

Dans ce village breton, tout commence par une fuite. Une ardoise déplacée depuis longtemps invite l’eau de pluie à traverser le plancher, comme s’il était temps qu’Arsène se réveille et monte au grenier. Une succession d’événements anodins ferait presque penser que le passé aussi s’agite, et que quelque chose d’enfoui cherche sa sortie. On comprend vite, en lisant Gaëlle Merlet, que ce qui fuit ici n’est pas seulement une toiture, mais les souvenirs, les silences, des vies entières et des destins tragiques restés sans réponse.
La fuite se propage : Aurélie découvre que celle du plafond de sa chambre n’est pas d’eau mais de sang. Et la brèche inaugurée chez Arsène s’élargit. De fuite en fuite, de vie en vie, de voix en voix, le récit expose les fissures d’une communauté marquée par des disparitions anciennes, des histoires mal refermées et des vérités que chacun a préféré contourner. Le roman avance ainsi : par infiltrations successives.
Aussi long sera le chemin privilégie cette capillarité, posant ses révélations par petites touches. Ce n’est pas l’enquête qui domine, mais la manière dont un détail minuscule — une goutte, un carnet, une phrase — peut déranger un équilibre collectif. Le rythme accompagne la lente remontée des secrets plutôt qu’un suspense classique, et l’univers se construit par strates. La narration s’attarde sur les zones d’ombre, les silences tenaces, les gestes qui tentent de tenir debout alors que tout fuit ; on lit un climat avant de lire une intrigue.
Si vous avez un faible pour les récits de villages, de silences partagés et de vérités qui s’infiltrent dans les murs, cette lecture pourrait vous retenir.
« Je sors de la voiture et m’approche du canal, je scrute l’eau, ai du mal à m’imaginer le drame qui y a eu lieu. Les eaux sont si calmes, le coin si paisible. »

Contes, paraboles, fragments de voyage : chaque texte de L’Arche aux arabesques se présente comme une traversée, à la fois très concrète : Sahara, Arctique, Byblos, Chine ancienne, et profondément intérieure. L’ensemble composant un parcours initiatique où l’on chemine d’un paysage à l’autre, d’une figure symbolique à une autre, pour tenter de répondre à cette question simple et universelle : comment trouve-t-on son chemin dans cette vie ?
J’ai lu ce recueil comme une mosaïque de civilisations et de sensibilités. Soleyman, le sculpteur africain ; Natar, l’Inuk de la banquise ; Tian, le marchand chinois ; et tant d’autres encore : Jean Daigle-Roy place au centre de son livre des personnages passeurs d’expérience humaine. Leur patience, leur sagesse, leur vision du monde deviennent autant de métaphores de ce qui nous fonde et nous relie. Jean excelle à évoquer les lieux, qu’il s’agisse d’un désert vibrant de lumière, d’une mer lourde de mémoire, d’une forêt bruissante de symboles, et chaque décor semble prolonger sa réflexion intérieure. Plus que des aventures, ces histoires nous racontent ce qu’il advient chez un être quand il passe une « porte », sa subtile transformation.
On retrouve ici les thèmes chers à l’auteur : la transmission, la spiritualité, la migration, la valeur des gestes ancestraux. L’Arche aux Arabesques se décline dans une écriture ample, où se mêlent poésie, histoire et méditation. Le texte ne cherche pas l’effet spectaculaire, il avance avec douceur, porté par une forme de confiance dans la dignité humaine. Le lecteur ressent que Daigle-Roy écrit en dialogue avec les civilisations, avec les mythes, avec les traces laissées par les hommes. Ceux qui suivent déjà Jean Daigle-Roy reconnaîtront cette voix singulière, tranquille, attentive, qui fait de chaque histoire un chemin vers plus de clarté.
"Comme venue du fond des âges, une inaltérable exigence de clarté, de rigueur et de vérité souffle jusqu’à moi sans que je puisse dire si ce souffle me réchauffe ou me transit jusqu’à la moelle.

Vous avez écrit un livre : un roman, un essai, des poèmes… Il traine dans un tiroir.
Publiez-le sans frais, partagez-le, faites le lire et profitez des avis et des commentaires de lecteurs objectifs…
Partir dans l'imaginaire : le plaisir de la lecture !!
Je n’ai pas encore ouvert son nouveau livre — cela ne saurait tarder — mais, pour avoir dévoré ses précédents récits publiés sur mBS (Smog et Le Refuge), je peux déjà vous souffler un conseil : faites comme moi, laissez-vous happer sans délai.
Car Gaëlle Merlet possède cet art rare de distiller le suspense comme d’autres distillent un élixir. Elle sait, mieux que quiconque, nous entraîner dans les replis secrets de la Bretagne profonde, à deux pas de Brocéliande et de ses légendes aux ombres longues.
Mais ne vous y trompez pas : à Malestroit (prononcez donc “Mal’treu” pour vous donner un air local), les figures que Gaëlle met sur notre chemin se révèlent parfois plus inquiétantes que Merlin l’Enchanteur lui-même.
Et puisqu’il faut oser une comparaison — que l’on me pardonne l’audace — disons-le franchement : dans sa manière d’installer une atmosphère, de laisser le mystère monter comme une brume et de faire progresser l’intrigue d’un pas feutré, il y a chez Gaëlle Merlet un petit quelque chose de Simenon. Oui, Simenon… mais avec l’accent de Bretagne et un sourire en coin qui vous prévient gentiment : “Attention, ici, les légendes ont des dents.”