Amélie Nothomb : l'éternelle "Goncourable" Pour la troisième année consécutive, le nombre de lancements de romans se situe en deçà de 500. Par le passé, leur nombre dépassait 600 et a même pu atteindre 750 (en 2010).
>> La rentrée littéraire est une tradition française réputée, où les grands éditeurs mettent en avant des titres qui participent aux Prix d'automne (Goncourt, Renaudot, Femina), tandis que les auteurs moins connus espèrent bénéficier de la fréquentation des librairies à cette période.
Les libraires doivent donc faire face à l'arrivée massive d'ouvrages en rayon. Ils sont donc généralement particulièrement critiques face à la surabondance, même s'ils bénéficient de l'attention médiatique sur leur activité.
La profession appelle à une « diminution massive » de la production. La gestion du commerce de livres est complexe
>> Pour illustrer la situation : en deux jours seulement, le mercredi 21 et le jeudi 22 août, près d'une centaine de romans sont publiés en même temps.
Les mettre en rayon immédiatement et simultanément est impossible. Ce sont donc des paris, des coups de cœur, des stratégies commerciales... qui sont mises en place. Calculées ou intuitives, gagnantes ou pas.
La présence en librairie représente une question de vie ou de mort pour chaque nouveau titre. Des ouvrages de qualité enterrés, des œuvres médiocres portées au pinacle, tout est possible.
Aujourd'hui, la production littéraire est quatre fois supérieure à celle des années 80 (...) alors que le lectorat s'est clairement rétracté.
Alors bien sûr, cela profite aux auteurs les mieux installés, les plus connus. Les sélections sont drastiques.
Sinon, les librairies seraient des cavernes d’Ali-baba.
Limiter l'offre pose un problème de taille.
>> Cela signifierait de rejeter certains ouvrages d'auteurs loyaux à une maison et/ou de diminuer le recrutement de nouveaux auteurs, avec le risque de laisser passer des talents.
Cela n'empêche pas Grasset, la maison de l'édition numéro un en France, de publier douze romans en août et septembre, tandis qu'Albin Michel en publie une dizaine.
Dans ce contexte, les grands vainqueurs sont les valeurs sûres
>> Les éditeurs accordent d'autant plus d'importance à leurs auteurs les plus célèbres qu'ils sont leurs fonds de commerce.
Certains sont « fusionnés » à leurs maisons, tels Amélie Nothomb pour Albin Michel avec son sempiternel roman annuel, Maylis de Kerangal pour Verticales, Jérôme Ferrari pour Actes Sud, Yasmina Reza et Alice Zeniter pour Flammarion.
D’autres auteurs célèbres viennent de changer de chevaux, à l’image de Kamel Daoud, très attendu pour la rentrée passé d’Actes Sud à Gallimard pour Houris (sur la décennie noire algérienne – 1992-2002), Aurélien Bellanger, de Gallimard au Seuil pour Les Derniers Jours du Parti socialiste
Cette année, l’actualité nourrit les textes
>> L'actualité a des effets directs sur la fréquentation des librairies, elle irrigue aussi les textes. Le conflit en Ukraine est au cœur du Courage des innocents, de Véronique Olmi (Albin Michel)
De son côté, Justine Augier prolonge son travail sur la guerre civile en Syrie avec Personne morale (Actes Sud). Le mouvement iranien « Femme, vie, liberté » a inspiré à la journaliste Delphine Minoui Badjens (Seuil). Du 7-Octobre est né Shabbat noir, de Lisa Hazan (Les Equateurs).
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Merci pour le renvoi à la lettre de Diderot que je m'en vais lire avec grand intérêt !
@vous qui écrivez, qui lisez. Que penser de l'outrecuidance de cette profession nommée l'édition qui appelle à une « diminution massive » de la production. Pardon, mais qu'elle se dém..., et d'abord, qu'elle revoie son fonctionnement totalement archaïque. Avez-vous lu, de Diderot, sa "Lettre sur le commerce de la librairie" (https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6443411c) ? En ce 18e siècle, "librairie" = édition. Allez-y, foncez ! Puis on se demandera ce que l'Instruction publique puis l'Education nationale ont fait pour aussi bien faire mûrir que démolir l'écrit... Je devais vous parler de... euh, Octave Mirbeau et aussi Umberto Eco, accueilli à Paris3 quand j'y étais, et pour un séminaire annuel au Collège de France sur "la quête d'une langue parfaite", 1992-93 (pff, les premiers rangs étaient squattés par Jack Lang et autres filousophes. Voir aussi le site https://www.college-de-france.fr/fr
M. Dumas a tout à fait raison, la mafia de l'édition n'édite que ses copains; dans ces conditions la littérature n'existe plus, et ne peut plus exister. En effet Victor Hugo, à notre époque, sous un faux nom et sans carnet d'adresse, se verrait refuser d'édition, tout comme Voltaire, Rousseau, Zola, illustres génies enterrés au Panthéon, étudiés en classe, et qui finiraient à notre époque avec une lettre de refus.... Vive la France de l'hypocrisie et du déclin.
@Catarina Viti
je vous souhaite courage et succès !
@Patrice Dumas. Eh oui. Qui plus est, nous sommes en terre vierge ! Donc, nous prenons le meilleur du meilleur, le suc, le miel de l'édition, et nous partons sur cette base.
@Catarina Viti
Evidemment, cela change tout. J'en viens à croire, pour avoir conduit des affaires sur le plan international, et l'avoir personnellement constaté, que de nombreux secteurs d'activités sont mieux gérés à l'étranger qu'en France. Hélas, cela est particulièrement déplorable concernant la littérature, quand on connaît la richesse de notre pays en ce domaine.
@Patrice Dumas. Bonjour Patrice... un truc que je n'ai pas précisé : notre Maison n'est pas en France ! Et je peux vous dire que c'est une vraie, sacrée, époustouflante aventure. Non, jamais je n'aurais franchi ce pas en France (pour les raisons que vous avez précisées, entre autres).
@Catarina Viti
Eh bien, non, Catarina, je ne vous suivrai pas. Tous, nous avons envoyé nos manuscrits à des éditeurs, et qu'avons-nous obtenu en retour ? Passons sur les maisons qui n'accusent pas réception, sur celles qui ne lisent pas les manuscrits (j'en avais "piégé" un que j'ai récupéré, toujours vierge), celle qui ne se fendent même pas d'un mail de refus, dont la réponse est : "Sans nouvelle de nous sous trois mois, considérez que votre manuscrit n'a pas été retenu." Ne parlons pas des délais de réflexion qui vont jusqu'à un an, des courriers passe-partout : "Malgré ses qualités...", des réponses qui ne se rapportent pas au manuscrit envoyé (si, si), et de celles qui expliquent ainsi : "... ne correspond pas à notre catalogue..." (ah bon, j'avais envoyé un roman policier à une maison spécialisée dans les romans policiers...) la raison pour laquelle nous n'accédons pas au plaisir d'être édités. Plaisir au demeurant des plus douteux, puisque l'éditeur, avant toute autre chose, s'arrogera sans bourse déliée (ou si peu) le fruit de notre labeur (on appelle ça la cession des droits d'auteurs -au nom de quoi, d'ailleurs), rendra des comptes annuellement, avec un paiement aux calendes (Amazon est capable de payer les royalties mensuellement, à 45 jours, alors que les éditeurs demandent à leurs auteurs d'être leur banquier). Laste beute noteliste, l'auteur, maillon sans lequel la "chaîne" - la bien nommée - du livre n'existerait pas, sera celui qui touchera le moins du prix final de son oeuvre littéraire. J'en terminerai avec la proportion certainement la plus élevée au monde de romans étrangers traduits, dans le catalogue des éditeurs, qui est une véritable trahison de la francophonie, et avec cette véritable dinguerie qu'est le mode de sélection : "Votre manuscrit n'ayant pas fait l'unanimité chez les membres notre comité de lecture..." Bref, les éditeurs recherchent des écrits fades, dans un français basique, pauvre en vocabulaire, calqués sur le même schéma (il suffit de lire Amélie Nothomb, qui chaque année sort le même roman, ou de rechercher un imparfait du subjonctif dans un récit de Marc Lévy). Parfois, un lecteur m'écrit gentiment : "Votre livre, je l'ai lu jusqu'au bout.", ce qui, peut-être, illustre que les livres édités, à force de vouloir plaire à tout le monde, ne satisfont plus personne.
"Un jour j'irai vivre en Théorie, car en Théorie tout se passe bien." écrivait de sa plume croustillante Pierre Desproges... Pour ma part, j'aimerais bien vivre un jour en Amnésie, car aux Amnésiques, tout est permis :-).
Il n'est pas forcément nécessaire de se retrouver de l'autre côté de la barrière pour considérer les maisons d'édition (devenues boucs émissaires d'un monde littéraire en souffrance) avec empathie.
Pour ma part, j'ai toujours salué et je salue encore leur mérite à entretenir le feu sacré, contre vents et marées. Apprendre que "le nombre de romans à paraitre en 2024 se stabilise" est une bonne nouvelle.
Bonne chance à ceux qui mettent pour la première fois le pied à l'étrier d'une rentrée littéraire, merci pour ce billet et bon dimanche à tous.
Amicalement,
Michèle
C’est curieux, chez les autoédités, cette animosité envers les éditeurs... (second degré).
*
Pour avoir été bombardée, par deux amis, éditrice en chef d’une Maison d’Édition, j’ai l’outrecuidance d’affirmer qu’une Maison est un bien inestimable pour la littérature, et ce, pour plusieurs raisons :
Une ME cherche les écrivains (dans une meule de foin), les accompagne, les « coache », les soutient, les conseille, leur permet de passer de l’ombre à la lumière,
Une ME crée et fait vivre une véritable structure qui permet aux livres d’exister, aux lecteurs d’être assurés de trouver de vrais beaux textes,
Une ME ne fonctionne que par passion, car lorsque l’argent arrive, les poules ont des dents,
Une ME fait beaucoup plus qu’éditer des livres, faire émerger et connaître des talents : une ME aide une nation particulière à bâtir son identité, à écrire sa mémoire.
Etc.
Si l'on rendait à chacun ce qui lui revient ?
Quatre cents cinquante-neuf romans édités... Mais il y a aussi les nôtres. L'édition n'a pas le monopole de la qualité. Elle ne juge pas le soin apporté à la rédaction d'un ouvrage, le style de son auteur, mais le potentiel commercial du "bouquin". Aujourd'hui, Céline ne serait pas édité ; j'ai même des doutes pour Victor Hugo, dont les phrases seraient jugées trop longues, à une époque ou la vaste majorité des livres destinés au grand public ignorent l'imparfait du subjonctif. A la demande des éditeurs, ou avec leur assentiment tacite, la plupart des auteurs contemporains "écrivent comme on cause." C'est chouette, ça fait "peuple" (c'est peut-être pour cette raison que leurs auteurs hantent davantage les pages des magazine "people" que celles des revues littéraires). Et ne me parlez pas des romans policiers à la mode, dont l'action se situe (forcément) dans une région jouxtant le cercle polaire, ces "polars venus du froid", plus ou moins bien traduits (attention à tourner les pages avec des moufles pour ne pas attraper des engelures), dont l'enquêteur porte le nom d'une chaise IKEA, et le coupable, celui d'une marque de Vodka aux herbes de la toundra.