A tous les auteurs qui veulent toujours mieux préciser leurs pensées, qualifier parfaitement les objets, caractériser avec minutie leurs personnages ; il ne faut pas mélanger "précisionnisme inutile" et "essentialité du détail", car il y a un risque fatal pour l’écrivain : le syndrome des mots vides.
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La forme soignée n'a jamais masqué l'absence de talent
Ces poèmes arithmétiquement parfaits, alexandrins irréprochables au nombre de pieds impeccables mais dont les mesures creuses résonnent sans esprit et sans talent, ces romans dont les pauses ou les descriptions constituent des montagnes inutiles et insipides pour le lecteur.
Le mauvais détail au mauvais moment, à mauvais escient, l’adverbe ralentisseur de sens, l’adjectif imposteur, la métaphore superflue, la litote inutile, l’euphémisme envahissant.
Toutes ces nuisances, quoiqu’irréprochables au nom de « la forme exigée », relèvent de l’onanisme d’auteur et emmerde le lecteur, dont la sanction simple est l’abandon du livre.
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De la critique systématique sur des erreurs de forme, au repérage délicat de talents cachés...Il y a un monde, nous préférons le second car il y a des professionnels pour corriger le premier.
Fautes de versifications chez François Coppée, erreurs syntaxiques chez Rimbaud mais aussi des « fautes d'orthographe » constituent ce qu'on appelle des rimes pour l'œil (voi, revoi revien) ;
Encor est une graphie usuelle dans la poésie classique Quant à ce fameux réfléchis de Baudelaire (faute d’accord corrigée par certains éditeurs) le poète préférait sans doute de loin respecter la prosodie (durée, mélodie et rythme des sons d'un poème) que de se soumettre aux exigences grammaticales. Ce qui donne matière de réflexion.
Pléonasme et répétition à proscrire ?
Écoutons Molière : « Je l’ai vu, dis-je, de mes propres yeux vu, ce qui s’appelle vu… » dit-il dans Le Tartuffe.
Pauvre Molière diraient les premiers de la classe s'ils ne connaissaient pas Molière.
On parle ici de génies, me direz-vous. Mais c'est tout aussi vrai sur monBestSeller ; Et si nous ne faisons jamais l'éloge de la faute, nous faisons celle du talent naissant à encourager
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Dénoncer les fautes, c'est facile ; aimer ou ne pas aimer un texte, c'est un engagement
Trop nombreux sont ceux qui traquent l’erreur de syntaxe, la faute d’orthographe, ou même une maladresse de sens avant de savoir si une histoire leur plait, si le récit les prend, si le rythme les emmène, si le texte est jubilatoire, s’ils y prennent du plaisir.
Détecter et corriger les fautes implique peu car on a toujours raison, aimer ou ne pas aimer un texte est un engagement parce que c'est un risque vis à vis du regard d'autrui.
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Nouvelle génération de littérature : offensive et concise
Une littérature moderne dont on peut éventuellement qualifier Christine Angot de chef de file prône le décharnement des phrases, la suppression de toute forme de superflu jusqu’à l’absolu.
Brute, radicale, concise, subversive, elle taille le texte jusqu’à l’os, au risque de le faire sombrer dans une forme de banalité.
Elle provoque (ou pas) une émotion par la manière de scander ses phrases souvent courtes et toujours essentielles, rivée sur le fond de ses propos.
Ce sont des textes qui disent, et non pas des textes qui racontent.
Ce que certains qualifient de non-littérature. Mais dont l'efficacité est probante.
» Les bons écrivains empruntent, les grands écrivains volent