
Un matin de décembre,
Un doux bichon au noble pedigree,
Le blanc pelage agrémenté de gris,
Contemplait de sa chambre,
Tout autour du sapin
Du jardin,
Le manège
Des lents flocons de neige.
Il se dit :
« Sortons, c’est samedi.
Allons voir les guirlandes
Du bistroquet Aux Croquettes gourmandes. »
Par bonheur,
Sa maîtresse, distraite,
Avait laissé la porte ouverte :
Notre fugueur
Aristocrate
S’enfuit à toute hâte.
« Comme il est beau, le boulevard Canin
En ce joyeux matin,
Plein de liesse et d’odeurs alléchantes,
D’étoiles de Noël
Et du chahut d’un chœur d’enfants qui chantent
Des hymnes de Handel.
Le spa canin et ses fins toilettages,
La pâtissière et ses yogourts glacés,
Le commerçant de foulards non genrés,
Les coûteux étalages,
Tout est luxe et beauté,
Tout n’est que volupté. »
Ivre de tant d’abondance,
Notre bichon s’égara,
Pour son plus grand embarras,
En un lieu de pestilence,
Un enclos boueux,
Prison d’un corniaud miteux,
Un malheureux gémissant avec peine
Tout au bout de sa chaîne,
Corps efflanqué,
Le souffle fin prêt à manquer.
Le bichon s’enhardit, malgré son épouvante
Devant une misère à ce point éprouvante :
« Que t’est-il arrivé, demanda-t-il,
Pour aboutir en un pareil chenil?
- Hélas, répondit l’autre,
Mon sort n’a pas été le vôtre.
Je suis un vagabond,
Le voyou d’un bas-fond,
Seul survivant d’une portée
Qui succomba à peine née,
Errant de taudis en taudis,
Partout rejeté et maudit.
Je suis vieux, j’ai la gale,
J’achève ma cavale.
Demain, je serai
Euthanasié. »
Épuisé, le pauvre hère
S’affala lourdement par terre,
Dans un dernier effort
En attendant la mort.
Notre bichon s’en fut, les yeux en larmes.
La journée avait perdu tous ses charmes,
Le ciel ne brillait plus,
Tout était gris, tout était nu,
Mais la neige
Poursuivait son manège
Folichon.
Notre bichon,
Cherchant à mettre trêve
À cet affligeant rêve,
Parvint à se faire raison
Sur le chemin de sa maison.
« Bientôt, se dit-il, ce sera la fête.
Déjà la table est prête.
Il y aura des biscuits et des os,
Des croquants à la dinde.
On invitera Rex, Milou, Ringo
Et la belle Élizinde.
Elle portera son collier perlé
Et son ruban bleuté.
On courra en joyeuses sarabandes
Tout autour des guirlandes.
On mangera,
On jappera. »
Un peu honteux, après cette balade,
Retrouvant son monde enchanté,
Il se dit : « Mieux vaut être riche et en santé
Que pauvre et malade. »
Que celui qui n’a jamais été cruel
Soit le premier qui accable
Le bichon de la fable...
Soyez affable,
C’est Noël.
La morale, quelque peu irrévérencieuse que tire notre bichon de son aventure, est inspirée d’un aphorisme célèbre de l’humoriste Yvon Deschamps, qui l’avait peut-être emprunté à Francis Blanche.
Vous avez écrit un livre : un roman, un essai, des poèmes… Il traine dans un tiroir.
Publiez-le sans frais, partagez-le, faites le lire et profitez des avis et des commentaires de lecteurs objectifs…
@Fernand Fallou @Christophe M @Zoé Florent @Delpopolo Antonia @A.P. Gounon @Parthemise33 @Annie Pic @Caroline Devivie @Valérie Pison
Durant la pandémie, à Montréal, les services offerts aux personnes itinérantes, souvent affectées de problèmes de santé mentale ou de toxicomanie, ont été regroupés autour du parc Émilie-Gamelin, dans le quartier où j’habite. Les conséquences de la pandémie continuent de se faire sentir, et la cohabitation dans le quartier s’avère problématique à bien des égards. Il y a quelques jours, un matin, je me suis aperçu qu’une personne s’était construit un abri de fortune, dans la ruelle derrière chez nous, pour s’y réfugier durant la nuit, alors que le mercure était descendu jusqu’à -10°C (-17° avec le facteur de refroidissement éolien). Que faire en pareille situation? Prévenir les équipes d’intervenants sociaux et de policiers qui cherchent à repérer les personnes susceptibles de mourir de froid? Demander que les campements improvisés soient démantelés en raison des conflits qui finissent immanquablement par surgir? Partager nourriture, vêtements, couvertures? Annuler le réveillon de Noël par solidarité ou par mauvaise conscience? Je n’ai guère de réponses toutes faites à ces questions. Tout ce que je souhaite, tout comme vous, c’est qu’en 2025 nous puissions œuvrer collectivement pour une plus grande justice sociale, une plus grande solidarité humaine. C’est cette affabilité que vous m’avez partagée par vos réflexions judicieuses. Je vous en remercie du plus profond du cœur. Joyeux temps des fêtes à tous et à toutes!
@jean Daigle-Roy
Ouaf !! Dit le bichon, un peu chafouin d’avoir trouvé un compatriote malheureux… mais après tout, que peut il y faire, lui si petit et si mignon?
Laissons cette pensée s’envoler en profitant des truffes ( au chocolat….).
merci pour ce poème d’une belle ironie et joyeuses fêtes malgré tout !
@Jean Daigle-Roy
Une fable cruelle qu'on aimerait cependant se raconter au coin du feu. Elle donne à réfléchir sur notre facilité à détourner le regard. Un très beau texte.
Je vous souhaite un beau Noël,
Caroline
@Jean Daigle-Roy
Bien que notre doux bichon découvre les misères de la vie, cela n'entame presque en rien sa gourmandise canine...
Cette ode, au beau sapin du jardin et aux lents flocons de neige qui tombent ce joyeux matin de noël, donne à réfléchir sur sa morale. Merci pour cette contribution plutôt atypique.
Annie
@Jean Daigle-Roy C'est choquant, mais tellement vrai. Un regard apitoyé au clochard assis sous une porte cochère, puis nous réveillonnerons sans plus y penser. A nous huîtres, champagne et foie gras ! Slurp ! A une autre époque, pas forcément plus belle, l'assiette dite du pauvre, ou du voyageur était toujours prévue. Nous pourrions y repenser à notre échelle. Une assiette partagée, même sous un porche, c'est un premier pas. Merci Bisous Merci pour cette fable qui nous met face à nos propres contradictions. Très joyeux Noël à vous
Jolie fable de Noël où un bichon très choyé rencontre la misère et en tire une morale un peu sommaire mais indiscutable...ne l' accablons pas : c'est Noël ! Merci Jean pour ce charmant texte. Anne
@Jean Daigle-Roy
Cruel Jean! Merveilleux poète qui décrit si cyniquement cette belle féline frivole et ce chien galeux si malheureux. C'est bizarre mais j'ai l'impression que cette petite société animale sans pitié ressemble comme deux bouchées de pâté à la notre? Je vous prie cher Jean, dites moi que je me trompe. C'est Noel nom de nom!
@Jean Daigle-Roy Un poème qui m'a évoqué mon "Un Noël inattendu", inspiré d'une rencontre aussi triste que celle que fait votre bichon. Un poème qui m'a fait sourire a posteriori aussi, car tout canins qu'ils soient, les stéréotypes s'en donnent à coeur joie... Pauvres bichons, victimes de tant de préjugés :-) !
Merci pour cette contribution habile, cher Jean, et joyeuses fêtes de fin d'année !
Michèle
Un poème cruel, comme la vie souvent, pour ce 21ème jour de l'avent ;)
@Jean Daigle-Roy
Comme le bichon, l'esprit de Noël s'échappe de ce texte présenté façon poésie.
Une histoire, de Noël et de bichon, qui a perdu de vue que Noël est une fête de joie, de bonheur et de beauté.
Mais il peut émaner de la beauté de certains textes tristes.
Oui, j'ai été cruel quelques fois, mais c'est pas une raison pour continuer.
C'est le moment d'être affable comme le demande le texte, c'est Noël !
Bravo !
FF