Alors adieu au livre papier ? Pas vraiment
Bien sûr, avec des moyens et beaucoup d’acharnement tout est possible, mais une démarche aussi improbable a de quoi rendre perplexe les plus optimistes.
On comprend pourquoi l’autoédition est synonyme de livre numérique dans l’esprit de beaucoup.
Pourtant, c’est une erreur.
Ne pas pouvoir faire un lancement à grande échelle, c’est une chose. En conclure que le papier ne présente pas d’intérêt en est une autre.
Le papier représente 93,6 % du marché du livre francophone en 2015. Chaque lecteur a ses goûts et ses habitudes, certains préfèrent l’ebook, de nombreux autres, la majorité, préfèrent le papier. Pour ne pas perdre une vente, il faut que votre livre soit aussi disponible au format papier.
Si vous vendez 10 000 exemplaires numériques par an, il est certain que vous pouvez vendre des centaines de livres papier en plus, et il serait dommage de vous en priver.
Si vous vendez 100 exemplaires numériques par an, le papier peut vous apporter des ventes supplémentaires grâce aux possibilités spécifiques de promotion qui l’accompagnent.
Il y a beaucoup de choses à faire avec le papier, pour un auteur indépendant. Voici deux exemples : les salons du livre et les dédicaces en librairies.
Les salons du livre : un accélérateur de vente…
Lorsque j’ai débuté dans l’édition, chez un petit éditeur de province, j’écumais les salons le week-end. Je tenais le stand, trimballais les stocks, m’occupais des auteurs, rendais la monnaie. J’ai assisté à des dizaines de foires, journées, fêtes du livre, salons en tout genre. J’aimais ça, l’ambiance, les discussions passionnées, les livres partout, les déjeuners sur un coin de table avec des auteurs de tous horizons, des libraires, des éditeurs… J’ai beaucoup appris, surtout au contact de ces auteurs (dont certains étaient autoédités) que j’appelais « les vieux routards des salons ».
Il n’y a pas que Paris, Bruxelles, Genève ou Montréal. Des centaines de salons régionaux peuvent vous recevoir. Parmi eux, il en est de très importants qui accueillent des dizaines de milliers de visiteurs. En France on vend plus de livres sur des salons régionaux qu’à Paris, car le public est plus « acheteur » et aussi parce qu’il y a beaucoup moins d’auteurs présents. Au festival de Mouans-Sartoux, dans le sud de la France (qui accueille 60 000 visiteurs), j’ai vu des auteurs inconnus vendre jusqu’à 80 exemplaires dans la journée. Pour certains d’entre eux c’est un hobby, ils s’inscrivent à toutes les manifestations dans un rayon de 300 km autour de chez eux. Avec l’expérience et la fibre un peu commerciale, ils parviennent à vendre quantités de livres. Les plus expérimentés oscillent entre 1400 et 1600 exemplaires par an, uniquement lors de salons et dédicaces en librairies. Pas si mal pour partager ses livres tout en passant des moments agréables !
Certes, tout le monde ne peut pas en faire autant, il faut avoir du temps, la possibilité de se déplacer facilement, être à l’aise pour discuter avec les visiteurs toute la journée… Mais n’importe qui, avec un minimum d’organisation et un budget réduit (de nombreux festivals sont d’accès gratuit pour les auteurs), peut en faire autant.
À chacun de fixer le curseur en fonction de son temps disponible : 1 à 3 salons/dédicaces dans l’année si vous avez peu de temps, 7 à 10 si vous en avez plus, etc.
Les salons, c’est aussi l’opportunité de rencontrer de multiples acteurs du monde du livre : libraires, éditeurs, diffuseurs, blogueurs… mais aussi des journalistes de la presse régionale en quête d’informations et d’interviews d’auteurs.
Certains festivals organisent des conférences, des ateliers de discussions, des lectures publiques, autant d’occasions de vous faire connaître.
Dédicaces en librairie, une initiative délicate mais porteuse
Pour les dédicaces en librairie, le principe est le même, il s’agit d’aller rendre visite aux libraires dans un rayon de quelques kilomètres autour de chez vous et de leur proposer de dédicacer votre livre. Il y a beaucoup plus de libraires que de salons, il sera donc potentiellement plus facile de multiplier les dédicaces. Autant les libraires sont réticents à commander le livre d’un inconnu sur un simple catalogue, autant ils sont plutôt accueillants avec les auteurs qui leur rendent visite et leur proposent une dédicace (pour peu que cela soit fait habilement).
Est-il plus compliqué pour un auteur indépendant que pour un auteur édité par une maison d’accéder aux salons et aux librairies ? Oui.
Est-ce impossible ? Non. Un texte de qualité avec une couverture et une présentation à la hauteur peut parfaitement se frayer un chemin.
Parmi les auteurs qui commercialisent les deux formats, il n’est pas rare de vendre plus de livres papier que numériques, nous le constatons chez Bookelis.
Si votre livre n’existe pas au format papier, vous devriez y remédier. Cela ne vous coûtera pas grand-chose, et vous pouvez en tirer beaucoup de satisfaction.
Si le papier ne représente que 1 % de vos ventes, il est probable que vous pouvez faire mieux et que vous n’exploitez pas suffisamment ses possibilités.
Professionnaliser sa démarche d’autoédition, c’est avoir l’obsession de la qualité. C’est aussi offrir à tous les lecteurs le format de leur choix.
Jean-Yves Normant
Fondateur de Bookelis
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Les libraires retiennent effectivement la plus grande part du prix de vente, la moyenne en France est de l'ordre de 35%. Malgré cela leur rentabilité est globalement très faible. S'ils ne bénéficiaient pas de telles remises, nombre d'entre eux ne pourraient pas tenir financièrement. En réalité ces remises élevées sont une condition indispensable pour qu'un réseau dense de librairies se développe, dans l'intérêt de tous.
L'idée est aussi qu'en échange d'une remise élevée, le libraire s'engage à mettre le livre en avant sur ses rayons.
En matière de livre numérique, l'usage s'est fixé sur 30%, donc moins élevé que pour le papier.
L'autoédition permet à l'auteur de conserver une part beaucoup plus importante du prix, c'est l'une des raisons de son succès.
J'ai en effet été vraiment étonné le jour où j'ai appris qu'une librairie prenait au moins 30% du prix d'un livre (j'ai cru à une erreur de frappe!). C'est la plus grosse part du prix sans que je comprenne vraiment pourquoi le travail d'un libraire serait trois fois plus important que celui de l'auteur... :)
Bonjour, merci à tous pour vos commentaires.
Mon intervention s'adresse avant tout aux auteurs indés, qui ont en charge la promotion, toutefois le principe est aussi valable pour les auteurs édités traditionnellement. Les éditeurs ne font pas autant de promotion qu’on le fantasme parfois et apprécient toujours qu'un auteur prenne des initiatives. Un auteur impliqué constitue aussi pour eux un gage de professionnalisme. L'édition traditionnelle, ce n'est pas du tout ou rien, le best-seller ou le flop complet, il ne faut pas oublier toute la frange des ventes moyennes (mid-list) qui concerne la majorité des auteurs.
Le livre papier permet de toucher davantage de lecteurs. Au-delà des ventes, les salons et dédicaces en librairies permettent de nouer des contacts, c'est un point très souvent occulté sur lequel j'ai voulu appuyer. En participant régulièrement à des manifestations, vous gagnez en aisance, vous vous habituez à parler de vos écrits ; mais aussi vous pouvez entrer en contact avec des libraires, des journalistes, des éditeurs et bien sûr d'autres auteurs. Si le stand voisin du vôtre est tenu par un librairie, c'est l'occasion de discuter et cela peut aboutir à une dédicace chez lui, etc. C'est un moyen d'élargir son horizon.
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@Robert Dorazi : Les libraires prennent effectivement entre 30 et 35% (jusqu'à 40% pour les plus importants)
@Colette Bacro : Tout à fait d’accord sur l’importance de parler avec fierté de ses livres, ce qui nécessite un peu de pratique !
@Ivan Zimmermann : Je m'adresse avant tout aux auteurs autoédités. Votre point de vue est parfaitement légitime mais me semble un peu tranché. La réalité que j’ai découverte au fil des années est plus nuancée. Mais il est vrai que les dédicaces ne conviennent pas à tous les auteurs.
@Mickaël Paitel : Tous les salons ne sont pas ouverts aux indés, c'est vrai, et les éditeurs aussi ont du mal à obtenir des places sur les salons les plus demandés. Cela dit, il existe nombre de manifestations où des places sont disponibles et qui accueillent les indés.
Exception faite pour le salon du livre de Paris où Monbestseller, Amazon, Kobo font la part belle aux indés, essayez donc de vous inscrire, par exemple, au salon étonnants voyageurs à Saint-Malo en auto-édité et vous constaterez que cela est tout simplement impossible ! Il faut faire parti d'un stand d'une maison d'édition. Dans une librairie ou en grande surface, faire des dédicaces reste sans doute un bon moyen. Il suffit de ne pas brusquer votre libraire, en lui offrant un livre préalablement soumit à son jugement et de le relancer sans le harceler. Personnellement, je serais mal à l'aise dans cette démarche, mais mon traitement contre la timidité commence à être efficace. J'attends le sevrage.
Oui, voilà un rappel très utile ! Rappel du fait que l'immense majorité des lecteurs s'en tiennent au format imprimé, pour commencer. Et aussi du fait que les salons et les libraires font parfois (pas toujours, loin de là) bon accueil aux indés. Les centres culturels Leclerc aussi, et d'autres lieux comme les médiathèques, les associations en rapport avec le thème du livre, les foyers...
Dernière précision : faire imprimer son livre peut coûter assez cher selon les solutions choisies, mais il reste Create Space (associé à Amazon) et depuis peu, KDP (Amazon). Pour ce dernier, je recommande cependant d'attendre un peu, car CS offre plus d'avantages à l'heure actuelle. Les deux sont gratuits et relativement simples à utiliser dès lors que le fichier du livre est correctement formaté. De nombreux conseils et didacticiels à ce sujet sont proposés aux auteurs dans les groupes d'entraide sur facebook. Pour ceux qui n'osent pas se lancer malgré tout, il reste bien sûr les services offerts par les entreprises comme Bookelis...
Bonnes impressions et bonnes promotions à toutes et à tous ! :-)
Elen
Merci @Jean-Yves Normant pour cet article très intéressant.
En effet, le livre format papier ne doit pas être négligé par les auteurs indépendants que nous sommes (majoritairement je pense sur mBS). Il n'est pas appelé à céder la place au tout numérique dans notre pays. Je constate qu'autour de moi, nombreux sont ceux qui me sollicitent pour le format papier, leur support habituel et préféré, que je leur dédicace. Ma démarche leur évite en plus de le commander par eux-mêmes sur Amazon.
Oui, les salons du livre régionaux (ou locaux) sont probablement des accélérateurs de ventes. Je sui allé en observateur à celui de ma ville de résidence (ville dynamique sur le plan culturel), l'engouement y est encourageant. Peut-être oserai-je me lancer pour le suivant. Peut-être aussi le fait de me lancer me permettrait-il de faire "d'une pierre deux coups" selon l'expression consacrée, car il pourrait m'ouvrir l'accès au "gros libraire" local avec en prime une séance de dédicaces assortie d'un entretien du public avec l'auteur.
Tout cela au conditionnel, car je mesure qu'il faudra (faudrait) retrousser ses manches et franchir un cap, celui d'entreprendre la démarche.
Votre article est très utile. Chaque auteur savait plus ou moins cela, mais se le voir rappelé est sans doute incitatif.
Merci encore Jean-Yves Normant, et merci à monBestSeller d'ouvrir des horizons par cette rubrique, pépinière d'idées, de conseils et d'échanges enrichissants.
Cela dit, sans avoir jamais participé à des "salons" en qualité d'auteur j'ai pu visiter 1 ou 2 d'entre eux comme simple observateur, et j'étais assez triste pour ces auteurs qui de toute évidence ne vendaient pas leur livre et voyaient les personnes passer devant eux sans s'arrêter. C'était assez décourageant. Je ne me vois vraiment pas dans cette situation.
En ce qui concerne la vente de livres papiers, outre le fait que les librairies prennent environs 30% du prix du livre, j'ai lu, par exemple, que le jeune auteur de Eragon avait débuté en vendant ses livres avec son père sur les routes, dans leur camionnette. Avant finalement d'être repéré par leur maison d'édition et d'en faire un best seller pour la jeunesse :)
Bonjour Jean-Yves Normant et merci pour cette intervention. Les salons (ainsi que les manifestations connexes comme les fêtes du livre, etc.) et les librairies sont des passages obligés pour tout auteur qui souhaite échanger avec son public et gagner un peu de visibilité. Au-delà du simple fait de faire quelques ventes supplémentaires, il y a tout simplement la rencontre avec des acteurs du livre et des lecteurs, et même si l'on ne vend pas ou très peu, ça reste un moment riche et intéressant. Je suis tout à fait d'accord avec votre conclusion : professionnaliser sa démarche, avoir l'obsession de la qualité et offrir un choix de formats. Tout cela fonctionne de concert et ne peut que contribuer à "s'installer" progressivement comme auteur, qu'on soit édité, auto-édité, ou hybride. C'est un travail de longue haleine qui ne portera probablement pas de fruits (ou peu) au début, mais comme c'est en forgeant qu'on devient forgeron, à force de sueur et de travail, de constance et de recherche de la qualité, tout devrait se mettre en place progressivement, chacun à son rythme. Bien cordialement.