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Le 25 nov 2022

Littérature, arts, presse, courriers : la censure pour raison d'Etat

La morale est multiforme et n’a pas le même sens dans tous les pays du monde. En Corée du Nord, en Thaïlande, en Iran ou en Arabie Saoudite elle prend des formes variées, mais elle gère, dans toutes les régions du monde, ce qui peut se dire ou doit être tu. De même, chaque époque a établi ses propres règles. Bien-pensance, convenance, morale sont des notions à géométrie variable, modifiables au gré des pouvoirs ou des régimes en place.
L'état : l'espace ou l'on fixe ce qui est dicible et autoriséL'état : l'espace ou l'on fixe ce qui est dicible et autorisé

La censure pour raison d’État. Cette forme de censure existe depuis toujours ou presque. Son histoire proche, correspond à l’évolution progressive des médias.

La Première Guerre mondiale. Censure de l'écrit : lettres, courriers, presse, littérature

Pendant la première guerre mondiale en France, la censure fut omniprésente, visant particulièrement la presse et le courrier des soldats.
Les jeunes soldats français partent dans l’euphorie, « la fleur au fusil » persuadés de la brièveté du conflit. On leur a décrit les soldats allemands comme des hommes mal préparés, sous-alimentés et sous-équipés. La chute sera dure : les Allemands sont plus grands et plus corpulents que les Français, très bien entraînés, fort bien armés et très disciplinés.
La surveillance de la presse et du courrier est tout d’abord essentiellement destinée à garder secrets les plans de bataille, les manœuvres lors des offensives, les positions des régiments et des armées. Il faut intercepter tout ce qui peut être préjudiciable « aux intérêts de la défense nationale » selon les termes de l’état-major. En France, le décret sur l’état de siège suspend la liberté de la presse le 2 août 1914. La censure s’exerce sur tous les journaux qui sont régulièrement distribués avec des espaces blancs correspondants aux articles retirés ou des caviardages en noir rendant impossible leur lecture.
En 1916, s’installent les premières commissions militaires qui s’intéressent désormais aux opinions et au défaitisme et qui contrôlent surtout le moral du soldat. Mais la censure n’a au début qu’un impact très limité au vu de la masse de courrier à filtrer. Les historiens s’accordent à dire que moins de 5 % du courrier provenant du front sont contrôlés chaque jour par des lecteurs sous l’autorité militaire.
La presse, elle, totalement muselée devient, par ailleurs, un outil de propagande au service de l’État : les récits des combats que l’on trouve dans les journaux officiels diffèrent de beaucoup des témoignages venus des tranchées. Dans ces écrits, l’armée française est supposée invincible, alors que les Allemands sont rabaissés et ridiculisés.
Mais c’est sur les lettres des soldats que le gouvernement concentre son travail. Il crée, fin 1915, un contrôle postal et lui attribue deux missions : surveiller le moral des combattants et censurer les correspondances jugées nuisibles.
Celui-ci ne regroupe au départ que neuf commissions de quinze à vingt-cinq membres. Mais, ses équipes s’étoffent et, à la fin du conflit, ce sont jusqu’à 180 000 lettres qui seront contrôlées chaque semaine.
L’acheminement du courrier est facilité par la franchise postale qui est instaurée entre les soldats et leur famille dès le 3 août 1914. Afin de simplifier le traitement du courrier et de la censure, l’administration militaire va par ailleurs créer des cartes pré-imprimées avec des phrases types qu’il suffit de cocher ou de rayer.
Malgré la censure, les poilus évoquent les effroyables conditions matérielles dans lesquelles ils se trouvent : ils expriment leurs souffrances face à la boue des tranchées, au manque de nourriture, au froid, aux rats et à la vermine, aux assauts ennemis, à la peur de la mort… tout en essayant de rassurer leurs proches.
Certaines lettres sont écrites par des soldats sur le point d’être fusillés, souvent injustement, pour mutinerie, blessure volontaire ou désertion de poste. Car la peur de la vérité amène les autorités militaires à des actes incroyables.
Environ 500 soldats français furent fusillés à titre d’exemple au cours de la Grande Guerre, souvent parce qu’ils s’étaient révoltés contre les conditions épouvantables dans lesquelles la hiérarchie militaire, obsédée par la discipline, les maintenait. La majorité de ces exécutions ont eu lieu au début du conflit, en 1914 et 1915. Les soldats refusaient d’obéir à un pouvoir qui leur avait menti et tentaient de le faire savoir. Il faut ajouter à ce chiffre un nombre important, mais non quantifié, d’exécutions sommaires.
Les mutins de 1917 n’étaient, pour la plupart, pas des déserteurs et n’abandonnèrent pas leur poste : en mai 17, après les offensives meurtrières du Chemin des Dames et du plateau de Craonne, ces soldats exprimaient leur refus du sacrifice inutile, de l’acharnement sanglant, monstrueux et sans limites qui leur était imposé… À ceux-là, il faut ajouter, notamment, les soldats fusillés sans preuve pour « abandon de poste en présence de l’ennemi » ou sur le fondement de certificats médicaux attestant des mutilations alléguées à tort comme volontaires, pour fuir les combats. À ce propos, ne pas oublier de lire ou de relire les romans bien documentés « un long dimanche de fiançailles » de Sébastien Japrisot et « le Boucher des Hurlus » de Jean Amila.
Dans toutes les armées mêlées au conflit des hommes seront passés par les armes par leurs propres troupes :
l’Italie remporte la palme avec plus de 1000 soldats exécutés, les officiers font aussi mitrailler ou bombarder les troupes qui se replient ;
la France suit de près avec de 500 à 700 fusillés pour l’exemple dont certains par tirage au sort, sans compter les exécutions sommaires effectuées par des officiers et sous-officiers dépassés par les évènements et n’arrivant plus à faire respecter ordres et contre-ordres très souvent stupides :
les troupes du Royaume-Uni n’en compteront que 300 ;
les États-Unis et le Canada n’en cumuleront que 80 environ ;
l’Allemagne, toujours plus disciplinée, moins de 50 officiellement.
Pour faire taire les voix discordantes, la censure n’hésite jamais entre le pire et l’encore pire.

La Seconde Guerre mondiale et la censure : littérature, art, théâtre, cinéma, presse

Le second conflit mondial, en évaluant l’évident échec des tentatives de censure lors de la guerre de 14-18, va affiner ses moyens en tenant compte que de nouveaux médias se sont développés, le plus efficace étant la radio.
Les différents pouvoirs en place vont donc utiliser un nouveau cocktail : la « propagande », la délation et la désinformation, jointes à la bonne vieille censure traditionnelle.

À ce jeu, l’Allemagne nazie domine d’une bonne tête : aucun mode d’expression n’est épargné.

Quand la censure devient doctrine et laisse place à la propagande

L’exposition d’« art dégénéré » de 1937 à Munich (qui n’était pas la première du genre) est précédée d’un jour par l’inauguration de la première exposition de « l’art allemand ». Les critères d’« art dégénéré » incluaient tout artiste ayant un rapport (réel ou présumé) avec la « peste juive » ou les tendances « bolcheviques » ainsi qu’avec toutes les avant-gardes. Dans la peinture, la non-soumission au gigantisme réaliste nazi et aux canons académiques de la figuration condamnait les impressionnistes, les expressionnistes, cubistes, tachistes, futuristes et le mouvement dada. Pour mieux dénoncer le « caractère pathologique de l’art moderne », des photographies de malades mentaux étaient exposées à côté de certaines œuvres.
Le contrôle exercé par le pouvoir nazi sur l’art et la persécution qu’il a mené contre les créateurs et leurs œuvres ont été parfois considérés simplement comme une action politique et de propagande, seul véritable art du Troisième Reich.
L’art nazi est vu comme étant capable de modeler inconsciemment et de façon active la masse du peuple
En 1924, Hitler précise : « Cette purification de notre civilisation doit s’étendre à tous les domaines. Théâtre, art, littérature, cinéma, presse, affiches, étalages doivent être nettoyés des exhibitions d’un monde en voie de putréfaction pour être mis au service d’une idée morale, un principe d’État et de civilisation. »
Cependant, Hermann Göring a décelé très vite la valeur commerciale des mouvements fauviste, cubiste, surréaliste (Entartete Kunst) et va à l’encontre du chemin tracé par son boss Adolf, grand artiste devant l’Éternel. Il s’appropriera une immense collection d’œuvres classiques, mais aussi représentatives de toutes les tendances modernes (pas folle, la guêpe !).

Ce n’est pas, la première fois, ni malheureusement la dernière, que les formes artistiques, quelles qu’elles soient, font l’objet d’interdiction lorsqu’elles sont passées à la moulinette d’un visionnaire autoproclamé.
Il faut cependant constater que plus un gouvernement est totalitaire et, partant, en péril, plus l’étouffoir est intense tout en frôlant souvent le ridicule.
Actuellement, l’interdiction du rock & roll, parfois de la musique de façon globale, de la danse, de la fête, des cerfs-volants (!) laisse pantois.
Le bourrage de crâne, la désinformation et depuis peu l’utilisation des réseaux sociaux pour la diffusion de « fake news » fonctionnent à plein en Russie, en Corée du Nord et dans de nombreux pays totalitaires. Le but est toujours le même : empêcher l’individu de penser de façon autonome.

La protection de la jeunesse : un prétexte rêvé pour élargir le champ d' interdiction des écrits 

En 1949, une Commission de surveillance et de contrôle des publications destinées à l’enfance et à l’adolescence est créée. Elle a pour but d’exercer une censure positive. Le texte a été modifié en 2011 afin de se concentrer principalement sur les ouvrages étrangers afin qu’aucun ne comporte un « contenu présentant un danger pour la jeunesse en raison de son caractère pornographique ou lorsqu’il est susceptible d’inciter à la discrimination ou à la haine contre une personne déterminée ou un groupe de personnes, aux atteintes à la dignité humaine, à l’usage, à la détention ou au trafic de stupéfiants ou de substances psychotropes, à la violence ou à tous actes qualifiés de crimes ou de délits ou de nature à nuire à l’épanouissement physique, mental ou moral de l’enfance ou la jeunesse ».
Plutôt bien vu, mais ce contrôle est trop souvent utilisé à des fins moins avouables.

La censure aujourd’hui particulièrement centrée sur les corps d'état

Des exemples, plus ou moins officieux, montrent que la censure n’a pas complètement disparu dans notre histoire récente : en 1974, le quotidien Libération était interdit dans les casernes de pompiers en raison de la publication d’articles « susceptibles de nuire à la discipline et au moral des troupes. » Plus récemment, après l’élection de Nicolas Sarkozy à la présidence de la Ve République le 6 mai 2007, un article du Journal du Dimanche qui affirmait que sa femme du moment, Cécilia Sarkozy, n’avait pas voté au deuxième tour, aurait été censuré.

Jusqu’au 20 novembre 2015, le ministre de l’Intérieur et les préfets avaient encore le droit de prendre « toute mesure pour assurer le contrôle de la presse et de la radio ». Cette loi sur l’État d’urgence avait été votée en 1955 pendant la guerre d’Algérie. Après les attentats du 13 novembre 2015, les mesures ont été actualisées et le contrôle de la presse a été supprimé. Ce n’est donc que depuis la fin de l’année 2015 que plus aucun texte de loi en France n’empêche la publication d’un texte.

L’affaire des caricatures de Charlie Hebdo…

Charlie Hebdo est un journal hebdomadaire satirique français, fondé en 1970 par François Cavanna et Georges Bernier dit « le professeur Choron ».
Il faisait suite à Hara-Kiri hebdo lui-même interdit en 1970, à la suite de la une : « Bal tragique à Colombey : un mort » (merci, une fois de plus, à Raymond Marcellin). Charlie laisse une large place aux illustrations, notamment aux caricatures politiques, mais pratique aussi le journalisme d’investigation en publiant des reportages menés à l’étranger comme en France.
Le journal revendique une ligne éditoriale de défenseur acharné de la liberté de la presse et de la laïcité, mais concilier liberté d’expression et respect des individus semble être un défi de plus en plus ardu. En 2006, Charlie Hebdo avait diffusé des caricatures de Mahomet, des dessins humoristiques concernant le prophète de l’Islam. Une couverture réalisée par Cabu accompagnait ces caricatures, ce numéro avait fait polémique à l’époque, mais s’était vendu à près de 400 000 exemplaires, alors que le tirage régulier était de 140 000. Plusieurs organisations, comme l’Union des organisations islamiques de France ou la Grande Mosquée de Paris avaient engagé une procédure contre Charlie Hebdo. Les intégristes musulmans se sont rapidement emparés de l’affaire et ont conduit aux attentats criminels de janvier 2015. Le 14 janvier 2015, le numéro suivant (1178), titrant « Tout est pardonné » de Charlie Hebdo se vendra à plus de 7 millions d’exemplaires alors que ses ventes habituelles tournaient autour de 30 000 exemplaires. La preuve est faite, une fois de plus, que la censure (officielle ou non) et ses conséquences peuvent déboucher sur des succès inespérés.
Aujourd’hui encore ces sujets restent compliqués et difficiles à aborder. Peut-on rire de tout  et avec qui? C’est une autre question qui s’est souvent posée et reste d’actualité.

Les censures parallèles.

Si la censure d’état a bel et bien disparu en France, nous sommes cependant confrontés à une nouvelle forme de « boycott » décidée par des personnages souvent eux-mêmes plutôt sulfureux qui s’arrogent le droit de penser pour les autres au nom d’une morale évidemment discutable.
Morale, le grand mot est lâché…
Comme je l’ai signalé en introduction, il n’y a pas une morale, mais des morales, des tas de morales ! Personne, donc, ne peut les respecter toutes.
Ces anathèmes, relayés par tous les réseaux sociaux, amènent souvent les auteurs visés à jeter l’éponge.

Liberté de la presse.

Reporters sans frontières, une organisation non gouvernementale internationale fondée en 1985 et qui se donne pour objectif la défense de la liberté de la presse a récemment publié le classement mondial de cette liberté. La France est classée 26e sur 180 pays, une avancée de 8 places depuis le précédent classement.
Le classement qui suit est donc basé sur les chiffres de Reporters sans frontières de janvier 2022.
Cette liste ne tiendra pas compte, cependant, des forces militaires, des juntes, des mafias, des milices, des cartels qui pèsent un poids non négligeable sur la liberté d’informer dans l’ensemble du monde. Nous nous contenterons de citer les chefs d’État les plus remarquables qui œuvrent de toutes leurs forces pour la liberté et la transparence portées au plus haut niveau.
Cette liste (non-exhaustive), est alphabétique afin de ne léser aucun prétendant au titre suprême.
Les grands gagnants sont :
Abdallah ben Abdelaziz Al Saoud — Arabie Saoudite — Roi (166e place).
Issayas Afeworki — Érythrée — Président de la République (place très enviée d’avant-dernier).
Haibatullah Akhundzada — Afghanistan — Dirigeant suprême de l’État, chef des Talibans (156e)
Ilham Aliev — Azerbaïdjan — Président de la République (154e).
Bachar el-Assad — Syrie — Président de la République (171e).
Gurbanguly Berdimuhamedov — Turkménistan — Président de la République (177e).
Tamim Ben Hamad Al Thani — Qatar — Émir — Monarchie absolue (128e). Le Qatar, grâce à cet excellent classement, son respect des droits de l’homme et particulièrement ceux de ses ouvriers immigrés, sa remarquable participation à la lutte contre le changement climatique a été choisi à juste titre pour l’organisation de la Coupe du Monde de football 2023 par l’ensemble des pays représentés à la FIFA. Un très grand bravo à toute l’équipe !
Muhammadu Buhari — Nigeria — Président de la République (129e, mais aussi classé 154e en ce qui concerne la corruption).
Miguel Diaz-Canel, successeur de Raúl Castro — Cuba — Président du Conseil d’État et Président de la république (173e).
Recep Tayyip Erdogan — Turquie — Président de la République (149e place, en recul constant depuis 20 ans).
Hu Jintao — Chine — Président de la République (175e et largement en recul depuis ces derniers jours).
Yahya Jammeh — Gambie — Président de la République (50e place, plutôt honorable malgré de gros dérapages).
Paul Kagame — Rwanda — Président de la République (136e).
Islam Karimov — Ouzbékistan — Président de la République (133e).
Ali Khamenei — Iran — Guide suprême de la République (178e)
Kim Jong Un — Corée du Nord, despote caractériel, champion toutes catégories. (180e et dernière place).
Vladimir Poutine — Russie — Président de la République (155e en janvier 2022 et a encore perdu des places depuis le début de la guerre en Ukraine),

Ajoutons que le Maroc (où pouvoir royal et religion font bon ménage, le roi étant le commandeur des croyants) qui, en général, fait preuve d’une relative modération, vient de condamner en août 2022 à Oued Zem la blogueuse Fatima Karim à deux ans de prison ferme pour offense à la religion musulmane.
Il faut, donc, noter qu’en ce qui concerne la liberté de la presse et de l'écrit, dans notre vaste monde, la censure se porte toujours bien !

L’avenir de la censure : le combat contre le net et les fake-news

Le recours à la censure en France est maintenant extrêmement rare, il faut rappeler cependant à titre d'exemple que l’utilisation de la croix gammée nazie y est interdite  sauf dans le cas de films historiques ou de tableaux et d’œuvres culturelles.

Négationisme, complotisme, racisme, révisionnisme sur le net : des thèmes difficiles à combattre

Cependant, avec la généralisation du web, la protection des populations les plus fragiles : les enfants, bien sûr, mais aussi personnes peu familiarisées avec internet reste nécessaire pour lutter contre la pornographie, le négationnisme, le complotisme, le racisme et les déconstructeurs en tous genres. Pour ce faire, on fait appel à des médiateurs qui s’efforcent de surveiller le contenu des sites, des blogs, de certains comptes pouvant poser des problèmes.
La tâche, on s’en doute, est immense. Depuis quelque temps, on a recours à l‘Intelligence Artificielle pour filtrer les contenus susceptibles de traiter de thèmes surveillés et régis par la loi. Les résultats sont, pour le moment, bien médiocres.

Grâce aux réseaux sociaux (ou à cause d’eux), tout le monde peut critiquer tout le monde. La bien-pensance frappe tous azimuts et l’opinion publique s’enflamme avec une facilité particulière dans ce domaine.
Les influenceuses et influenceurs autoproclamés, leurs imitateurs et ré-plicateurs prêchent pour leur chapelle sans guère de contrôle. Ce ne sont, bien souvent que des phénomènes de mode manipulés à des fins parfois commerciales, rarement idéologiques.
Le wokisme, un mouvement qui avait au départ des objectifs respectables, n’est maintenant qu’une façade politiquement correcte, une fausse pureté morale et une nouvelle forme d’intolérance, épée à double tranchant pouvant ne faire qu’empirer les choses, esquiver les polémiques et soumettre tout un chacun à des schémas de pensée dominants.
Ces schémas mènent à conduire tout le monde à l’adhésion à des causes qui ne sont pourtant pas partagées par chacun : Militantisme frénétique, écriture inclusive, orthographe chamboulée pour des raisons futiles, antiracisme systémique sans tenir compte des différences culturelles, masculinité considérée comme définitivement toxique, etc.
Une étude française, réalisée en 2021, indique que les concepts associés à la « pensée woke » sont inégalement partagés et souvent considérés comme une nouvelle forme de censure, d’un puritanisme hystérique et, à terme proposant de nouvelles formes de ségrégation. Plutôt dangereux. Si, évidemment, on ne doit pas essentialiser les différences entre êtres humains, elles existent heureusement et ne pas le reconnaître est intellectuellement parfaitement improductif, le droit à la différence faisant partie de tout individu.

La censure a disparu en France pour laisser place à une autocensure de bon aloi, allant à l’encontre de l’Esprit des Lumières, qui permet de dézinguer sans discernement le virilisme, l’androcène et le patriarcat, les barbecues, les études décoloniales, les discours antispécistes, l’écologie radicale, l’école publique… Bien des sujets qui mériteraient pourtant de véritables débats objectifs et dépassionnés, car, il ne faut pas se leurrer, l’extrémisme est aussi redoutable dans la vertu que dans la violence.

Jean-Michel Boschet

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Merci @Boschet Jean-Michel pour votre article bien documenté (avec cependant l'erreur concernant le président Chinois qui n'est plus Hu Jintao depuis novembre 2012, mais Xi Jinping).
Tous les aspects de la censure pour raison d'Etat ont été abordés, de même que d'autres formes de censure tendent à s'imposer, tels les concepts associés à la « pensée woke », l'autocensure sur certains sujets.
Il faut cependant admettre que si la censure pour raison d'Etat dans les pays démocratiques relevait d'une nécessité conjoncturelle (périodes de guerre), protection de catégories de personnes (mineurs par exemple), elle se manifeste de manière brutale et excessive dans les pays totalitaires.
L'équilibre entre nécessité de censure et liberté d'information est difficile autant à déterminer qu'à contrôler. On peut dire aussi que la technologie des communications par les réseaux sociaux constitue (c'est heureux) un espace de liberté permettant de battre en brèche la censure d'Etat dans les pays totalitaires.
Merci pour le partage de cet important travail de recherche. MC

Publié le 05 Décembre 2022

J'aimerais rebondir sur le commentaire de Franck. En préambule, je ne suis pas un adepte ni un membre de l'Eglise mais il faut dire, si l'on veut être honnête sur la séquence de Galilée, que ce ne fut pas l'Eglise qui voulut l'envoyer au bûcher mais ses propres pairs scientifiques. Si l'on reprend le contexte de l'époque, les "élites" scientifiques d'alors croyaient encore dur comme fer au modèle bimillénaire aristotélicien du géocentrisme que décrit plus tard Ptolémée. Galilée, lorsqu'il marcha dans les pas de Copernic (qui ne fut jamais inquiété par l'Eglise), fut célébré par le peuple et par l'Eglise en étant reçu par le collège pontifical et en devenant même membre honoraire de l'académie des lyncéens patronnée par l'Eglise. En fait, ce sont les élites scientifiques partisanes du géocentrisme, qui, se sentant menacées et ayant été plusieurs fois ridiculisées par les explications et démonstrations de Galilée qui, n'ayant pas de prise scientifique sur lui, cherchèrent à lui nuire, en fait, à le tuer, en montant contre lui dominicains et jésuites au sein de l'Eglise afin de l'accuser d'hérétisme en jouant du fait que leur théorie était alors le dogme admis par l''Eglise. Si l'Eglise fut l'arme qui le menaça, cette arme était en réalité brandie par le monde scientifique qui ne tolérait pas, et tolère d'ailleurs toujours encore très mal que l'on ose venir le contredire. D'ailleurs, si l'Eglise mit 400 avant de reconnaître son erreur, le temps que l'on oublie l(a pseudo-)infaillibilité de ses édits, le monde scientifique mit lui 300 ans. 300 ans... de moqueries, de dénigrements, de vilénies pour au final, finir par ensuite l'encenser... Ne l'oublions pas non plus. Nous avons d'ailleurs, à notre époque "moderne" un exemple tout aussi parlant de la puissance du corporatisme scientifique en ce qu'il a fallu des décennies avant que l'on veuille bien finir par admettre la réalité du réchauffement et l'impact de l'homme en la matière. Ce n'est que dos au mur et face à l'évidence que ce corporatisme a fini par céder. Je suis donc assez curieux de voir si cette tribune, au demeurant très intéressante, dédiera aussi une page à la censure du monde scientifique qui, pour moi, ne représente absolument pas la vraie science, tout perclus qu'il est d'a-prioris, d'absence de réelles vérifications, d'egos surdimensionnés et de visions réductrices. Je vous invite à lire à cet égard l'article suivant paru dans le Monde : "plus un chercheur pluridisciplinaire est performant, moins il est susceptible d'être accrédité par ses pairs". Cette remarque n'est pas du complotisme mais du réalisme. Ce n'est pas une volonté de remettre en question les découvertes, l'expression d'un désir de retourner à l'ère de la bougie, mais aider à comprendre que le monde scientifique est, comme tous les autres, le reflet de notre société mal en point puisqu'il est composé des mêmes gens. Leur affirmations ne peuvent donc pas, elles non plus, être tenues pour des "paroles d'évangile" et nécessitent toujours beaucoup de circonspection. C'est cela au fond, je le crois, la vraie science.

Publié le 30 Novembre 2022

Merci @Boschet Jean-Michel pour votre article très fourni.
La censure a malheureusement existé de tout temps depuis des époques immémoriales où il ne fallait pas contredire le monarque en place (on ne peut d'ailleurs toujours pas se moquer de la famille royale quand on est en Grande-Bretagne).
Les religions ont notamment été terribles sur le sujet, le catholicisme notamment, quand Los Reyes Católicos ont terriblement renforcé l'inquisition puis que Galilée a frôlé le bucher, s'en sortant mieux que Bruno Giordano par exemple.
Enfin, pour reprendre votre conclusion, l'auto-censure est aujourd'hui trop présente et est renforcée par les termes dits "politiquement corrects".
Ainsi, un Coluche ne pourrait pas présenter ses sketchs aujourd'hui et on n'ose plus dire que "le ton monte" mais plutôt que "la femme moche est dans l'ascenseur".
L'irrévérence est sans doute beaucoup plus facilement attaquable que la bienséance, quoi que.
Enfin, le wokisme, ce mouvement de pensée, se veut être un guide de pensée mais est très malsain dans ses approches.
Il me semble fondamental de respecter les individus dans leurs différences tout en prônant l'égalité.
De façon triviale, une femme et un homme sont différents. Et il est fondamental qu'ils soient égaux.

Publié le 29 Novembre 2022