Je m’appelle Youssouf Marius Abdoulaye et je suis originaire du Moyen-Chari, Sahel, Tchad.
Tchad. Tapez ces cinq lettres sur un moteur de recherche : on ne vous présentera que l’image d’une société archaïque, plongée dans une violence permanente, déchirée entre Nord et Sud, entre éleveurs et agriculteurs, musulmans et chrétiens. Or, s’il est vrai que la violence sous toutes ses formes se vit au quotidien dans nos villes, sur nos terres, les Tchadiens sont aussi attachés à la vie tout simplement.
Mon prénom Marius ne figure même pas sur mon acte de naissance. Un jour on a qualifié mon nom d’« hybride ». Et que dire encore quand je me présente comme séminariste, donc probable futur prêtre de l’Église catholique…
Tenant compte de tout ceci, voilà comment désormais je me présente : je suis fils de ma mère, une femme Goulaye au courage admirable.
Ma vie entière porte la marque de l’abandon (je n’ai jamais eu le loisir d’appeler « papa » mon père biologique), mais aussi, et surtout, la marque du combat d’une femme qui a fait la preuve à sa communauté qu’une femme seule et sans ressource pouvait réussir à élever un fils de la meilleure façon. Pour certains, ma survie relevait du miracle ! Au final, c’est le patriarcat qui est remis en cause par mon histoire, et par celle de ma famille plus largement.
Ma passion pour la littérature est née de ma rencontre avec le Centre Emmanuel (aujourd’hui « Puits de Jacob »), bibliothèque à N’Djamena
En classe de 5e, je suis choisi pour être assistant-bibliothécaire. En classe de 1re, c’est le tournant avec le concours de la Francophonie « Dis-mois-dix-mots ». J’y participe dans la catégorie poésie. J’obtiens la 3e place au niveau national. Les textes des trois premiers lauréats sont ensuite envoyés à Dakar.
Abracadabra ! Je me retrouve deuxième au niveau intercontinental, sur plus de 40 000 candidats venus de 46 pays. Après l’annonce du résultat, je n’ai plus lâché la poésie qui m’a rapporté quelques autres prix au niveau local.
Pour quoi écrit-on au Tchad ? Impossible de donner une réponse tranchée. Mais ce qui est sûr, c’est qu’on n’écrit pas pour gagner de l’argent. Cela, on sait que c’est perdu d’avance. Alors, on écrit pour signaler son existence, pour dire des choses qu’on porte, pour porter la voix des autres (l’expression « voix des sans voix est en vogue »), pour partager…
De toute manière, la première condition pour être édité est qu’il faut avoir de l’argent, suffisamment d’argent. En tout cas, une somme mirobolante pour un jeune homme de ma condition.
Notre situation actuelle nous contraint à écrire pour autre chose que le divertissement : les inégalités, les injustices, la corruption et les violences sont telles qu’on passerait pour le plus insensible des êtres si l’on se lançait dans du feel good. Ainsi, les messages qui importent le plus au jeune tchadien que je suis sont celui de l’égalité pour tous, la liberté, la justice. D’ailleurs, tout se résume à cela : la justice. Un autre Tchad est possible, et c’est ce qu’il nous convient de proclamer et de revendiquer, la plume à la main, comme seule arme. Il faut dire qu’en face, il y a des gaz lacrymogènes, des chars combats et, en cas de danger imminent, les Rafales de l’Armée française.
Il y a des jours où j’écris à loisir, et d’autres où c’est le vide total ; l’envie et l’inspiration ne venant pas toujours simultanément. Pour moi, l’écriture n’est pas qu’une parenthèse ou un moment donné d’expression. Elle est le seul outil par lequel quelques oreilles peuvent percevoir ma petite voix. Des choses à dire, ça ne manque jamais dans ce pays qui est le mien : il ne se passe pas un jour sans que quelque ne choque mon esprit. Tenez, l’intégration à la police d’un gamin de 11 ans, l’autre de 17 ans à peine qui est général deux étoiles, l’enlèvement d’une fille de 11 ans par des individus à bord des voitures V8, les tueries gratuites, les répressions sanglantes des manifestations pacifiques, et j’en passe. Quand j’ai quelque chose à dire, je me saisis de la poésie qui est ma seule arme.
- 4 maisons d’édition
- 1 seule véritable librairie
Mais des auteurs passionnés, combatifs, des initiatives pour faire naître l’intérêt pour le livre dans une société « où l’on survit plutôt qu’on ne vit ». Marius Youssouf nous parle de son pays, de son quotidien, et nous dévoile une étonnante réalité.
- Lecture par l'auteur
- Article in extenso de Marius Youssouf
Vous avez écrit un livre : un roman, un essai, des poèmes… Il traine dans un tiroir.
Publiez-le sans frais, partagez-le, faites le lire et profitez des avis et des commentaires de lecteurs objectifs…
@mBS avec plaisir.
@Vanessa D.L. ,@Alix Verne, @Zoé Florent, @Aubin MAZAYE, @FANNY DUMOND, @Florian D. Nouboussi, @Camille M.
Merci pour vos manifestations de sympathie envers un auteur que nous aimons et que nous soutenons.
Nous vous annonçons que notre ami Youssouf Marius sera présent au Festival (off littérature) Africajarc. C'est une aventure pour nous tous, une première petite victoire sur le silence.
Vous pouvez nous aider beaucoup en relayant son article sur vos réseaux, en partageant massivement, en demandant à vos amis de le faire. Et pour ceux qui le peuvent, en achetant son livre disponible sur amazon.
Ce qui est particulièrement merveilleux, c'est de voir que Marius sait faire se lever les cœurs !
Merci, et continuons à le soutenir.
Découvrir Africajarc : https://www.africajarc.com/2023
@Youssouf Marius Abdoulaye je vous en prie
@Camille M merci beaucoup. Oui, pour moi la littérature est un engagement. Chez nous, nous disons que le divertissement est réservé à ceux qui sont déjà arrivés à un certain niveau. Quant à notre société, il y a tellement à faire que l'engagement est un devoir pour qui écrit.
@Florian D. Nouboussi merci de l'avoir apprécié.
@FANNY DUMOND merci pour l'attention que vous accordez à mes écrits depuis mon arrivée sur le site.
Oui en effet, l'accès aux livres est un peu difficile, mais on essaye de faire avec ce qu'on a.
@mBS merci beaucoup pour la note, et me voici de retour dans la communauté.
@Aubin MAZAYE pour l'heure pas encore, mais j'envisage le faire. Il me faut un peu de partenariat pour faire un petit tour dans les grands centres urbains de mon pays. C'est en projet.
@Aubin MAZAYE oui, c'est rassurant de la savoir, parce que ces derniers temps chez nous se développe un concept: "vivre de son art", et on en parle si fort qu'on croirait que celui qui ne tire rien de ce qu'il fait doit abandonner.
Sinon, je suis étudiant et dans un régime d'internat, donc je n'ai pas une activité lucrative.
@Zoé Florent merci beaucoup, je me souviens de vos commentaires également, et c'est grâce à ces coeurs attentifs que nos textes trouvent de la valeur.
Prenez soin de vous.
@Alix Verne c'est ce que j'essaye de faire, de mieux en mieux, et vos invitations à continuer donnent de la force. Merci.
@Vanessa D.L. merci de l'avoir lu.
Cet article est très éclairant d'une réalité bien différente de la nôtre, en France... Et très poignant. Cela me donne encore plus envie de découvrir votre plume ! Votre vision de l'engagement par la littérature est belle et forte. Meilleurs vœux de continuation à vous
Très bel article !
Bonjour Marius ! Et dire que nous croulons sous les livres et que dans certains pays francophones, comme le vôtre, il est si difficile d'avoir accès aux livres, à la culture de l'esprit ! Ravie de vous avoir écouté et entendu sur l'un de vos poèmes qui ont tous attiré mon attention depuis leur parution sur mBS. Bravo pour ce grand tour d'horizon sur votre pays, vos tribulations, vos motivations et surtout sur cette jeunesse qui tient à dire ses doutes et ses espoirs. Je vous souhaite une bonne retraite spirituelle et vous adresse mes sincères salutations que vous partagerez avec votre maman chérie.
Merci à vous@mBS ainsi qu'à@Catarina Viti pour votre bonne idée de donner la parole à ces jeunes auteurs francophones, courageux (qui écrivent parfois au péril de leur vie), qui ont compris que la meilleure des armes pour lutter contre l'inculture, la désinformation, est celle des mots écrits. Pour nous ouvrir les yeux, à nous qui sommes dans notre petit confort, loin d'imaginer comment cette jeunesse se bat pour s'élever, pour sortir de sa condition dans des pays où règne le chaos politique, clanique et insécuritaire. Je loue également ces polyglottes pour leurs gros efforts à maîtriser le français (souvent mal enseigné) qui n'est pas forcément la langue parlée et écrite dans leur pays, même si officiellement, il l'est.
Bien cordialement. Patricia
Merci à tous pour vos commentaires. Merci pour vos partages sur les réseaux. Merci également à celles et ceux qui ont passé commande du livre de Youssouf Marius sur amazon.
Chaque goutte compte pour aider notre ami à faire entendre sa voix.
Surtout, continuez à manifester votre soutien de toutes les manières possibles, vous avez compris à quel point la situation est complexe dans ce pays.
Marius viendra répondre prochainement (après Pâques) à tous vos commentaires. Pour l'instant, il est en retraite spirituelle et ne peut donc communiquer avec l'extérieur.
(@Vanessa D.L., @Alix Verne, @Zoé Florent, @Aubin MAZAYE) Merci à vous, et à vous tous.
@Marius Youssouf Pour faire évoluer une société, tout passe par l'éducation. Faites-vous la lecture de vos poèmes dans les écoles tchadiennes ?
@Marius Youssouf Bonjour, si ça peut vous rassurer, en France non plus on n'écrit pas pour gagner de l'argent, sauf une ultra minorité chanceuse. Je pense que vous avez un métier alimentaire à côté pour subvenir à vos besoins financiers ? Bonne continuation, et j'espère que votre livre est bien placé dans l'unique librairie de N'Djamena.
@Marius Youssouf Belle et touchante tribune-témoignage... Je me souviens avoir lu l'oeuvre écrite en hommage à votre mère ; elle m'avait émue au-delà du style élégant et poétique qui caractérise vos écrits.
Je vous souhaite le meilleur, ainsi qu'à vos proches !
Michèle-Zoé (ex-Lamish)
Il faut porter cette lumière, la vôtre... Nous ne tenons tous que par cela !
Quel article poignant !