent de la dot servirait exclusivement à l’ablation des parties génitales qui, dans la chaude pénombre asiatique, fourrageaient dans l’ignorance une intimité à jamais dévoilée.
Vous avez écrit un livre : un roman, un essai, des poèmes… Il traine dans un tiroir.
Publiez-le sans frais, partagez-le, faites le lire et profitez des avis et des commentaires de lecteurs objectifs…
@Jean-Louis Ermine
Bonsoir oui hélas ce n’était pas de la fiction ….
Ah les délices et les pièges de la Thaïlande ! Certes un pays de l'amour, mais qui peut réserver des surprises, n'est-ce pas ?
@vegas sur Sarthe
Bonjour content que mon petit délire vous ait plu….comme quoi, l’aventure et l’imprévu ne sont pas à la portée du premier venu ….
J'ai goûté votre texte avec grand plaisir même si son épilogue est difficile à "avaler". L'exotisme a parfois des conséquences inattendues...
@Michel CANTAL
Grand merci pour ce retour. Même si tous les goûts sont dans la nature, ne vaut-il pas mieux finir seul que mal accompagné ?
@Nours,
Une belle surprise que cette nouvelle sur le thème "Nuit de noces". J’en ris encore.
Eh oui, il vaut mieux se méfier des rencontres sur Internet, surtout quand on est tenté par l’exotisme, qu’il soit russe, ukrainien... ou des pays asiatiques réputés pour leurs femmes douces, soumises, éduquées pour faire le bonheur de leur époux.
Une bonne leçon dont Victor se souviendra... à moins qu’il n’y trouve son compte !
S’il devait y avoir une morale à tirer de ce que l’on peut appeler une "mésaventure", elle serait : "toujours écouter les mises en garde de ses proches", surtout quand on est vieux, d’une naïveté désarmante, et que l’on jette son dévolu sur une jeune Thaïlandaise au profil trop appétissant.
&lamish
Bonjour merci pour votre commentaire….nom d’une pipe en bois, je m’en vais de ce pas visionner le film que vous mettez en avant… Hector ans the search of hapiness …un manque dans mon bagage de cinéphile