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Du 28 mai 2021
au 28 mai 2021

Monsieur Maumo

Etre là quand il ne faut pas l'être, par accident, par coïncidence, devoir rendre des comptes, se justifier...C'est la destinée de nombreux Faux coupable. La nouvelle de Francis Bigourd pour l'appel à l'écriture monBestSeller du même nom
 une grosse américaine stationnait en double file, une grosse américaine stationnait en double file,

« Ah ! Quelle aventure… »

Il pleut depuis une semaine.

Je suis triste, de mauvaise humeur je maugrée devant ma tasse de café qui est trop chaude. Je souffle, je m’essouffle. Il va falloir que je me ressaisisse sinon je vais faire passer une très mauvaise journée à mon entourage.

J’ai ouvert le transistor et comme d’habitude on nous parle de politique, de chômage, de santé, de faits divers. Les journalistes font de leur mieux pour nous informer. Faire le buzz, c’est leur rêve. Ils nous annoncent pour la 10ème fois les mêmes informations.

Toutefois mon attention est attirée par la nouvelle suivante : 

« un individu a été retrouvé égorgé dans une mansarde, sous les toits, un téléphone a été retrouvé, posé sur le sol . Il a été découvert par son voisin de palier qui avait remarqué que la porte de la chambre était entr’ouverte. La police a ouvert une enquête. D’après les premiers éléments, il s’agirait d’un règlement de compte entre caïds ».

Après avoir entendu cette information, je pense avec ironie, qu’il s’agit d’une information capitale pour les auditeurs qui auront, ce matin, un sujet de discussion devant la machine à café.

Il aura fallu 48 heures pour que la police découvre que la victime est un certain Maurice BLANCHE alias Maumo le sourire. Les commentaires qui ont suivis sa découverte ne le présentent pas comme un homme souriant, il a une gueule de gangster, il est surnommé « Maumo sourire » en référence à sa signature de caïd, le sourire kabyle. Il est connu pour faire partie de l’intelligentsia de la place Clichy où Il possède un bar. Il est fiché par les services pour braquages et mœurs. Récemment il a été inquiété pour coups et blessures. Il arrive toujours à se sortir des mauvais pas. Sa réputation n’est plus à faire, il est très convaincant dans ses rapports sociaux, c’est un expert du rasoir.

L’affaire a été prise au sérieux. La chambre sous les toits a été minutieusement inspectée. Elle est luxueusement décorée. Bizarrement elle ne correspond pas à l’idée que l’on peut se faire d’une chambre mansardée, ce serait plutôt un petit nid douillet, une discrète garçonnière.

D’après les journaux, son voisin apercevant la porte entrebâillée durant quelques jours, l’a ouverte et constaté qu’un homme gisait dans une mare de sang. Il a téléphoné immédiatement à la police. Il a déclaré ne pas avoir de rapport de voisinage avec la victime. L’immeuble est calme, quelques allers et venues mais sans plus. La dernière fois qu’il l’a vu son voisin dans l’escalier, il était accompagné d’une jeune femme outrageusement maquillée et vêtue élégamment. Il avait été surpris d’entrevoir un holster sous la veste déboutonnée.

Deux semaines passent. Je reçois une convocation du commissariat de mon quartier. Surprise totale, que me veulent ces braves gens. C’est avec l’inquiétude d’un honnête homme que je m’y rends.

On me conduit auprès d’un officier de police judiciaire qui me demande de décliner mon identité, ma profession, mon adresse. Il me donnera le motif de ma convocation après.

Je m’exécute, j’attends avec impatience le moment où il va parler.

Il prend son temps, classe quelques papiers, avance son clavier d’ordinateur et commence l’interrogatoire.
- Connaissez-vous monsieur Maurice Blanche ?

- Je fouille ma mémoire. Ce nom m’est inconnu. Pourquoi cette question ?

Il reprend la parole et me déclare : cette personne a été assassinée dans une mansarde sous les toits, et nous avons trouvé votre nom et votre numéro de téléphone dans son répertoire téléphonique. Vous l’avez appelé le 29 février dernier.

- Êtes-vous certain de ne pas connaître cette personne ?

Je me concentre, je fouille et refouille ma mémoire. Je ne connais pas monsieur Maurice Blanche.

- Quelle est sa profession ?

- Pas de réponse

- Nous avons communiqué le 29 février dites-vous ?

- Oui, le 29 février.
A la réflexion, cette date m’évoque effectivement  quelque chose.

- Le 29 février, mais c’est bien sûr !  Maintenant je me souviens très bien.

La veille, soit le 28 février, je roulais sur les grands boulevards, un cabriolet rouge, une grosse américaine, stationnait en double file, un danger public, un bouchon monstre. Lorsque je suis arrivé à sa hauteur, j’ai été déporté sur la droite et j’ai rayé l’aile.

Alerté, le conducteur est sorti furieux d’un immeuble. Il était bizarrement vêtu, on aurait dit un dandy, avec un air de gangster américain. Sur le moment j’ai eu peur car il avait une main cachée sous sa veste. Heureusement il s’est très vite apaisé.

Je me rendais à un rendez-vous, j’étais très très en retard.

Ça se présentait mal. Je disposais de peu de temps. Aussi, après une courte explication, nous avons convenu de nous rencontrer un peu plus tard pour établir le constat et pour cela nous avons échangé nos numéros de téléphone.

Le lendemain, 29 février, j’ai pris contact pour fixer un rendez-vous. Après avoir raccroché, bizarrement, j’ai eu le sentiment d’avoir affaire à quelqu’un de louche avec lequel il ne ferait pas bon avoir un différent.

Je me suis rendu dans un bar place Clichy. J’étais sur mes gardes.

Le constat rempli nous l’avons envoyé à nos assurances respectives, depuis je n’ai plus jamais entendu parler de cette personne. Elle était sortie de ma mémoire.

Elle ne figure d’ailleurs plus dans mon répertoire téléphonique, vous pouvez vérifier, je lui tends mon téléphone.

Mon interlocuteur reste sceptique, il a un regard inquisiteur. Il reste silencieux et pourtant, je n’ai pas envie de lui en dire plus.

- Vous pouvez me confirmer qu’il n’y a eu aucun contentieux entre vous ?

- Je vous confirme.

-  Pas d’accrochage à part celui de la voiture bien sûr ?

- je n’avais pas envie de provoquer ce monsieur. Il m’intimidait.

-  Possédez-vous une arme blanche ?

- un couteau ?

- Non un rasoir. Ça vous dit quelque chose ? Vous vous rasez avec quoi ?

- Rasoir électrique

- Vous n’avez rien à me dire ?

 - Non

- Vous êtes sûr ?

- Ben………oui

- Vous n’avez jamais revu monsieur Blanche ? vous mentez !

- Jamais ! Je l’affirme.

Il me scrute, il réfléchit. Il reste silencieux. Il n’a pas l’air convaincu et déclare qu’il va continuer à investiguer.

Je suis libre, en attendant je dois rester à sa disposition.

Je ressors du commissariat ébranlé mais l’esprit plus léger que quand j’y suis entré.

Sur l’instant, j’ai une vision, monsieur Maurice m’interpelle. Nous ne sommes pas d’accord. Il sort son rasoir, lève le bras, je pare le coup et retourne le rasoir vers mon agresseur. Du sang, du sang partout, au fond de moi, je jubile à l’idée de voir le sang qui gicle, les instincts primaires reviennent. Je ne suis pas un saint. Je suis un monstre !

Quelques temps plus tard, j’ai appris que l’enquête a démontré que la victime avait été surprise en galante compagnie par un mari jaloux  avec qui il avait déjà un contentieux. Il était entré par surprise dans la chambre. Apercevant le téléphone et le rasoir, connaissant la réputation de Maurice, il s’en était emparé immédiatement. Puis il l’a menacé en faisant des arabesques avec le rasoir. On connaît la suite mais il prétend que c’était un accident. Le téléphone avait été perdu pendant la rixe. Dans sa fuite il a oublié de fermer la porte, sa femme s’étant évanouie, il avait du descendre les six étages en la portant sur son dos.

Quelle histoire !  Je l’ai échappé belle. L’erreur judiciaire ça existe.

Je vais essayer d’effacer cette aventure de ma mémoire avec quelques exercices prévus pour cela.

 

Est-ce que vous y avez cru ?

Sachez que je suis un peu mythomane, c’est agréable de pouvoir de temps en temps s’inventer de petites aventures pour sortir de ce monde morose.

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