Comme je vous comprends, cher Gaspard. Permettez qu’en quelques mots j’évoque ici mon propre (et pauvre destin). Je m'appelle Laurent. Juste Laurent. Pas Laurent Ier, pas Laurent le Magnifique, pas même Laurent de la compta — non, l'autre.
Dans ma famille, personne n’a jamais découvert l’Amérique, inventé la pénicilline ou même réussi à passer à Questions pour un champion. Personne n’a à vrai dire jamais rien découvert (si des couverts en inox, mais ça, c’est une autre histoire...) Le seul héritage qu'on m’a laissé, c’est un service à raclette et un certain talent pour trouver les places de parking libres.
Pendant que d’autres portent des noms qui claquent — genre Einstein, De Vinci, Napoléon — moi, j’avance peinard avec mon badge "Laurent", comme si c’était un ticket de vestiaire.
Mais vous savez quoi ? C’est reposant. Personne n’attend rien de moi. Pas de légende familiale à honorer. Je suis l’homme qui ne déçoit jamais, parce qu’on n’espère pas grand-chose.
On sous-estime les Laurent de ce monde : sans nous, il n’y aurait personne pour applaudir les génies, remplir les salles d’attente ou expliquer à leurs enfants comment fonctionne une imprimante.
Bref, je le dis à tous mes homonymes : soyez fiers d’être des Laurent. On est les roulements à billes de l’humanité : personne ne nous voit, mais sans nous, tout grince.
Publié le 12 Juin 2025