La littérature de genre, inclassable effraie éditeurs et libraires Avec leurs règles et leurs interdits, les transgressions et les influences, la littérature s’organise mais se réincarne sans cesse sous des formes nouvelles, parfois éphémères, parfois tendancielles, créant même des genres durables et autonomes. Mais alors, que veut dire genre littéraire et littérature de genre ?
>> Le lecteur aime classer les livres par genre littéraire
L’association d’une œuvre à un mouvement dominant, c'est une ré-assurance pour le lecteur. Un livre ou un écrivain auquel on attribue un genre spontanément, c'est un repère.
Un roman policier sans crime, une pièce de théâtre sans dialogue, un roman d’amour sans drame... perturbent la perception conventionnelle d'un genre et, du même coup, lui fait perdre ses adeptes. Le lecteur se fait une représentation de l’écrit stéréotypée : science fiction, essai, poésie, théâtre… Cela lui donne le loisir de repérer l’originalité d’une œuvre et de comprendre éventuellement en quoi elle rompt avec ses codes propres.
>> Y a-t-il des genres littéraires qui puissent échapper à une norme générale ?
Reconnaître les conventions d’un genre donne au lecteur un pouvoir de connaissance, de culture, voire aussi d’expertise. C’est ce qui lui confère les moyens de poser un regard critique sur l’ouvrage. Sa maîtrise du dénominateur commun qui constitue un genre, lui permet de détecter les règles éventuellement enfreintes dans le bon (et le mauvais) sens.
L’espace des conventions, des règles génériques et des repères linguistiques rassemble la plupart des œuvres. Et si la singularité de travaux peut faire croire un instant qu’un nouveau genre est créé, il ne l’est en fait qu’en se comparant à des normes génériques acceptées universellement. La différence ne se décrit que par rapport à la norme.
>> Les genres littéraires le sont essentiellement pour des raisons pédagogiques
Un genre, c’est aussi une mise en relation entre un auteur et un lecteur dans un contexte culturel, politique, historique et idéologique donné.
Et pourtant, ce qui est moderne aujourd’hui, se retrouve parfois plus dans les écrits du passé que dans les romans contemporains. La licence et la transgression sont légendes ; les codes sont faits pour être rompus. L’écart entre la réalité et l’imaginaire dans une autofiction, dans un roman autobiographique ou même dans une biographie sont infimes. Cela rend le mélange des genres presque obligatoire.
Pour s’y retrouver, les genres ont été classifiés selon des normes : narratif, dramatique, argumentatif... Mais ces normes concernent aussi les formes variées de l'expression : orale comme le conte (qui connaît un regain de popularité aujourd’hui), la poésie ou le théâtre... Les registres amplifient la multiplication des genres : comique, fantastique, tragique. Tous ces critères croisés peuvent participer à la conception de la recette d’un nouveau genre. Preuves en sont les exercices hardis de nos amis sur monBestSeller. Alice Quinn qui passe du policier à l'héroïc fantasy jeunesse et Dali Valpogne qui délaisse un instant les livres pour les petits enfants pour des ouvrages qui concernent exclusivement les grands enfants.
>> Les cinq genres littéraires dominants
La langue française compte cinq grands genres littéraires. Ces catégories de la littérature sont assez facilement reconnaissables grâce à des caractéristiques bien distinctes.
Le genre narratif,
Le genre poétique,
Le genre théâtral,
Le genre argumentatif,
Le genre épistolaire.
Afin de connaître le genre littéraire d’un texte, il faut apprendre les caractéristiques de chacune de ces catégories pour bien pouvoir les distinguer. Pour cela, on peut se baser sur le type de vocabulaire, le système d’énonciation, le point de vue de l’auteur, les émotions qu’il souhaite faire passer, la thématique, etc. Cependant, il peut parfois être compliqué de bien définir le genre d’un texte.
Le fait qu’un texte soit écrit en vers ou en prose n’est pas obligatoirement la caractéristique la plus évidente d’un genre : la poésie peut en utiliser les deux aspects.
> Le genre narratif
Le genre narratif regroupe l’ensemble de textes racontant une histoire fictive ou réelle et rapportée par un narrateur. Celui-ci peut être omniscient, interne ou externe. Dans les textes narratifs, il est donc possible de repérer le point de vue du narrateur selon la manière dont le récit est présenté.
La première personne reflète un point de vue interne. Le conteur fait donc partie de l’histoire. Au contraire, le point de vue externe implique que le narrateur observe la scène sans en faire partie. Enfin, le narrateur omniscient connaît tous les sentiments des personnages.
Les textes narratifs sont souvent assez longs et dans la majorité des cas écrits en prose (bien que… que penser de Victor Hugo et de sa Légende des Siècles ?). Ces récits sont structurés par des péripéties qui forment alors le schéma narratif (intrigue, développement, dénouement, etc.).
Le roman est le sous-genre littéraire le plus connu du genre narratif. Au point qu’on parle souvent de « roman » pour parler du genre littéraire narratif, bien qu’il existe de nombreuses sous-catégories.
> La poésie
La poésie est un genre que tout le monde connaît, mais que peu de personnes savent décrire. La poésie est un texte écrit en prose ou en vers formant des mélodies grâce au rythme, à l’harmonie et aux figures de style faisant appel à l’imagination. Il s’agit d’éveiller tous les sens grâce aux rimes et au nombre de syllabes utilisées ou, plus simplement, de faire résonner les mots comme une mélodie. Il existe cependant deux écoles : les vers rimés et les vers libres qui, utilisés à bon escient amènent le lecteur ou l’auditeur au même résultat.
La quasi totalité des chansons sont basées sur ce genre.
La comparaison et la métaphore sont des figures très souvent utilisées dans ce type d’œuvre littéraire. Baudelaire, Rimbaud, Verlaine, Prévert, sont autant de grands auteurs qui ont marqué l’histoire de la poésie. Grâce à Apollinaire, les calligrammes (du grec kalos « beau » et gramma « lettre ») entrent aussi dans cette catégorie, alors que cette forme de poème existait depuis déjà fort longtemps. La Hache calligramme de Simmias de Rhodes date de 300 avant JC, La Sainte Croix de Raban Maur fut composée au IXe siècle, Stefano Lepsenyi publia La Rose en 1551, Le Luth est un des cinq calligrammes écrits en 1634 par Robert Angot de l’Eperonnière.Au XIXe siècle, Nicholas Cirier surnommé « le typographe fou » a jonglé avec caractères d’imprimerie, signes de ponctuation et graphisme pur. Rabelais, lui-même, s’est essayé à cet exercice avec son calligramme en forme de bouteille.
Ces textes ne sont pas tenus de raconter une histoire. Il peut s’agir simplement de descriptions de lieux, de personnes ou de sentiments. Ceci doit amener le lecteur à sentir, rien que par les mots, les émotions par lesquelles passe le poète.
Le désir de rendre mélodieux un poème vient du fait que la poésie était avant tout une transmission orale.
C’était ainsi un texte plus facile à mémoriser et à transmettre (trouvères et troubadours).
> Le théâtre
Le genre théâtral est caractérisé par le fait que l’histoire est destinée à être jouée par des acteurs. Le texte est donc partagé entre différents personnages.
Dans ce genre particulier, l’ensemble du texte, est destiné à être joué par un (monologue) ou plusieurs personnages. Les indications en italique (didascalies) n’ont pour but que de faciliter le jeu des acteurs et du metteur en scène. Il peut s’agir d’expressions du visage, du ton de la voix, d’actions, de mouvements scéniques, etc. Chaque nom de personnage est suivi des répliques correspondantes.
> Le genre argumentatif
Le genre argumentatif peut prendre la forme d’un discours ou encore d’un essai. Loin de l’idée de raconter une histoire, le texte argumentatif vise à persuader ou à convaincre son lectorat tel le discours politique. L’auteur essaye alors de donner des arguments pour convaincre, ou bien de toucher les sentiments des lecteurs pour les persuader et les faire adhérer à son idée première.
> Le genre épistolaire
Le genre épistolaire fait référence aux échanges entre deux personnes ; d’un côté le destinataire, de l’autre le destinateur. Ces textes sont souvent faits de confidences et de sentiments personnels révélés à la personne à qui est adressé le courrier. Ces correspondances peuvent être réelles ou fictives.
>> Les genres littéraires portent en eux des sous genres. Quels sont les principaux sous-genres littéraires ?
En plus des genres majeurs, chaque genre compte plusieurs sous-genres qui permettent de diversifier les œuvres littéraires.
Ainsi, le genre narratif peut prendre la forme de : roman — réaliste ou fictif — (d’amour, de science-fiction, policier, d’aventures, historique — ce qui n’empêche nullement des policiers historiques, des policiers de fiction, etc.), biographies, autobiographies, mémoires, contes, légendes, épopées, nouvelles, etc.
On peut y ajouter depuis bon nombre d’années maintenant, une nouvelle catégorie : le roman graphique mieux connu sous le non de bande dessinée (BD).
> Le roman est le sous-genre littéraire le plus connu du genre narratif.
Il s’agit d’un long texte, articulé en chapitres, dont l’histoire intègre plusieurs personnages fictifs ou réels. La nouvelle, elle, est un texte beaucoup plus court et est destinée à surprendre le lecteur par sa chute. Maupassant, Edgar Allan Poe, Ray Bradbury en sont les maîtres.
Dans le cadre d’un conte, l’histoire fait intervenir très souvent des personnages merveilleux comme des fées, des lutins, des ogres et autres créatures légendaires. Le conte est traditionnellement réservé à la littérature enfantine.
> Le genre poétique peut aussi bien se décliner en :
poésie lyrique, ballades, odes, chansons, calligrammes, épigrammes, fables, haïkus, sonnets, etc.
> Le genre théâtral compte aussi quelques sous-catégories :
- la comédie, le drame, la tragédie, la tragi-comédie, le burlesque, la farce etc.
La comédie, par exemple, est un sous-genre qui a pour but de faire rire les spectateurs par des situations familiales, sociales, ou amoureuses rocambolesques et distrayantes. L’histoire se termine toujours bien et une morale se cache souvent derrière la résolution de l’intrigue. Molière est l’un des plus grands maîtres de ce sous-genre.
La tragédie fait également partie de ces sous-genres, elle est souvent marquée, évidemment, par des dénouements tragiques.
> Le genre argumentatif compte, lui aussi, ses sous-genres :
les essais, les aphorismes, les apologies, les pamphlets,les parodies,etc.
> Le genre épistolaire est un peu plus réduit :
il peut se présenter sous la forme d’échange de lettres authentiques (Correspondance de Madame de Sévigné, Lettres d’amour d’un soldat de vingt ans — Jacques Higelin), fictives ou bien de roman épistolaire (Les Liaisons Dangereuses).
Le courrier classique ayant tendance à se faire rare, peut-être aura-t-on bientôt le plaisir de lire un roman épistolaire entièrement basé sur des échanges de mails ou de SMS…
>> Mais qu’est-ce que la littérature de genre ?
"Larousse" décrit ces œuvres comme des œuvres écrites pour une finalité esthétique, c’est à dire « qui provoqueraient chez l'homme le sentiment que quelque chose est beau. »
Pourquoi parle-t-on alors de littérature de genre, plutôt que de genre littéraire ?
Tout simplement parce que les genres littéraires sont en perpétuelles mutations et qu’on ne les considère comme un "genre" que lorsqu’ils deviennent référents, une sorte d’institution en quelque sorte. Au même titre que Jules Verne, visionnaire du monde à travers l’ébauche de la science fiction moderne, créait une forme nouvelle d’imaginaire, Jk Rowling transpose sa fiction et ses démons en contes fantastiques (mais effrayants) pour enfants, à travers les aventures d'Harry Potter.
D’aucuns méprisent cette dernière et sa forme de littérature, la considérant comme un ersatz de ses référents. Une parente pauvre du genre auquel elle se rattache : la science fiction. C’est de la littérature de genre dit-on avec une pointe de condescendance. Comme on aurait pu qualifier celle de Jules Verne il y a quelques décades.
Alors la saga des Harry Potter, littérature de genre ou genre littéraire ? Rendez-vous est pris avec l'histoire.
Les auteurs, souvent, souhaitent abolir ces espaces catégoriels pour n’appartenir qu’à un genre : celui de la littérature. Il est vrai que la ghettoïsation qui impose des règles et des principes peut étouffer l’inspiration.
Mêler les genres est intéressant : emprunter à la science fiction pour créer un conte fantastique ou un récit d’horreur comme Alien ; utiliser la philosophie pour créer une morale dans des ouvrages de fantasy, comme le fait Jack Vance dans Le cycle de Lyonesse ; c'est toute la richesse du « transgenre ».
>> Un exemple de littérature de genre : la transfiction
Il existe, à mi-chemin entre le continent de la littérature dite générale et celui de l'imaginaire, une contrée fabuleuse habitée par Kafka, Borges, Dick, Buzzati, Cortazar, Murakami, Palahniuk, Ballard et bien d'autres dissidents dont les œuvres ont en commun de briser toutes les conventions de genre déclare Francis Berthelot chercheur en théorie littéraire et écrivain.
Dans ces ouvrages on peut deviner deux types de transgressions — transgression de l'ordre du monde et ruptures sur les lois du récit — et bien sûr des variations infinies sur le même thème.
La transgression en littérature générale ne l'est pas forcément en science-fiction, et inversement, car les codes et les règles de ces littératures sont divergentes. Par ailleurs ces trans-fictions changent de statut dans le temps. Un livre manifestement transgressif au XIXème peut 100 ans après devenir le classique d’un genre.
Mais l’inclassable le restera, car les écrivains, créatifs, l’investiront toujours.Tant mieux pour nous
Ces genres spécifiques ou sous-genres littéraires permettent l’exploration d’un espace libre sans contraintes. Transgresser l’ordre établi est important pour la création, fondamental même.
Encore faut-il que le lecteur se repère, et que la machine commerciale suive. Car c'est probablement le lecteur qui, par son approbation, fait de la littérature de genre un genre littéraire.
Christophe Lucius
Vous avez un livre dans votre tiroir ?
Publier gratuitement votre livre
Vous avez écrit un livre : un roman, un essai, des poèmes… Il traine dans un tiroir.
Publiez-le sans frais, partagez-le, faites le lire et profitez des avis et des commentaires de lecteurs objectifs…
@Six-Blaireaux
Réparé. Merci.
bel article ou le genre est mis a l'épreuve, mosaïque selon certain, kaléidoscope était ma première impression. Mais les deux restent vrai tant il n'est pas simple parfois de catégoriser un livre!
Bon courage pour categoriser la maison des feuilles de Danielewski :)
Sinon @Christophe Lucius je crois que vous avez fait une erreur sur votre photographie parce que c'est Tom Cruise. Je l'ai reconnu.
Erreur réparée pour Berthelot. Merci.
Ajoutons une référence permettant d'approfondir la question de la littérature "transgenre", l'inestimable Bibliothèque de l'Entremonde de Francis Berthelot (http://www.noosfere.org/icarus/livres/niourf.asp?numlivre=2146559549).
@Yannick A. R. FRADIN
Bonjour Yannick. Enfin quelqu'un qui comprend mon humour !!. Le sujet est vaste,vague et peut prêter à de nombreuses polémiques. Il mérite une thèse. Je me mets aux abris car la critique est rude par les temps qui courent :-)
Bonjour Christophe et merci pour cet article dont j'ai trouvé la lecture fort sympathique :-) J'ai aussi apprécié le paradoxe entre l'illustration choisie et, je cite, "des œuvres écrites qui provoqueraient chez l'homme le sentiment que quelque chose est beau". Pas toujours évident de catégoriser un livre, certains lecteurs verront d'ailleurs dans certains ouvrages un genre différent ou, comme vous l'avez dit, un mélange d'influences. Une sorte de mozaïque d'auteur dans une mozaïque littéraire en quelque sorte ;-)