Est-ce la raison ? le dernier jour du salon. Alors que dehors il fait un temps de Juin, tout me semble un brin morose ici. Bien que les filles aient quitté leurs collants, que les garçons déambulent en teeshirt, on sent une atmosphère un peu pesante.
Portée par mes élans méditerranéens, je me dirige, d’emblée, vers l’Algérie. Aïe ! qui est cette femme avec ces petits livres fins, la main posée dessus comme pour ne pas se les faire arracher ? impossible de le savoir, juste je vole d’un œil, sur sa quatrième de couverture, une phrase qui m’effraie. Son verbe est trop haut avec les messieurs du stand. Il n’y a pas de place ici. Mais je prends tout de même le temps de regarder les livres, avec de belles photographies, sur les étagères. Je suis seule sur le stand, il est 15h, et personne ne s’intéresse à moi, lectrice.
Le Maroc a fait, sur l’arrière, un restaurant aux sièges bas « comme là-bas ». Les plateaux de pâtisseries et le thé à la menthe sur les tables. Les quelques clients installés-là tendent plutôt la main vers la corne de gazelle que vers le livre fraîchement acquis.
Avec, les fruits et les fleurs, les épices. Rituels. Des collégiens se bousculent, demandent s’ils peuvent goûter. La jeune fille du stand tente, avec délicatesse, de leur expliquer la coutume. Mais, leurs mains sans gêne s’autorisent à toucher, à prendre même. Je suis troublée. Je pense à mon voyage annulé cet avril. Je pense à Yalda, à son père et à sa mère qui m’y attendaient.
Un peu rêveuse, je pars à la recherche d’éditeurs incluant des images dans les textes. La qualité de leurs couleurs reproduites. Cela m’intéresse, j’ai des projets. Tout en déambulant, là encore une femme parle haut. Un homme l’invite à une interview, ou quelque chose comme ça. Nous sommes à la Librairie du Voyageur. « Je suis politologue, moi, monsieur, pas historienne » l’invective presque la femme boulotte derrière son tréteau chargé de livres. Il lui tend un livre. Elle dédicace. « Je ne réponds plus aux interviews. Hier encore j’étais à Arte. Je crois que je vais tout refuser maintenant ». Mais pourquoi est-elle si agacée ? Qui est cette femme si assurée de sa personne ? L’homme referme le livre sur sa signature. Je distingue un nom, Helene B. Il insiste. Je m’en vais.`
Je tourne des pages, je regarde, j’évalue les choix de couleurs. Des dessins sont sublimes, des textes mièvres, des peintures éteintes. Ou le contraire. C’est bon. Je suis à mon affaire. On me dit. On me vante. On m’explique. Plutôt mieux accueillie chez les « petits ». Leur goût du travail bien fait. Il est doux de se laisser faire aux explications de la fabrication d’un livre. De se poser des questions qui me semblent aujourd’hui tellement folles. « Un cousu, c’est mieux. ». Je pense à ma petite nouvelle sur monBestSeller. Il me semble qu’elle est quelque part, à flotter dans l’air. Pas cousue du tout. Mais qui me ressemble finalement. Libre, en quelque sorte, même avec ses fautes d’orthographe, la coquine ! Puis, à un éditeur. Je lui dis que je fais moi-même mes illustrations. « Non madame. C’est moi qui choisis mes illustrateurs. Je serais intéressé par vos textes mais j’ai un turnover de 3 illustrateurs. Je ne dérogerais jamais Non, non, je ne tiens pas à voir vos illustrations » Je m’en vais en riant. Ils sont moches, ses dessins. Et puis, là, des textes bilingues avec des illustrations tristes. Russe. Chinois. Anglais. Néerlandais. Des dizaines de langues. Je regarde s’il y en a en grec. Je m’informe, je demande. Sur le même stand un vieux monsieur veut me vendre son roman policier. Cet homme a l’air épuisé. Sûrement un problème cardiaque sous-jacent. (Oui, je sais, je ne peux pas m’en empêcher). « Nous n’avons pas en Grec. Oui nous serions intéressés. Oui, vous pouvez faire le texte, l’illustration, la traduction. Des textes simples pour les enfants ». Echange de cartes. J’achète un exemplaire français-espagnol pour mon petit fils.
Je me ballade un peu vers l’Afrique. Les gens y semblent plus gais. Ils rigolent en se tapant dans le dos. Là, une dame en boubou fait une conférence. Parmi l’assistance, des femmes écoutent en fronçant les sourcils.
Je passe du temps coté sciences. Sciences et médecine. Je feuillette. Je butine çà et là. C’est quelque chose d’autre. J’y suis bien. Je ne suis plus au salon. Ma pensée, seule, ma pensée sur ces livres. Pourtant, qu’est ce que j’ai mal aux pieds !
Je m’assoie un moment sur une chaise vers l’entrée des VIP (c’est inscrit sur un panneau). Je sors mon petit casse-croûte spartiate. Le vigile s’assoie sur la deuxième chaise et nous entamons la conversation. Il me demande comment je vais, ça alors ! ben, qu’est-ce que j’ai mal aux pieds ! Nous parlons. Il me donne son avis sur tout. Mon miam est plus digeste que ce qu’il me raconte. Je prends congé, lui, sa place de vigile.
Ce qui me saute aux yeux, d’emblée, c’est la jeunesse. Ils sont tous jeunes. Toniques aussi. Je rencontre Elodie Surel de chez iggybook et sa charmante stagiaire. Nous nous asseyons. Elle me montre. Pas avare pour un sou de ses explications. De son temps. Une vieille femme comme moi qui ne percute pas tout de suite les abstractions de la technique, en cette fin de salon, cela ne doit pas être facile. Nous rions, nous parlons du salon 2017, du prix exorbitant de l’entrée, de tout quoi. C’est le seul endroit où l’on m’a invitée à m’assoir. Et, croyez-moi, cela compte. Il faut y penser. Les choses (les affaires) avec moins de hâte, elles se font mieux ainsi.
Devant Amazon, une cacophonie de monde. Une jeune femme me demande si elle peut m’aider. Elle me dit qu’elle est auteur mais qu’elle connait tout le monde sur le stand. Patrick Ferrer ? ben je ne pense pas qu’il soit ici aujourd’hui. D’un regard elle fait le tour des garçons susceptibles de renseigner. Quelqu’un l’interpelle, elle me tourne le dos et m’oublie. Un homme assis par terre raconte une histoire à un groupe d’enfants. Je m’en vais.
A The book Edition, Guillaume, c’est le boss. Gentil comme tout. Patient. Me montre, m’explique. Je peux voir comment les couleurs apparaissent sur un livre édité par eux. Tout comme iggybook, il s’intéresse à ce que je lui explique, à mes projets. Tous deux me dirons combien c’est agréable de voir les auteurs au salon. Je ne ressens pas le même à priori que chez les éditeurs papier. Mais je comprends que les enjeux financiers soient différents.
Toute guillerette de ces entrevues je me dis que, quand même, je vais aller m’acheter un livre chez les grecs. Une petite récompense. J’aime beaucoup la littérature moderne grecque. Je passe donc chez Desmos. Mon dieu, j’avais oublié combien ces gens sont peu chaleureux. Mais j’y achète deux ouvrages bilingues. Dès le début des vacances mon petit-fils viendra me rejoindre à Xios. Et cette année, m’a-t-il dit, je veux vraiment que tu m’apprennes le grec. Nous lirons donc ensemble, sur la terrasse, Le quatrième suspect de Yannis Maris et Je me souviens de Maria de Ménis Koumandaras.
En sortant du salon, je m’installe sur un banc. Au soleil. Je ne peux m’empêcher de commencer le Koumandaras. Comme si, très assoiffée, je pouvais me désaltérer enfin.
Vous avez écrit un livre : un roman, un essai, des poèmes… Il traine dans un tiroir.
Publiez-le sans frais, partagez-le, faites le lire et profitez des avis et des commentaires de lecteurs objectifs…
@Patrick Ferrer. Oh! c'est pas grave, le vigile m'a tenu compagnie :)
Je pense que, se rencontrer "en vrai" doit être bien sympathique. Et enrichissant aussi.
Belle journée Patrick. ChA
Désolé de vous avoir loupée. L'an prochain on aura peut-être un stand MBS et ça permettra d'organiser des rencontres entre nous.
@Corinne Le Gal
Corinne, c'est que je ne suis arrivée là que de peu....c'est mon amoureux Guy de Maupassant qui m'y a poussé!("Maupassant et Moi"; rubrique Classique). C'est un bien joli compliment et que de voir une innocence dans mon écriture. Je pense que c'est le privilège de l'âge. On a plus à s'embarrasser, on allège,on se déleste. Autant de personnes que de choses.J'écris et puis c'est tout. Et, depuis un mois, c'est la première fois que je me fais lire. Quelle aventure! Belle journée à vous. ChA
@Yannick A. R. FRADIN
Quel dommage que nous n'ayons pu nous saluer "en vrai" lundi! mais oui, sur MBS, je n'en doute pas un seul instant, nous nous rencontrerons surement. Belle journée Yannick; vous avez vu? quel beau soleil aujourd'hui sur Paris!
Quel article fort sympathique que j'ai lu comme on respire le bon air. Le Verbe est un tantinet moqueur sans jamais devenir vulgaire. La plume est plaisante à souhait. Un ravissement ! Presque de la poésie. Comment se fait-il que je ne connaisse pas encore cette auteure ? Il me faut réparer cette lacune au plus vite.
Merci Chatymi d'écrire avec tant d'innocence et autant de talent.
Bonsoir @chathymi et merci pour ce sympathique partage de flânerie à Livre Paris 2017. Je m'y suis promené aussi, et si je n'ai pas fait les mêmes rencontres ni eu les mêmes discussions que vous, je fais globalement le même constat. Je suis moi aussi revenu avec un petit quelque chose à lire, mais pas grec, plutôt d'"Occitània", et que j'ai comme vous commencé à lire dès ma sortie du salon. Même dans un salon "usine", on peut faire de belles rencontres. Au plaisir d'échanger au détour de commentaires ou d'articles :-)
@Ivan Zimmermann; @Iamish
Vous savez, c'est que je m'amuse aussi beaucoup....et en plus si ça vous plait What else?bonne soirée à vous deux ChA