Je m'appelle Églantine (pas de moqueries, ce n'est pas moi qui aie choisi mon prénom), et ce jour-là, je ne me suis pas reconnue.
Jusqu’ici, j’ai toujours été une femme posée, un peu perchée parfois, comme me le soulignent si souvent mes amis. Un peu de folie ne fait de mal à personne.
Au travail, on me dit que j’ai le don d'illuminer une journée maussade. Que ma bonne humeur est contagieuse, que j'arrive à renverser le cours d'une journée. Autant de compliments qui me mettent mal à l'aise, mais qui, en secret, me réchauffent le cœur avec une douceur extrême.
De nature prévenante et chaleureuse, j'aime aider mon prochain sans rien demander en retour.
Je suis comme ça.
J'étais comme ça, avant.
J'avais besoin de contacts pour exister, j'avais besoin d'échanges, de rires, mais très peu de conflits. C'est tout ce que je détestais.
Si une bataille devait éclater, alors je restais neutre. Je ne prenais pas parti. Je tentais simplement de calmer les esprits, de trouver la meilleure voie possible pour une réconciliation.
C'est un portrait élogieux que je vous fais de ma personne, et ce n'est pas du narcissisme. Je vous peins juste les bons côtés de mon être, car jusqu'à présent, ce sont ces traits de ma personnalité qui brillaient de mille feux au quotidien et qui me définissaient.
Puis, petit à petit, sans vraiment que je m'en rende compte, ou plutôt sans que je le veuille bien me l'avouer, j'ai glissé sur la pente du crime. J'ai ouvert la boîte de Pandore et tous mes vices, bien cachés jusqu'alors, ont fait surface.
Bien que j'aie l'esprit plutôt ouvert, toutes mes valeurs morales se sont vues s'effondrer comme un château de sable balayé par une énorme vague.
J'avais beau savoir que ma conduite n'était plus digne, le poison était en moi, coulant à pleine vitesse dans chacun de mes vaisseaux sanguins.
Mensonges, trahisons, cachotteries, je flirtais avec l’immoralité, et le pire, c'est que j'y prenais goût.
Jusqu'à ce que tout cela s'arrête. Jusqu'à ce que je me sente prise au piège et à mon tour trahie.
La rage que j'ai ressenti ce jour-là balaya toute raison, toute bonne conscience.
Je n'avais plus de limite. Me venger, assouvir ma haine pour que justice soit faite.
Cela faisait des mois que je n'étais plus honnête avec moi-même, mais le fait qu'on ne le soit plus avec moi me mit dans un état d’hors-contrôle total.
L’arroseur arrosé.
La souffrance et l’indifférence font tellement mal, qu'il est parfois difficile de résister à ses pulsions.
Moi je n'y suis pas arrivée. À vrai dire, je n'ai même pas essayé. Je n'en avais pas envie.
Je suis devenue une personne que je détestais au plus profond de moi mais je ne voyais aucune autre solution, aucune autre issue de secours.
Paranoïaque, impulsive, impatiente, à fleur de peau. En quête d'amour.
J'étais obsédée par lui. Tout simplement.
Si je ne pouvais pas l'avoir, j'avais décidé que personne ne l’aurait.
Ce jour-là, en quittant mon appartement, je refermais la porte en serrant la lame contre moi, bien cachée au fond de ma poche.
Je souffrais, je souffrais tellement.
J’exécutais mon plan au millimètre près. Tout était calculé. Je savais à quelle heure il prenait son bus, à quelle heure il en descendait. Je savais quelle rue il empruntait pour se rendre à son bureau, et j'avais choisi l'endroit idéal pour mettre fin à cette injustice.
Je l’ai enfin aperçu, à quelques mètres de moi. D'un pas rapide, comme à son habitude, la tête baissée, il filait droit devant, puis tourna vers la droite, dans une petite ruelle.
Je pressais le pas pour ne pas le perdre, pour ne pas louper ce fameux moment où tout prendrait fin. Où je serais enfin libérée.
Et, levant la tête pour m'assurer qu'il était toujours à portée de vue, je me suis arrêtée net en voyant mon reflet dans une petite fenêtre.
J'ai vu ce visage déformé par la souffrance, j'ai posé mes yeux sur ma poche de manteau, là où je pouvais voir la forme de mon poing, serrant le couteau de toutes mes forces.
J'ai fixé mes yeux, embués de larmes. Mes cernes qui révélaient mes nuits d'insomnie.
Ce jour-là, je ne me suis pas reconnue.
J'ai tourné la tête vers lui, et je l'ai laissé partir, définitivement."
Mélissa sadet
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