Ça fait un moment que je ne suis pas venu te voir. C’était compliqué ces derniers temps. [Un temps] Vendredi soir j’étais au téléphone avec Rosalie. Elle m’expliquait que son psychiatre, le Dr Glantier, lui avait prescrit des comprimés contre le stress. Le stress, on lui met vraiment tout sur le dos ! Vous dormez mal ? C’est le stress. Vous êtes énervé ? C’est le stress. Vous avez acheté des yaourts aux fruits ? C’est le stress. Je te jure ! [Reprenant son récit]
Donc on était au téléphone et d’un coup, elle me dit que quelqu’un tape contre le volet de l’entrée. Elle était paniquée donc je lui dis de s’enfermer dans sa chambre et de prévenir la gendarmerie. Elle les prévient tandis que moi je prends ma voiture et je fonce ! Je pouvais pas laisser ma petite sœur toute seule. J’arrive en même temps que les gendarmes. Rosalie était en pleurs, on lui avait volé son sac ! Je reste avec elle et la commissaire pendant que ses collègues font le tour du domaine. Et à un moment, je vois Léon rentrer très vite chez lui !
Je me suis demandé ce qu’il faisait dehors avec ce temps ! Il pleuvait des cordes ! Deux des gendarmes vont le voir mais Léon, il parle pas français donc j’ai dû traduire. [Un temps] Il est toujours aussi bizarre ce jardinier. Je sais grand-mère que tu l’aimais beaucoup. C’est pas pour rien que t’as fait construire sa maison sur le terrain tu me diras. Mais il agit bizarrement parfois.
Là, à chaque question, la seule réponse c’était un silence ! Enfin… Je retourne dans le salon et je vois que la paire de botte de Rosalie est en plein milieu de la pièce et pleine de boue. Et voilà qu'on apprend que la serrure de la grange a été forcée ! Juste forcée, on l’a échappé belle !
La commissaire pensait que ça avait été fait avec un outil de jardinage, alors elle retourne voir Léon pour lui poser des questions, pour tâter le terrain quoi.
Mais encore une fois, il a rien dit. La gendarmerie décide de repartir parce qu’il n’y a aucune preuve et Rosalie avait déjà fait sa déclaration de vol. Et d’un coup, en ressortant, un des gendarmes hurle : « LES MAINS SUR LA TÊTE MR ALVAREZ ! » Sur le coup, j’ai pas compris ! C’est qu’après que j’ai vu le sac posé sur le meuble du fond ! Le coup de massue !
Tant d’années de confiance et ça se finit comme ça ? Léon a été embarqué pour vol. [Un temps] Pendant tout ce temps, Rose était dans le canapé à somnoler. Tu penses les nerfs lâchaient et avec les médocs qu’elle prend … Et moi, après tout ça, je me suis coupé un morceau de pain et au lit ! [Un temps]
C’est qu’après que j’ai réalisé ; les bottes pleines de boue, le sac, la serrure … D’abord, je me suis souvenu que Rose m’avait dit que la lanière de son sac s’était défaite et qu’elle avait demandé à Léon de la réparer. C’est pour ça que le sac était chez lui ! [D’une voix tremblante] Il n’y a pas eu de vol grand-mère ! [Un temps]
Je sais pas pourquoi mais je me suis levé et j’ai regardé le couteau que j’avais pris pour couper le pain. J’avais pas fait attention mais il était très abîmé. [S’emportant] Et les bottes pleines de boue ! Il n’avait pas plu depuis des semaines donc Rose s’en était forcément servi quelques heures plus tôt ! [Un temps] Je crois que c’est elle qui a forcé la serrure avec le couteau à pain ! [Bouleversé] Et le volet ! Au vu des traces, les coups n’ont pas été faits depuis l’extérieur mais depuis l’intérieur ! Ça veut dire que c’est elle qui a tapé !
Je me disais bien aussi, j’entendais les coups comme si ça tapait sur le téléphone ! [Il craque. Reprenant] Le lendemain, j’ai appelé le Dr Glantier.
Après les nouveaux tests, le diagnostic est tombé ce matin. [En pleurs] Grand-mère, Rosalie est atteinte de trouble dissociatif de l’identité.
Vendredi soir, elle était quelqu'un d'autre, un gangster ou je ne sais pas quoi. [Il se calme] J’ai décidé de porter plainte contre le docteur. Il vient d’être mis à pied pour faute professionnelle. [S’emportant à nouveau]
Bon sang, une telle erreur de diagnostic peut vraiment nous mener à de grandes tragédies ! Dieu merci ce gangster n’a pas eu l’idée de se tailler les veines ! Le stress, mes fesses ouais !
Excusez-moi Monsieur, le cimetière va fermer ses portes.
Il se lève, dépose un baiser sur la pierre tombale de sa grand-mère et quitte le cimetière.
Anne-Claire Becque
Vous avez écrit un livre : un roman, un essai, des poèmes… Il traine dans un tiroir.
Publiez-le sans frais, partagez-le, faites le lire et profitez des avis et des commentaires de lecteurs objectifs…