A son réveil, rien n’avait changé - LE TRIO GAGNANT

L’air du temps influence l’esprit et la tonalité des nouvelles

L’air du temps sans doute a aussi guidé votre imagination : la guerre, la maladie toutes les violences et en particulier les femmes battues, la résilience, l’incapacité d’échapper à son destin. En bref les thèmes d’aujourd’hui qui génèrent souvent un pessimisme ambiant.
Mais peut être que la formulation du thème induisait cela : A son réveil, rien n’avait changé. Un bonheur perpétuellement reconduit a sans doute moins d’intérêt qu’une épreuve sans cesse renouvelée.

On ne juge pas une nouvelle comme un roman

L’exercice de la nouvelle est particulier, et correspond à des normes, des canons spécifiques. Sa vertu ou ses exigences sont de nous arrimer en quelques lignes à un récit, de nous y projeter, et de nous couper la chique par une fin twistée ou surprenante qui nous laisse pantois. Nous inviter immédiatement dans l’action, mais ménager un suspense.

Et si nombre d’auteurs parviennent à remplir une ou deux de ces fonctions, plus rares sont ceux qui remplissent les trois, nous semble-t-il. 
Ce sont ceux bien sûr ceux que nous avons eu tendance à récompenser.
Reste aussi la conformité de la nouvelle au sujet à traiter. On ne peut élire vraiment une nouvelle que si l'on ne voit un lien avec le thème proposé.

Place aux lauréats

Prix 1. Un destin : Philippe De VOS 

Un livre a plusieurs vies et la curiosité d’un nouveau lecteur est un incessant recommencement d’expérience.Toujours identique et toujours différent. 

Cette Nouvelle mérite de figurer aux sommets du classement pour son caractère romanesque et imaginatif. Cet hymne à la lecture et au roman est par ailleurs abordé avec beaucoup de poésie. 

La chute est excellente et n’interrompt pas le récit, elle ouvre à de nouveaux horizons. Bravo !  

Prix 2. Ce jour là – YZA  

Entrer dans l’habitude, la monotonie, le rituel du travail, et de son quotidien. Oui c’est le propre de la vie. Mais il y a des dates qui font exploser le quotidien.

Le style de cette Nouvelle est élégant et le récit permet de rentrer dans le monde de la paysannerie de la grande guerre de manière précise à travers des épisodes de la vie quotidienne. C’est simple et très attachant.
La chute fait appel à une fin soudaine qui surprend le lecteur. L’évidence s’impose …

Prix 3.  Bien pire encore – Emma C –

 Le rituel de la souffrance est un rituel comme un autre que l’on guette, que l’on attend. Comme si l’on ne pouvait pas vraiment exister si son bourreau manquait son Rendez-vous quotidien.

Ce récit c’est la description de l’intolérable traité avec une force incroyable et des mots qui touchent. Le style est ramassé, réduit à l’essentiel. La chute qui ne laisse aucun espoir est dans la continuité du récit. Sur ce dernier point on cherche une fin qui aurait permis un effet de surprise. 

Prix de la chute. Un accident bête - YGEN. 

Quand le passage de la vie à la mort se fait comme un glissement naturel. Presque sans transition. Que conscience et inconscience se fondent pour nous tracter vers l’infini, c'est magique et talentueux.

Cette nouvelle est une performance, moins pour sa qualité d’écriture que pour son aptitude à nous conduire sur les chemins du vrai et du faux, du vraisemblable et de l’invraisemblable, de la vérité et du mensonge… dans cet état particulier que certains peuvent connaitre : entre la vie et la mort. Et une chute magistrale

Prix  de la psychiatrie. Miroirs - Vivien PLOUVIER

Se réveiller tous les jours avec les mêmes démons avec soi, à côté de soi, en soi. S’installer au quotidien dans cette horreur et ce malaise. Percevoir chez les autres ce qu’on ne peut détecter chez soi.. C’est peut-être cela l’enfer.

Une nouvelle magistrale qui nous embarque sur des chemins de traverses. Et qui nous largue dans le dernier virage dans une autre dimension. Fantastique.

Prix de l’humour. A l’arrière des dauphines- Alex Cordouan

La vie et l’histoire sont un éternel recommencement dont l'homme tire peu de leçons. Seule une rencontre peut enflammer tout ça !

A la fois, très ambitieuse et comique cette nouvelle me ravit. Humour et dérision puisés dans un champ d’imagination burlesque et dérisoire.

Prix vert. Rêve d'arbre- Lou Alpin

Un hymne à la forêt, à la nature qui de jours en jours, de saison en saison devrait reproduire un rituel éternel de renaissance ! Et pourtant…

Une idée originale, bien traitée, qui nous sort des registres traditionnels des nouvelles déjà lues. Saluons cet exercice à l’écriture soignée habile, brillant, pessimiste et pourtant clairvoyant.

Prix de la nouvelle poétique. Madame la Rose- Giraudot

Voilà sans doute un des plus jolis rêves qu’un lecteur puisse faire : recueillir le témoignage et les impressions des héros de son livre préféré, ses regrets, ses remords.

On s’attendait au pire !  s’attaquer au « petit prince » n’était  pas raisonnable .
Surprise, la magie opère dès la première phrase, le style est fluide, rythmé jusqu’à la chute. Cette Nouvelle est poétique, ce qui reste une exception dans la sélection proposée. Sa conformité au sujet reste discutable (et discutée).

Prix de la Science-fiction. L’honnêteté à la louche - Laurence LABBE

L’ère de l’euthanasie et du suicide assisté n’abolira pas l’ère des escrocs et du truandage. Comment mourir, ressusciter, re-mourir et vivre ...c’est ce que cette nouvelle vous apprendra.

Un exercice de style ambitieux, cynique pour cette nouvelle de Science-fiction. Presque réaliste, ce qui lui donne une force particulière. Une forme moderne de "l'arroseur arrosé".

Prix de l' Espoir. Tout bouge un jour - Pépita Carles

C’est une approche originale que de considérer que le réveil, est un éveil aux causes que l’on se doit de défendre, et que celles-ci ne sont jamais assez protégées, et que tous les jours on doit se battre pour elles encore et encore.

Une nouvelle, bien écrite, bien menée, construite au cœur du sujet. Un traitement du sujet appréhendé de manière oblique avec talent.