Ah, on vous a bien alléchés, eh bien, point de règles, quelques principes certes. Mais les génies ne se plient pas aux recettes, ils inventent.
Reprenons trois des incipit les plus célèbres, puis on proposera un cadre de reflexion pour aborder les premières lignes de son roman.
Camus : La plus déroutante
Aujourd’hui, maman est morte. Ou peut-être hier, je ne sais pas.
L’évènement d’une vie est énoncé comme une badinerie. Cette phrase est un précipice. Elle est à la fois insolite, déplacée, absurde. L’intimité et la distance sont mêlées à l'éxtrême pour faire de cet incipit historique une bombe qui affame le lecteur
Tolstoï : la plus ambitieuse
Les familles heureuses se ressemblent toutes ; les familles malheureuses sont malheureuses chacune à leur façon.
On sent la volonté d’embrasser le monde, la Société, la famille, la nation, l’univers et d'en faire un dicton, une morale. On annonce une saga, des destinées… L’histoire du monde ne suffira pas à couvrir la promesse de cet incipit. C’est presque Dieu qui énonce ses vérités.
Nabokov : la plus passionnelle
Lolita, lumière de ma vie, feu de mes reins. Mon péché, mon âme. Lo-li-ta : le bout de la langue fait trois petits bonds le long du palais pour venir, à trois, cogner contre les dents. Lo. Li.Ta.
La sexualité, la passion, l’enfance sont là pour évoquer tous les interdits, les souffrances exquises que l’auteur va (nous faire) vivre. Et puis il y a ce rythme, : LO-Li-ta qui fait claquer la langue, comme une gourmandise joyeuse et défendue.
» Quelques règles pour approcher le principe de l'incipit