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Le 13 juin 2024

Snobisme et littérature : le snobisme est-il un terreau pour une bonne littérature ?

Si l’on sourit ironiquement en prononçant le mot « snobisme », quel est son sens en littérature ? ou plutôt quelles sont ses multiples significations ?
Sacha Guitry, snob, cynique et farceur. Prêt à tout pour un bon motSacha Guitry, snob, cynique et farceur. Prêt à tout pour un bon mot

 Beaucoup sourient des snobs, ils appartiennent au domaine de l’artifice, du superflu. Et pourtant, ils font parfois de grands romanciers, et de bons sujets de romans. Le snobisme en littérature est avant tout une source d' inspiration, une inspiration des autres, de ceux peut-être qui n'appartiennent pas à une classe à laquelle ils voudraient appartenir, mais aussi du regard distancié pour d’autres classes. Le snobisme nait de l’envie mais aussi de l’observation. Un terreau riche pour écrire et décrire la comédie sociale

L’observation, un terreau de rêve pour un romancier

Snob, on pense en remontant dans le temps aux dandys. Oscar Wilde vient à l’esprit, ce noble esthète dont les comédies sociales avec leurs jeux de mots atteignent les pics de l’élitisme culturel. En contrepoint, ce voltigeur des hautes sphères a su écrire des hymnes angoissés à la souffrance sous forme par exemple d’un grand poème, à son retour d’exil : La Ballade de la geôle de Reading

Le snobisme de Wilde est toujours intact, mais à travers le prisme de ses propres expériences dramatiques, il a acquis une sorte de profondeur, de gravité. En fin de compte, c'est un grand homme de lettres qui a franchi les barricades de classes et a reconnu à travers ses épreuves une humanité partagée. Une universalité en quelque sorte.

Littérature : la finesse et l’humour d’une littérature d’élite, de l’"entre soi"

"Ma femme est normale, je suis normal et nos filles sont toutes plus folles les unes que les autres !" déclarait  David Mitford, leur père. 
Nancy Mitford romancière, scénariste, aime la France où elle a vécu une grande partie de sa vie. Puisant dans les frasques familiales l’essence de ses romans à succès, elle vient de la haute aristocratie anglaise et son destin ainsi que celui de ses sœurs touchent paradoxalement à la grande Histoire.

Des dizaines d’anecdotes, de bons mots, des situations baroques et de personnages fantasques, ont construit au delà d’une littérature réfèrente « l’esprit Mitford ». Mitford est une écrivaine de son temps, d’une Société, d’une forme d’humour à la fois décapant et mondain. C’est en cela qu’elle est précieuse. Elle n’est pas snob parce qu' elle envie les autres, mais plutôt parce qu'elle force ses lecteurs à entrer dans une sphère de mondanités, de bals, de situations drolatiques de l’aristocratie pour nous élever, nous faire rire mais aussi pour nous faire mieux comprendre le genre humain.

Littérature : les personnages snobs des romans feignent de connaître l’élite 

On ne peut parler de snobisme littéraire sans citer Proust et les personnages de La Recherche. Au delà de toute la délicatesse, l’ambiguïté et la richesse des personnages et des sentiments, le snobisme est aussi au centre de l’œuvre. Il se plait à mettre en avant des personnages ambitieux qui n’ont parfois que peu d’étoffe, qui connaissent tout le gratin mais qui ne sont pas connus de lui. Ceux-ci éludent habilement les degrés d’intimité avec les personnages célèbres, feignant d’en être proches pour se mettre en avant.

Le snobisme que l’on décrit  en tant qu’écrivain ou que l’on porte en soi est une quête d’assimilation aux gens d'une autre classe à laquelle on souhaiterait appartenir, par la façon d’être, les goûts, et les relations. C’est aussi un jeu de Société, d’habileté, ou l’on est guetté, traqué, jugé : une gymnastique sociale pour les champions des artifices de la vie. Donc une matière littéraire infinie sur le genre humain..
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Snobisme, culture et littérature : un art d'écrire, un art de vivre.

Concluons par un Français contemporain. Gonzague Saint Bris a été l’un des champions d’un snobisme élégant de notre époque. Le sens du théâtre, de la représentation, des fêtes collectives au cours desquelles il pouvait donner libre cours à sa fantaisie, à son art de discourir et d’écrire, atteint des sommets.

Julien Gracq l’a décrit ainsi : Il semblait que rien n’était étranger à cet être protéiforme qui dansait non pas avec les loups mais avec ses rêves. Il ambitionnait d’être un de ces hommes de la Renaissance qui jonglaient avec la politique, les arts, les femmes, les jeux et les réjouissances.

C’est peut être son dandysme qui l’a empêché d’être pleinement reconnu dans sa carrière d’écrivain. Ecarté à trois reprises par l’Académie Française, il vaut pourtant mieux que certains de cet hémicycle.
Bateleur médiatique, on voyait surtout l’homme des fêtes, le raconteur d’histoires qui enchantait la vie en en extrayant les petites histoires les plus merveilleuses de la grande Histoire. 
Nombre de biographies tapissent son parcours comme celles de Vigny, Dumas, Balzac, Flaubert, La Fayette. En 2002, son roman d'inspiration autobiographique Les Vieillards de Brighton est récompensé par le prix Interallié, puis son roman L'Enfant de Vinci par le prix des Romancières en 2006.  Cela prouve que le snobisme pris au sens large (une vie sociale sur-active) n’empêche pas un regard sur l’âme humaine.
Et au contraire peut-être le favorise, en cultivant justement une sensibilité aigue des romanciers.

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Article très intéressant, je pense que le snobisme est une posture qui consiste à ressembler aux membres d'un groupe de la société. Le snob n'a pas de personnalité propre et singe les attitudes de ce qu'il tient pour chic et distingué. En littérature, cette posture a paradoxalement donné une originalité . @Sylvie de Tauriac

Publié le 17 Juin 2024

@ qui s'est risqué dans SNOBISME, etc. : Sujet inépuisable, on est toujours le snob de quelqu'un et le bouseux d'un autre ou une. 1 Sine NOBilitate se sentait tenu de compenser, mais Voltaire a rompu le décret d'empêchement : "Vous finissez votre nom, je commence le mien !" dit-il au chevalier de Rohan (duc, ou autre, j'ai oublié) Alors le snobisme me semble être davantage une posture pour les éditeurs et les médias que de l'auteur à son ouvrage. Si je devais citer un snob actuel, je dirais Edouard LOUIS, amateur du 5e arrondissement de Paname, et aussi Annie ERNAUX dans son pavillon de Cergy... Bref, chacun ses snobs !

Publié le 15 Juin 2024

Bel article, oui, je pense aussi que le snobisme , dans l'écriture, donne libre cours à la fantaisie que j'aime bien.

Publié le 15 Juin 2024