Interview
Du 17 mai 2019
au 13 mai 2019

Portrait de Livre : Erreur de jugement

« La fragilité de l’être humain est intéressante à partir du moment où il est fort », déclare Muriel Laroque à propos de son ouvrage « Erreur de jugement ». De ce sentiment, elle écrit un roman sensible sur la trahison, le combat, l'abandon, l'estime de soi. Peut on s’aimer quand on ne l’est plus ? Le temps du chagrin est-il un passage obligé ? L'auteur s’explique.
Muriel Laroque : un colosse au pied d'argileMuriel Laroque : un colosse au pied d'argile

 Alice, magistrate reconnue, croise la route d’Agnès au travers d’un divorce particulièrement conflictuel.
Sa propre vie amoureuse vacille. Elle empoigne alors passionnément le destin d’Agnès, dont la situation de victime apparente, semble faire écho à la sienne. Au point d’en perdre ses propres repères.

 

Votre Point de départ  ?

  Dans une autre vie j’étais avocate au pénal et en droit de la famille, un choix délibéré pour le droit humain. 
C’est pourquoi pour ce premier roman, j’ai choisi comme décor, les prétoires, les robes des juges, des avocats qui virevoltent dans les salles d’audience, un monde auquel j’ai appartenu avec passion, durant toute ma vie judiciaire.

 L’alchimie des couples m’a toujours captivée : la fragilité du sentiment amoureux, la survie après une trahison, restent et resteront un mystère pour moi, un terrain d’exploration infini propice à l’écriture. 

... Justement, comment survivre à une trahison ?

Nous l’avons tous connue, au moins une fois dans notre vie. Et pour certains, c’est pire qu’un deuil. Le défunt dans sa tombe ou réduit à l’état de cendres, ne vous fera plus de mal, alors que celui qui vous abandonne, continue de respirer sans vous. Alors vous ne cessez de ruminer, dans une éternelle pulsion parlante, en l’imaginant avec l’autre.
La douleur de la trahison rejoint celle de la terreur primitive du nourrisson d’être abandonné.

Alice donne sa propre réponse à l’inacceptable : il faut consacrer du temps à son chagrin.
Il faut franchir les unes après les autres des étapes : le choc, la colère retournée vers soi ou les autres, le marchandage, la dépression, l’isolement et enfin l’acceptation pour permettre de se sentir à nouveau vivante.

 

Quelles intentions derrière ce livre? 

 Mon ambition était de décrire la dualité - conquérant et fragile - qui existe chez la plupart d’entre nous.
Colosse au pied d’argile, Alice passe son temps à masquer son manque de confiance. Il est bien difficile pour elle de s’aimer quand son compagnon ne l’aime plus. L’estime de soi est mise à mal.
Pour moi, la fragilité de l’être humain est intéressante à partir du moment où il est fort. C’est sa faille qui me bouleverse, m’émeut et que j’essaie de traduire. Ce sont ses émotions qui loin d’affleurer le submerge au point de l’égarer.

 

Votre livre est-il féministe ou au contraire un livre sur la dépendance à l’amour ?

 Il s’agit plutôt d’un roman féministe.
C’est Alice, la magistrate issue d’un milieu favorisé qui s’en sort le moins bien. C’est elle la plus naïve, la plus bernée, la plus fragile, aveuglée par les mensonges de Thomas et la peur d’affronter, la cinquantaine passée, la solitude. 
Les origines modestes d’Agnès l’ont rendue plus combative, plus méfiante, plus rouée et en définitive gagnante.

 

 Comment qualifieriez-vous le style de votre livre ?

Une auto-fiction. Ce n’est pas un roman personnel, mais certains éléments de ma vie se mélangent avec le romanesque. On conserve tous depuis l’enfance un goût archaïque pour les histoires descriptives accompagnées de détails que j’ai appris à relever dans les dossiers criminels. Je fais des phrases courtes   qui correspondent à notre époque et cela me plait.
Dans ma jeunesse j’ai toujours beaucoup aimé lire, surtout des romans. Depuis quelques années je lis différemment avec un carnet et un crayon pour noter une technique, une tournure, une habileté. Lire provoque l’écriture, les auteurs, les références littéraires, nous accompagnent en permanence.

Tenir une chronique littéraire depuis deux ans m’aide aussi énormément à écrire.

 

 Est-ce la tristesse d’Alice sur son sort ou sur celle de sa cliente que l’égare ?

  C’est à travers la souffrance d’un autre que le personnage comprend la sienne.
L’abandon brutal d’Agnès par son mari fait bien entendu écho à l’éloignement du compagnon d’Alice. Entre malheureux, un seul regard suffit pour se reconnaitre. Et rien n’est plus horripilant que de constater le bonheur chez les autres, quand on touche le fond. C’est la raison pour laquelle, nonobstant son devoir d’impartialité lié à sa fonction de juge, Alice poussera le curseur en faveur d’Agnès

Avez-vous eu du plaisir à écrire ?

Oui beaucoup. Certains auteurs prônent qu’écrire c’est saigner, s’écorcher les doigts, se mettre en danger. Je le comprends, mais l’écriture pour moi n’est pas un triste sacerdoce. Dès le petit matin mes personnages m’appellent pour que je saute dans l’autobus avec eux. J’ai hâte de les rejoindre car dans la nuit mon cerveau leur a inventé, fabriqué une histoire, dessiné des costumes… 

 Je me souviens que Marcel Proust a noté quelque part : Si l’on écrit dans l’idée de se donner du plaisir à soi, on risque bien de donner du plaisir aux autres…Je le crois bien volontiers ou du moins cela me correspond.

 Ecrire c’est magique, jubilatoire : mon héroïne belle et sexy dès le premier chapitre peut devenir toute racornie et fripée bien avant la fin du roman.
Une fois que j’ai écrit, je mâche mon texte, je le déguste mais, c’est vrai que certains lendemains sont amers …alors il faut polir, retravailler, couper, modifier et ce travail artisanal me plait. Et, en plus, j’apprends l’humilité…
Ecrire c’est retrouver ma part d’enfance, d’étonnement, c’est palper, sentir les émotions. C’est me sentir vivante, lumineuse.

C’est aussi ressentir un appel, être un aimant, capter chaque situation. J’écoute malgré moi les conversations dans le métro, je suis même descendue à une station qui n’était pas la mienne pour savoir la fin de l’histoire. Au restaurant, le couple à côté de moi, j’imagine qu’elle le trompe, le plus discrètement possible, alors qu’en définitive il s’en fiche complétement…

 Donnez nous une bonne raison de lire votre livre ?

 Se rappeler qu’une femme conquérante demeure en même temps fragile comme un brin d’herbe.

C’est votre premier roman, combien de manuscrits ?

Comme beaucoup, jeune, j’ai tenu un journal, qui des années plus tard, est devenu une écriture autofictionnelle entre rêve et réalité, pas vraiment très intéressante mais j’ai gardé mes carnets.

Devant une cour d’assise, vous plaidez avec vos tripes, avec des mots choisis, des uppercuts ciselés, pour faire sortir le plus rapidement possible votre client de l’arène.
Quand j’ai retiré ma robe d’avocate, je me suis consacrée durant près de deux années à aligner d’autres mots pour éclairer ma vie et faire naître ce premier manuscrit. J’ai alors compris, qu’être écrivain, est un métier, avec une pratique de travail rigoureuse, impliquant tous les jours de déverrouiller ses doigts, faire des gammes, relire, corriger.

 Une fois achevé mon premier roman, je l’ai mis sur mon Bestseller grâce aux conseils d’une amie. Je n’avais alors pas conscience que la rencontre avec les lecteurs serait capitale. Non seulement je les trouve très généreux, et bienveillants à mon égard, au vu de leurs nombreux commentaires, mais surtout je les remercie chaleureusement de la confiance qu’ils m’ont insufflée car je repars toute vaillante à l’assaut de mon deuxième roman. 

Propos recueillis auprès de Muriel Laroque

 

 

 

Erreur de jugement

de Muriel Laroque

 

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12 CommentairesAjouter un commentaire

Magistral !

Publié le 09 Septembre 2019

@ Muriel Laroque
superbe coup d'essai, un bon sujet un style agréable et alerte, un regard avec recul et humour sur la nature humaine. Mérite un éditeur

Publié le 06 Juin 2019

@Melanie Talcott
Moi aussi hâte de vous lire d'autant que je partage votre sentiment , ramer à contre courant , c'est bien plus intéressant.
C'est comme être heureux ou avoir raison...

Publié le 23 Mai 2019

@ Hubert LETIERS
Merci cher Hubert pour ces compliments.
J'apprécie vraiment cette communauté de lecteurs mBS liés par les joies et affres de l'écriture.
J'ai retrouvé une belle phrase de Patti Smith " Pourquoi écrivons nous ? Parce que nous ne pouvons pas simplement vivre."

Publié le 23 Mai 2019

@ Michel CANAL
Vous avez raison , dans notre métier nous avions coutume de dire qu'il n'y a pas de sexe sous la robe...
C'est faux , mais la justice est fort heureusement rendue par des humains, donc faillible...
Merci pour vos compliments sur mon livre car si écrire est un plaisir, la suite est effectivement une croisade ( ou un chemin de croix) comme le dit MélanieTalcott.
Chaleureusement

Publié le 23 Mai 2019

@Vera Seret
Merci chère Vera pour ce très chaleureux commentaire
Une rupture , un divorce avant d'être un phénomène juridique c'est d'abord un phénomène émotif à prendre en compte de prioritairement , d'où la nécessité de réunir tous les acteurs , médiateurs , coachs, thérapeutes, avocats , juges.
J'ai hâte de lire " A l'instant même où l'on bouge" .
A tout bientôt

Publié le 23 Mai 2019

@ Hubert LETIERS
Ravie, Hubert, que cet interview vous ait plu car il exprime effectivement mon ressenti.
Je vous remercie toutes et tous de m'encourager car je trouve rassérénant que les auteurs et lecteurs de monBestSeller partagent leurs avis avec une grande bienveillance et une gentillesse qui,de nos jours, semblent un peu démodées.

Publié le 22 Mai 2019

@Thaumaturge
Merci pour cette jolie image et espérons que je prenne mon envol , encore faut'il apprendre à s'alléger...

Publié le 22 Mai 2019

Il parait que la peur d'être laissé tomber explique non seulement le cramponnement des tous petits à leur mère mais aussi, pour lutter contre cette peur primitive, le désir ancestral de l'homme de voler. Que Muriel continue donc de s'envoler dans les sondages de mon Best Seller...et vers les nuages d'un nouveau roman.

Publié le 20 Mai 2019

Entièrement d'accord, écrire n'est pas un triste sacerdoce... Mais ensuite, faire connaître son livre relève de la croisade !
Après cette belle plaidoirie en faveur de vos personnages, il me reste à lire "Erreurs de jugement"... Mais en sont-elles puisque justement, ce sont elles qui nous aident à "grandir".

Publié le 20 Mai 2019

A mon tour de vous dire bravo chère Muriel. Et merci pour la sincérité, la tendre sensibilité qui émanent de votre interview. Et de votre roman je n'en doute pas une seconde. J'ai hâte de vous lire, plus longuement. Vos propos me touchent à double titre. En tant qu'auteure bien sûr, mais aussi coach en identité et Amour. J'accompagne en effet les personnes à retrouver leur estime profonde et les couples à traverser les étapes que vous décrivez de l'intérieur et si bien ici. J'ai souvent eu envie de travailler avec des avocats en droit de la famille tant c'est un endroit délicat, humain, purement émotionnel. Dommage que vous n'exerciez plus ! Mais le roman y gagne. A très bientôt alors j'espère au détour de vos pages. Encore félicitations. Vera

Publié le 20 Mai 2019

Que de choses peut avoir à raconter une ex avocate, @Muriel Laroque, tout comme une ex magistrate ou un ex policier.
Pour les juges aux affaires familiales "femmes", combien de justiciables hommes ont dû être persuadés que le jugement leur était défavorable parce qu'ils étaient "un" et le juge "une". Cependant quand on est proche de ce milieu ou qu'on y a des relations, on n'ignore pas que les juges elles-mêmes (ou eux-mêmes) connaissent dans leur vie de couple les mêmes tourments que ceux des affaires qu'elles (qu'ils) ont en charge.
A ce titre, votre auto-fiction est intéressante, d'autant qu'ex avocate, vous avez choisi non pas une avocate pour votre personnage, mais une juge (ce qui n'est probablement pas innocent) avec, cerise sur le gâteau, une belle écriture qui justifie ce petit coeur.
Cordialement. MC

Publié le 18 Mai 2019