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Du 19 jui 2017
au 12 mai 2017

POUR NE PAS SE TROMPER 5 : l'expression "et/ou autres"

Comment énumérer une suite de choses ou de gens de même nature ou de nature différente. Pour donner l'idée de surabondance, d'infini et ne pas remplir trois pages inutiles, Elen Brig Koridwen, notre limier du vocabulaire et de la grammaire déjoue cette semaine un nouveau piège. En écartant bien sûr les affreuses expressions familières qui relèvent de la paresse du langage: "et tout ce qui s'en suit", "et tout et tout"
Littérature : comment donner richesse et perspective à un effet d'énumérationLittérature : comment donner richesse et perspective à un effet d'énumération

Réjouissez-vous, ami(e)s auteurs, pour une fois le billet de ce jour va être très simple et très court. :-)

En littérature comme en journalisme et autres arts de la communication, l'expression et autres/ou autres, justement, se rencontre assez souvent.
Cette petite formule passe-partout évite une énumération fastidieuse – laquelle, de surcroît, obligerait l'auteur à ne rien oublier.
En effet, imaginez un peu :
À cette cérémonie étaient présents le maire, le député Trucmuche, le président du conseil général, le chef de la police, le directeur du lycée Machin, le capitaine des pompiers, la bibliothécaire (etc, etc, on pourrait continuer longtemps. Et gare à vous si vous oubliez l'un de ces honorables participants).
Il est plus simple et plus prudent d'écrire :
À cette cérémonie étaient présents le maire, le député Trucmuche, le président du conseil général et autres personnalités de Charbonneaux-les-Mines.

Et/ou autres est donc une expression "ouverte" qui permet d'entamer une énumération pour faire plus vivant,

et de la clore par une généralité pour ne pas s'emm… avec davantage de détails. Autrement dit, c'est un raccourci bien pratique pour un auteur.
Exemple : Une soupe à base de carottes, poireaux et autres.

Si cette expression banale mérite un billet rien que pour elle, c'est parce qu'on lit ou entend très souvent la formulation fautive :
Une soupe à base de carottes, poireaux et autres patates.
Non et non ! Les patates sont priées de retourner s'enterrer dans le potager, d'où elles n'auraient jamais dû sortir. Enfin, pas nommément. Elles auraient dû rester sous-entendues dans "et autres", en compagnie du reste des ingrédients.

Quand on y réfléchit, la faute tombe sous le sens : "et autres patates" impliquerait que les carottes et poireaux précités sont des patates. Même dans la fiction la plus échevelée, rien à faire, ça ne passera pas. :-)

Il n'y a donc que deux formulations correctes.
La formule lapidaire (nous dirons "évasive" parce que ça fait plus élégant, mais dans un ouvrage littéraire elle peut être considérée comme un peu cavalière) :
Une soupe à base de carottes, poireaux et autres.
et celle, plus académique, où "et autres" est suivi d'un nom générique :
Une soupe à base de carottes, poireaux et autres légumes.

Dernier point, et après je vous laisse préparer votre weekend :

"Et/ou autres" peut facultativement s'employer au singulier quand il est suivi d'un terme générique lui-même au singulier (genre, espèce, forme… mais aussi animal, individu, représentant…).

En règle générale, les termes précédents sont aussi au singulier. "Tout(e)" est souvent sous-entendu.
La lutte contre la peste, le choléra ou autre espèce de maladie.
L'entêtement, le déni et autre forme de mauvaise foi.
Une société répressive fustige le poète, le vagabond et (tout) autre individu considéré comme louche.
On craint les frelons, moustiques-tigres ou (tout) autre insecte dangereux.

(Tiens, voilà l'un des nombreux domaines où la réforme de l'orthographe a fait prévaloir la simplicité sur la logique. On écrivait des moustiques tigre (qui ressemblent au tigre – allusion à leurs rayures), de même que "des sans-abri" (qui n'ont pas d'abri). L'application uniforme du pluriel donne à entendre que ces moustiques sont aussi des tigres, et que seules peuvent êtres considérés comme "des sans-abris" les SDF qui ne possèdent pas plusieurs abris... J'en passe et des meilleures. Enfin, j'arrête de râler ; je fais de la résistance en tant qu'auteur, je ne vais pas vous prendre la tête en prime.)

Finalement je me suis laissée aller à bavarder, comme d'habitude (encore un accord qu'il faudra que j'aborde dans un prochain billet : laissé aller ou laissée aller ? Là encore la réforme a tranché, mais je reste fidèle à la graphie classique, qui a un sens).
Bon, ça suffira pour aujourd'hui !

Excellent travail d'écriture à toutes et à tous… 

Elen Brig Koridwen

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@Lisa DJ
Je vous en prie. :-) Je dirais que les fautes les plus graves sont celles qui en plus de violer les règles, distordent le sens. C'est le cas de celle-ci, mais elle est si courante qu'en effet, on y fait rarement attention.
Bien amicalement,
Elen

Publié le 20 Juillet 2017

Ce sont des fautes qui à la fois ne sont pas si graves mais qui écorchent l'oeil. Quand on les connait, on les guette, et on ne voit plus que ça. Bon conseil. Merci.

Publié le 20 Juillet 2017

@Michel CANAL
Cher Michel, merci de votre fidélité. :-)
Il n'y a pas d'écrivaillons, seulement des personnes préoccupées d'écrire de leur mieux, avec plus ou moins d'expérience en ce domaine.
Amitiés,
Elen

Publié le 20 Juillet 2017

Ah @Elen Brig Koridwen, vous m'épaterez toujours par la profusion de billets et autres conseils pour nous rappeler ce qu'il convient de ne pas commettre comme erreurs d'écriture.
En plus, cela me donne l'occasion de constater que mon ami @Ivan Zimmermann partage ce plaisir et de le saluer au passage.
Avez-vous remarqué, chère Elen, que vous avez de fidèles supporters ?
Merci pour ce nouveau billet et pour votre générosité envers les écrivaillons que nous sommes.
Amitiés,
Michel

Publié le 20 Juillet 2017

Merci pour votre commentaire, mon cher @Ivan Zimmermann ! :-D
Amitiés,
Elen

Publié le 20 Juillet 2017