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Le 24 mar 2016

Pas de parole à l’autoédition à Paris Livre. Et pourtant l’édition puise d’immenses succès dans l’autoédition, de quoi se redéployer. Alors ?

Augustin Trapenard au grand journal sur Canal + fustige l'auto édition et critique sa présence à Livre Paris. Effet de manche de journaliste qui « survole » les sujets. Il n’en fallait pas plus pour « réveiller » Amélie Antoine, Prix Amazon de l’auteur auto-édité qui prend avec élégance sa plus belle arme : la plume.
Trapenard-Amélie Antoine : débat houleux autour de l'auto-éditionTrapenard-Amélie Antoine : débat houleux autour de l'auto-édition

Augustin Trapenard (http://bit.ly/1SYZLSr) justifie les raisons pour lesquelles il n' est pas allé à Paris livre, l'autoédition est au centre du débat :

"...l’autoédition de plus en plus présente. Pour moi, c’est une trahison, c’est une catastrophe. Vous allez dire que je suis réac, mais le livre, c’est aussi plein de métiers : le métier de l’éditeur, de traducteur, de correcteur, de librairie aussi. Autant de métiers qui sont menacés par l’autoédition, et je pense que le rôle du salon, c’est de défendre les métiers du livre. "

 

Cher monsieur Trapenard,

Comme je suis déçue par vos paroles, moi qui suis régulièrement vos chroniques littéraires et qui apprécie sincèrement votre façon de parler des livres que vous avez aimés. Comme je suis déçue par vos préjugés sur l’autoédition, assénés sans la moindre argumentation auprès de vos téléspectateurs…
L’autoédition serait une « trahison », parce qu’elle menacerait les métiers du livre ?

Le métier d’éditeur, tout d’abord.

C’est très étonnant, étant donné que les maisons d’édition croulent sous les manuscrits qu’elles n’ont pas le temps (voire l’envie) de parcourir. Étant donné qu’elles viennent elles-mêmes faire leur chasse dans le Top 20 d’Amazon et sur les autres plateformes d’autoédition numérique qui existent sur internet. Elles sont des dizaines, ces maisons, à venir dénicher des textes qui leur plaisent, et qui ont pour eux l’avantage d’avoir déjà réussi à convaincre un lectorat. C’est une évidence que l’autoédition sert l’édition classique (et facilite grandement son travail, soit dit en passant), au contraire de la menacer.

Vous parlez ensuite du métier de traducteur.

J’ai du mal à saisir en quoi l’autoédition priverait de travail les traducteurs. Au contraire, si un roman autoédité est un succès, il peut être repéré par des éditeurs étrangers, qui vont alors rémunérer un traducteur pour en assurer la traduction. Il semble donc que l’autoédition puisse plutôt fournir, parfois, du travail à des traducteurs plutôt que de les en priver.

Parlons ensuite du métier de correcteur.

Non seulement un certain nombre d’auteurs indépendants embauchent un correcteur professionnel avant de publier leur manuscrit, mais en plus, si ce n’est pas le cas, ça ne retire en rien le pain de la bouche de correcteurs ayant l’habitude de travailler pour des maisons d’édition, puisque s’il n’avaient pas été autoédités, ces romans seraient simplement restés au fond d’un tiroir !


Et enfin, l’autoédition serait un danger pour les libraires.

J’ai beau chercher, je ne vois pas en quoi. À moins que l’on confonde l’autoédition avec le livre numérique et qu’en réalité, le débat dont vous parliez ne soit celui de « Le livre numérique menace le métier de libraire ». Je n’entrerai pas dans ce débat, hormis pour dire qu’il n’a absolument RIEN à voir avec l’autoédition. Vous aurez en effet remarqué que les livres numériques ne sont pas uniquement des livres autoédités, mais que tous les livres publiés à l’heure actuelle sont à la fois mis à la vente en librairie en format « papier » et en format numérique sur les plateformes d’ebooks (Kobo, Fnac, Amazon, etc). L’autoédition ne menace en rien les libraires, monsieur Trapenard.

Vous dites que le rôle du Salon, « c’est de défendre les métiers du livre ».

Je suis peut-être naïve, mais je pensais qu’il avait aussi, et surtout, pour rôle de défendre le métier de l’auteur. Celui qui écrit des bestsellers à n’en plus finir, mais aussi celui qui n’a plus envie d’envoyer en vain des manuscrits par la Poste, manuscrits qui ne seront probablement jamais lus. Celui qui a envie de trouver, de convaincre, et de séduire ses lecteurs par lui-même. Celui qui a encore le courage de rêver après avoir reçu des lettres de refus qui tiennent en deux lignes impersonnelles. Celui qui n’a peut-être pas la sacro-sainte légitimité d’un grand éditeur parisien, mais qui ne voit pas en quoi la légitimité donnée par les lecteurs serait de moins grande valeur. Celui qui va peut-être faire travailler un correcteur, puis un graphiste pour la création de sa couverture, puis un imprimeur pour son livre papier autoédité. Les auteurs indépendants ont le droit de rêver, monsieur Trapenard. Nous ne volons le travail de personne, bien au contraire. La seule entreprise qui pourrait éventuellement perdre de l’argent à cause de nous, ce serait La Poste. Parce que oui, quand on pense à tous ces manuscrits qui ne sont plus envoyés en vain aux maisons d’édition, on peut peut-être se dire que La Poste court à la faillite. Nous ne volons le travail de personne, et de la même façon, l’histoire a prouvé que la musique indépendante, le cinéma indépendant ne volaient le travail de personne, et au contraire permettaient de faire bouger les lignes au profit des artistes.
Il serait peut-être temps qu’au lieu d’accuser l’autoédition de tous les maux, on se mette à défendre l’ensemble des auteurs qui triment tous et qui permettent à des centaines de métiers de, justement, exister.

Qui des éditeurs, des correcteurs, des traducteurs, et des libraires pourrait vivre de son métier si les auteurs n’étaient plus là ?

Monsieur Trapenard, je vous estime beaucoup même si je me sens personnellement blessée par vos paroles lancées à la va-vite au Grand Journal. J’ai bon espoir que vous creusiez le sujet et que vous preniez conscience que l’autoédition, loin d’être une « trahison » ou une « catastrophe », a le pouvoir, voire le devoir, de devenir une vraie révolution pour les auteurs.

Amélie ANTOINE

Amélie Antoine est l'auteur de« Fidèle au poste » chez Michel Lafon

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14 CommentairesAjouter un commentaire

Je félicite Amélie Antoine pour cette réponse percutante renvoyée au bond.
Ce monsieur Trapenard s'est montré fort mal renseigné sur le sujet. Je lui ai fait remarquer sur Twitter, en lui proposant de lui envoyer mon livre enquête, ce à quoi, bien évidemment, il n'a rien répondu.
Je me demande si les journalistes de son genre n'ont finalement pas que le buzz pour exister et résister face à ce média beaucoup plus libre qu'est Internet.
L'autoédition est une vraie révolution pour les auteurs, pour les lecteurs, ET pour tous les professionnels du livre qui en détecteront l'opportunité de développer un nouveau business.
Entendre qu'elle est un danger pour les libraires, là, je crois qu'on touche le fond. Au contraire, si les libraires acceptaient d'entendre qu'il y a de formidables pépites dans l'autoédition, peut-être cesseraient-ils de se plaindre de la concurrence "déloyale" d'Amazon. Ne le voient-ils pas que la virtualité a ses limites et que les commerces de proximité, tenus par des gens passionnés et de bons conseils ont tout à gagner dans le monde actuel ? Aujourd'hui, 9 fois sur 10, quand on entre dans une librairie en se présentant comme auteur autoédité, on ne récolte que du mépris.
À croire qu'ils sont tous tombés dans le traquenard ;-)

Publié le 11 Avril 2016

Tiens, maintenant que j'y pense, petit retour sur les traducteurs.

Je pense que ce n'était pas la question de voir des autoédités français se faire traduire à l'étranger qui démangeait Augustin. Je crois plutôt qu'il aura estimé que si les autoédités francophones viennent nous envahir le paysage, on ne traduira pas d'étrangers puisqu'on n'en aura plus besoin (d'où horreur, stupéfaction, consternation et rage). A moins qu'il craigne que viennent pulluler les traducteurs amateurs d'autoédités étrangers ou quelque chose dans le genre (d'où effroi, épouvante, fureur). Devant le risque incommensurable de voir des amateurs de talent venir bousculer le microcosme traductorial (si), oeuvrant tels Odette Lamolle pour Conrad (mais en envisageant de publier, différence notable), je comprends qu'on puisse s'effaroucher.

Maintenant, pour le reste, bah, on va pas répéter ce qui est écrit plus haut et seulement secouer la tête avec une gravité non feinte, en murmurant qu'Augustin est bien mal renseigné...

Publié le 29 Mars 2016

Merci pour cet article, je découvre ce chroniqueur par votre lien. Il semble que le prix de 12 euro pour l'entrée l'ait aussi freiné, il aura sans doute été vexé de ne pas être invité en tant que professionnel. Il est lecteur avisé et défenseur de la cause littéraire. Il dégage pourtant une sensation de manque, comme s'il ne trouvait pas sa voie en tant que créateur. Je n'ai d'ailleurs pas trouvé d'ouvrage à son nom en tant qu'auteur. En existe-il ?

Publié le 25 Mars 2016

La vraie menace est pour la littérature dévalorisée par tant de livres médiocres qui remplissent les librairies… la vraie menace est pour l’esprit appauvri de tant de lecteurs qui se contentent de livres misérables quand bien même publiés par la voie classique, parce que la facilité c’est de s’entendre dire quel livre il faut lire. J’ai lu dernièrement le livre d’un de ceux qui vendent le plus parce que je me disais qu’il fallait bien que j’en lise au moins un pour me faire une idée du phénomène et là encore quelle déception ! Pas plus de style que de chute… Alors s’il y a une vraie menace c’est qu’un jour les cerveaux endoctrinés par la médiatisation qui leur fait lire ce qu’elle veut sortent de leur léthargie et s’ouvrent à d’autres lectures. Ce Mr Trapenard peut être rassuré ça risque de ne pas arriver de si tôt…

Publié le 24 Mars 2016

Trapenard est juste fidèle à lui-même et à ce qu'il représente: la critique littéraire qui s'auto-proclame de qualité; celle-ci ne peut s'abaisser à lire des e-books et à reconnaître qu'il peut y avoir de la créativité littéraire hors du sacro-saint livre papier. Le coup de la défense des métiers du livre, il me l'a déjà servi dans un échange de mails dans lequel je lui proposais de lire mon livre numérique, Le Cap, et essayais de lui montrer que le livre numérique n'était pas l'antithèse de la littérature. C'était peine perdue et tant pis. Le livre évoluera malgré lui, je crois. Ne soyez pas déçue Amélie, les mentalités changent lentement!

Publié le 24 Mars 2016

Pourquoi lisons-nous? Pour que l'on nous impose nos envies, nos idées ou au contraire pour que l'on soit libre de lire selon nos envies et libre d'apprécier ou pas un auteur ; la liberté d'expression passe par la liberté d'écrire, c'est évident. Je n'ai jamais autant lu, depuis que j'ai acquis la certitude de pouvoir écrire et publier un jour un livre ; je n'ai jamais autant lu de grands auteurs, mais aussi d'immenses inconnus ; grâce à MBS, des nouvelles qui m'apprennent et ouvre mon esprit dans bon nombres d'idées et de directions, dont je ne soupçonnai même pas l'existence. Alors Monsieur Trapenard survolez nos derniers Pièges et peut être même que vous serez surpris de tomber dans quelques-uns... en tout cas moi j'ai changé d'avis.

Publié le 24 Mars 2016

@Robert Dorazi
J'espère que vous avez raison ... mais j'ai un doute, les grosses bêtes mangent les petites c'est le cycle de la nature, elles vont se servir dans le vivier de l'auto-édition de temps à autre pour masquer le reste

Publié le 24 Mars 2016

En fait si l'objectif des journalistes-ecrivains est de tuer dans l'oeuf l'auto-edition on peut d'ores et deja leur dire qu'ils/elles livrent un combat perdu d'avance (et meme deja perdu). :)

Publié le 24 Mars 2016

D'accord avec Amélie, en particulier le petit passage sur la Poste qui prend entre sept et dix euros pour chaque manuscrit envoyé. Un point n'est pas soulevé cependant par Amélie : les gros éditeurs et leurs journalistes affiliés ( combien de journalistes-écrivains aujourd'hui ?) défendent leur pré carré et ont peur des nouveaux talents, c'est facile de tuer ce talent dans l'œuf en tapant sur l'auto-édition. Personnellement je suis auto-édité chez Amazon et je suis donc un paria pour ces gens-là alors que leurs propres livres sont aussi vendus sur Amazon.

Publié le 24 Mars 2016

Bravo!

Publié le 24 Mars 2016

L'intervention de ce journaliste etait en effet tres decousue et tres mal pensee. Rien ne tenait debout dans ce qu'il disait (j'ai souri en l'entendant predire la disparition du metier de traducteur... :) ) Ca rejoint un peu l'affirmation d'un autre "journaliste" (je crois que c'etait Moix) qui ne concevait pas de litterature sans editeur (je me suis demande qui etait l'editeur d'Homere ou d'autres comme lui...) car l'auto-edition etait un nid de fautes, de mauvais gout etc... et dans l'emission suivante Lea Salame faisait remarquer a une invitee que dans son roman (publiee par une grande maison d'edition classique) un paragraphe complet avait carrement ete imprime deux fois a la suite... :D
Ils ne savent de toute evidence pas faire la part des choses. Il y a du bon et du mauvais partout.

Publié le 24 Mars 2016

Pfff ! Journaliste… Oui, eh bien si le Salon du Livre n’est plus ce qu’il était, il en va de même pour les "journalistes". Aujourd’hui, plus que jamais, Albert Londres doit se retourner dans sa tombe.

En tout cas, bien envoyé, Amélie A. !

Publié le 24 Mars 2016

Merci Amélie Antoine d'avoir pris la parole, et exprimé Ma pensée !

Publié le 24 Mars 2016

Je voudrais moi aussi alerter Monsieur Trapenard.
Il y a péril en la demeure !
J’ai été au salon de l’hôtellerie-restauration et, croyez-le ou non, j’y ai rencontré des gens qui font eux-mêmes leur cuisine chez eux…
Pas croyable !!!
Ils vont tuer tous les métiers de la restauration. Que vont devenir les serveurs, barmen, cuisiniers et autres plongeurs ?

Publié le 24 Mars 2016