
Ils aiment toujours lire. Certains disent même qu’ils "adorent" ça. Et pourtant, ils lisent de moins en moins.
C’est un paradoxe bien français que révèle une étude récente commandée par le Centre national du livre (CNL) : près de 40 % des Français estiment que leur temps de lecture a diminué, un niveau jamais atteint en dix ans.
La passion demeure, mais les pages se tournent moins souvent. En cause ? Les écrans, devenus en quelques années les rois du temps libre. Ils hypnotisent, captivent, fragmentent l’attention. Mais attention, le temps consacré aux écrans, c'est aussi du temps de lecture.
Et le livre, lui, se fait discret, souvent relégué à l’arrière-plan.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : les Français passent en moyenne 3 h 21 par jour devant un écran de loisir, contre… 3 h 40 par semaine à lire.
Autrement dit, on passe en une journée devant un écran ce qu’on accorde à un livre en une semaine.
Chez les plus jeunes, l’écart devient abyssal. Les 15-19 ans cumulent 5 h 19 d’écran par jour, mais à peine 3 h 18 de lecture hebdomadaire.
Ce décalage n’est plus une tendance, mais une transformation en profondeur des modes de vie.
Pour la première fois depuis dix ans, moins de la moitié des Français lisent quotidiennement. Ils ne sont plus que 45 % en 2025.
Et cette baisse ne touche pas que les jeunes : elle s'observe aussi chez les 50-64 ans, longtemps considérés comme un bastion de la lecture.
Côté volume, la chute est nette. Les Français ont lu en moyenne 18 livres en 2024, soit quatre de moins qu’en 2023.
Les plus jeunes sont particulièrement concernés : les moins de 25 ans sont passés de 29 à 21 livres lus par an, avec en moyenne six mangas dans le lot.
Et tandis que 13 % des Français n’ont pas lu un seul livre de l’année, un noyau de lecteurs résiste : 26 % ont lu au moins 20 livres, dont une majorité de… 25-34 ans, champions inattendus de la lecture avec 27 livres lus par an. Le papier s’efface doucement Si le plaisir de lire reste, le format papier, lui, s’efface. Les lecteurs français ont lu 13 livres papier en 2024, contre 17 un an plus tôt. Un record à la baisse.
Un tiers d’entre eux a lu au moins cinq e-books.
Le livre audio n’est pas en reste : sa pratique grimpe de 8 points, boostée par les smartphones et les plateformes d’écoute.
Et les bibliothèques ? Elles désertent doucement les habitudes : 77 % des Français ne les fréquentent jamais ou rarement, contre 23 % seulement qui y vont encore, un chiffre historiquement bas.
Quand la lecture se décide… en ligne C’est peut-être l’un des grands bouleversements récents : les lectures se choisissent désormais en ligne.
Une série ou un film vu sur une plateforme ? Et hop, l’envie de lire renaît. 43 % des lecteurs disent avoir ouvert un livre après une adaptation.
Chez les 15-19 ans, ce chiffre explose à 74 %. Même logique sur les réseaux sociaux : 78 % des 15-19 ans y piochent leurs idées de lecture. Et 91 % des 15-24 ans admettent avoir été influencés par la visibilité d’un auteur ou d’un ouvrage en ligne. TikTok, Instagram ou YouTube sont devenus les nouveaux prescripteurs littéraires. Des lectures qui changent de visage
Les classiques perdent du terrain au profit de genres populaires : La "new romance" (romans sentimentaux contemporains et souvent érotiques) est désormais le genre le plus lu chez les jeunes : 47 % des 15-19 ans en ont lu un en 2024.
La "dark romance", bien plus sulfureuse et controversée (violence, emprise, relations toxiques), séduit plus d’un quart des jeunes de cette même tranche d’âge.
Les mangas conservent leur succès, surtout chez les adolescents : 44 % des moins de 20 ans en lisent.
Mais la diversité des genres s’effrite. En moyenne, les lecteurs n’explorent plus que six genres littéraires par an, signe d’une forme de repli culturel. Lire pour rêver… ou ne pas lire du tout
L’évasion avant tout. En 2025, un quart des lecteurs cite le besoin de fuir le quotidien, un chiffre en hausse de 7 points.
À l’inverse, les non-lecteurs perçoivent la lecture comme une tâche intellectuelle, presque un devoir, rarement un plaisir. Et l’enfance joue un rôle clé. 39 % des grands lecteurs ont grandi dans des foyers où les livres étaient omniprésents, contre seulement 11 % des non-lecteurs. Ce rapport intime au livre, construit très tôt, fait toute la différence à l’âge adulte.
La lecture n’a pas disparu. Elle résiste. Mais elle devient une pratique plus fragile, plus marginale, concurrencée de toutes parts par des loisirs plus immédiats, plus visuels, plus addictifs.
Alors, faut-il faire la guerre aux écrans ? Pas forcément. Mais il est urgent de repenser notre manière d’accompagner les lecteurs, surtout les plus jeunes. En valorisant des lectures accessibles, en passant aussi par les réseaux, en transmettant le goût du livre dès l’enfance.
Sans cela, le livre risque de perdre sa voix au milieu du vacarme numérique.
Vous avez écrit un livre : un roman, un essai, des poèmes… Il traine dans un tiroir.
Publiez-le sans frais, partagez-le, faites le lire et profitez des avis et des commentaires de lecteurs objectifs…
@Catarina Viti
C'est en effet une bonne idée que d'aiguillonner la curiosité des enfants, avant qu'elle ne soit engloutie par la médiocrité des temps.
@Bérénice Patatras. J’ai écouté une émission radio, il y a quelque temps de cela, j’ai oublié qui était l’écrivaine en question, mais elle racontait que ses parents avaient une façon de classer les livres qu’ils souhaitaient qu’elle découvre... ils les rangeaient systématiquement sur « l’étagère interdite ». C’est en effet plus cool.
@Catarina Viti
Personnellement, je ne pense pas qu'il faille traiter les mioches comme l'Alex de Burgess puis Kubrick. Mais si l'on considère que le livre est un trésor, les enfants ont plus de chance de le découvrir si l'on entrouvre pour eux et avec eux le coffre dans lequel il est renfermé. C'est tout ce que je dis.
C'est dommage que les gens lisent de moins en moins, y a plus de nouveauté en littérature qu'à la télé. Pour ma part je lis chaque soir.
Eh oui, la société change. C’est un fait. Elles sont loin les vacances où les seules distractions (à part quelques promenades) se résumaient à trois ou quatre bouquins relus en boucle... autour, le silence à peine troublé par Ivanohé, Zorro, ou Flipper en début d’après-midi. Autre temps, autres mœurs. @Bérénice Patatras : j’ai une idée pour vous. Orange mécanique. Vous voyez où je veux en venir : une camisole de force, des écarteurs de paupières, et vous allez voir comment vos petits neveux vont apprécier Zola ! Non mais des fois. Eh oui, la société change. Et les gosses ont envie de vivre autrement. Et tous les parents et grands-parents ne rêvent peut-être pas à Agnan. Et ce que l’enquête ne précise pas, c’est que dans le lot des lecteurs, nombreux sont ceux qui, au lieu de lire (de préférence, les classiques anciens et modernes), consacrent ce temps à s’essayer à la prose ou aux vers, pour voir si, « des fois, il ne serait pas l’écrivain du XXIe siècle ». Comme disait ma grand-mère, ex-championne des Deux-Sèvres de badminton : « ça fait des trous dans la raquette ! » Eh oui, la société change et si l’on compte continuer à y vivre, il faudrait arrêter de juger.
Je n'ai pas l'impression de lire moins , mais de lire différemment.
Comme tout le monde, je fais un va-et-vient entre le papier et Internet. Surtout quand je veux appofondir ou avoir des infos récentes.
Entre les mots LIRE et LIBRE, il n'y a qu'une lettre de différence. Hasard ?
@Michel CANAL Je suis en parfait accord avec ta vision des choses, cher ami, et quand j'observe mon petit fils, je vois se profiler ce retour à l'équilibre en lequel tu es confiant. "Tout passe, tout lasse, tout casse" lorsque ni le coeur ni l'esprit ne sont concernés, et ce monde superficiel se trouve bien désemparé, sans valeurs auxquelles se raccrocher. Mais l'Être humain n'est pas suicidaire, dans le fond. Il est lent, attend souvent "d'être dans le mur", puis finit par revenir à la raison.
Bises et bon week-end à vous deux,
Michèle
Analyse correspondant à la réalité. Mais il n'y a pas lieu de s'inquiéter pour autant. En discutant avec les uns et les autres, nombreux sont ceux qui lisent qui ont une préférence pour tenir un livre matérialisé. Et ceux qui lisent beaucoup ne sont pas impactés par les tendances qui concernent surtout les plus jeunes, ni ne sont pas des addicts de la télévision.
Chaque évolution technologique fait toujours craindre un effondrement de ce qui se faisait précédemment. Puis le monde s'adapte et tout devient complémentaire. Il est normal que les goûts évoluent, que des tendances percent. Les choses de la vie sont en mouvement... dans un perpétuel recommencement. Il en sera de même pour la lecture, pour les livres, pour les valeurs que l'on aimera retrouver pour se poser, s'amarrer, échapper à cet océan de dispersion, d'excès de sollicitations, de superficiel. MC
Merci pour cet article. C 'est malheureusement très vrai...
L'article est complet et intéressant. Il correspond tout à fait à la triste réalité, mais cela prouve que les choses ne changent pas vraiment, ce qui paraît contradictoire : sous l'ancien régime, seule la noblesse possédait des livres et avait accès à la culture. Sommes-nous en train de revenir à une normalité ? les livres ne représentent pas seulement un moyen de se distraire, mais aussi de se cultiver, d'apprendre et de développer sa pensée. C'est un effort intellectuel qui dépasse désormais une tranche de la population, mais cela a toujours été le cas. @Sylvie de Tauriac
Ah mais vous avez raison @Bérénice Patatras , mille fois raison, et l'avenir le montrera, Madame ! D'ailleurs, dans un élan de lucidité pédagogique tout à fait dans l’air du temps, voilà que ces parents éclairés, soucieux de stimuler l’appétit littéraire de leur charmant démon, se mettent à investir dans une nouvelle collection d’ouvrages hautement éducatifs, parfaitement adaptés à la croissance morale et intellectuelle de leur progéniture.
Voici un échantillon de cette bibliothèque d'excellence, en édition cartonnée, coins arrondis pour ne pas se blesser en tournant les pages avec leurs petits doigts sales :
"Fais péter la baraque ! – Petit traité illustré de confection des plus beaux pétards artisanaux (dès 6 ans)"
"Mon premier space cake – La recette du gâteau qui a fait rigoler papa quand Mamie est morte"
"Le guide du parking – Réussir ta roue arrière sur ta pétrolette devant Carrefour et conquérir le respect éternel de Kevin"
"Zidane par Nabilla – Philosophie d’un chauve par une lumière"
"Bourré mais stylé – Le guide du vomi discret en milieu festif"
"J’ai graffé sur Papi – Premiers pas dans l’art urbain radical"
"Pikachu sous acide – Les Pokémons que la télé ne montre pas"
"Ma première garde à vue – Colorie tes droits avec Maître Boulard, l’avocat des familles"
Et pendant que vous y êtes, n'oubliez pas d’acheter la peluche interactive du petit Pablo Escobar : il sent la coke quand on lui gratte le ventre et déclame des citations inspirantes comme "On ne devient pas riche en écoutant ses parents". Un amour.
Alors oui, bordel de merde, faîtes lire vos enfants ! Et tant qu’à faire, choisissez bien. Parce qu’un jour ou l’autre, ce sont eux qui choisiront votre EHPAD.
Je n'ai pas d'enfant (Dieu m'en garde), mais j'ai autour de moi quelques mères qui, lorsque leurs affreux mioches étaient dans leur première jeunesse, leur racontaient, livre en mains, chaque soir (tous les soirs !), elles ou leur cher et tendre (soyons justes), des histoires avant le dodo. Eh bien, il est remarquable que ces gogols, devenus plus grands, donc presque humains, plongent toujours plus ou moins (mais moins, c'est déjà beaucoup) leur nez dans les livres. Pourquoi, ma bonne dame ? Pour la raison très simple que leur héroïque (!?) maman (mais aussi leur héroïque papa, soyons justes) leur ont fait découvrir très tôt les trésors inestimables qui se dissimulent entre les pages des livres. Alors, arrêtez de pleurer et de geindre et lisez, bordel de merde ! des livres à vos horribles gniards !!!