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Le 22 sep 2025

Avez-vous vraiment écrit un roman ?

Beaucoup d’auteurs auto-édités, ici et ailleurs, pensent avoir écrit un roman. Aussi, sans hésitation, le proposent-ils à la lecture dans l’une des catégories : feel good, romance, new romance, psychologique, aventure, historique, humoristique, épistolaire… et autres ! Mais s’agit-il vraiment et toujours d’un « roman » ? Ce mot fait rêver et offre une légitimité à l’auteur. Pourtant, dans bien des cas, ce que nous classons en roman n’en est pas. Est-ce grave ?
Qu'est-ce qui fait qu'un roman est un roman ?Qu'est-ce qui fait qu'un roman est un roman ?

Qu’est-ce qu’un roman ?

Un roman ne se définit pas selon la longueur du texte, même si celle-ci compte. Un texte de 60 pages ne peut être qualifié de « roman ». Mais la longueur ne suffit pas. Un roman est avant toute chose une construction :

>>       Une intrigue, avec un début, un milieu, une fin.

>>       Des personnages qui évoluent, se confrontent, changent.

>>       Un fil narratif qui porte le lecteur et lui donne envie de tourner les pages.

Un roman est un engagement envers le lecteur : on lui promet un récit qui tienne, qui se déploie, qui le prenne avec lui, l’emporte. Quand cette promesse n’est pas tenue, le lecteur se désintéresse du livre et se sent trahi.

Quand le roman n’en est pas un

En réalité, beaucoup de manuscrits que nous voyons apparaître dans la catégorie « roman » appartiennent à d’autres familles d’écriture. En voici quelques-unes :

>>       Le faux roman-journal : présenté comme une fiction, il s’agit plutôt d’un journal intime déguisé. Le « je » règne en maître, les fragments se succèdent, mais aucun arc narratif ne se construit.

>>      Le faux roman-thérapie : l’auteur raconte ses blessures, ses traumatismes, mais sans les transformer en récit. Le texte a une très forte valeur personnelle, mais il n’a pas de souffle romanesque.

>>       Le faux roman-chronique : ce sont des observations sociales, des billets d’humeur, des dialogues d’idées. Intéressants, et même parfois brillants, mais encore une fois, il ne s’agit pas d’un roman.

>>      Le faux roman-idée : tout est au service d’un concept (philosophique, politique, utopique), d’une idée, d’une situation. L’histoire n’étant, en fin de compte, qu’un prétexte pour dérouler des points de vue.

>>       Le faux roman-poétique : des images, des éclats, des sensations. Un bel exercice de style… mais le lecteur cherchera en vain l’histoire promise.

Pourquoi il est important de prendre conscience de la vraie nature de son écrit

Le mot roman crée toute une liste d’attentes chez le lecteur :

Être embarqué : sentir dès le début qu’on lui raconte une histoire qui l’entraîne.
Comprendre où il se trouve pour s’y « transporter » : un décor, une situation claire, une ambiance qui ancre.
Rencontrer des personnages : des êtres incarnés, avec des désirs, des failles, des questionnements, des contradictions.
Suivre une trajectoire : voir évoluer une intrigue, sentir qu’il y a un avant, un pendant, et un après.
Être surpris : avoir des rebondissements, des révélations, des tensions.
Éprouver des émotions : rire, trembler, s’attacher, s’indigner, pleurer pourquoi pas.
Avancer : chaque chapitre doit donner envie de découvrir la suite.
Arriver quelque part : une fin qui éclaire, conclut ou bouleverse, mais qui ne laisse pas un simple « bon, et alors ? ».
Sentir une cohérence : style, rythme, personnages et intrigue qui tiennent ensemble.
Être respecté : le lecteur ressent que l’histoire a été racontée pour lui. A aucun moment, il ne se sent seul devant l’ego ou les brouillages de l’auteur.

Si l’attente est déçue, le lecteur referme le livre, avec ce sentiment terrible : « On m’a menti. » Mais il suffit que l’auteur assume la vraie nature de son texte, et tout change. Un journal peut toucher. Un carnet peut intriguer. Un recueil de fragments peut fasciner. Un témoignage peut bouleverser. La clé, c’est la justesse de l’étiquette.

Avez-vous vraiment écrit un roman ?

Vous n’avez peut-être pas raté votre roman. Vous avez peut-être écrit autre chose. Et c’est cet « autre chose » qui a de la valeur, à condition de le présenter pour ce qu’il est réellement. Il ne s’agit pas de déclasser votre travail, mais de le nommer correctement, de le présenter comme il se doit pour ce qu’il est. Et ça, ça fait une différence !

En résumé, Ceci est un roman

- Une intrigue
- Des personnages qui évoluent
- Une progression
- Un fil narratif clair
- Un engagement envers le lecteur

Et, ceci n’est pas un roman

- Un journal intime (même rebaptisé « fiction »)
- Un récit thérapeutique où l’auteur déverse ses blessures
- Une chronique sociale ou philosophique sans véritable intrigue
- Un concept/une thèse habillés de personnages décoratifs
- Une suite d’images ou de fragments poétiques sans fil narratif

Diagnostiquez votre texte

Il se passe ceci…
Une narratrice raconte jour après jour ses pensées, ses rencontres, ses angoisses.
S’il se passait cela… ça ferait un roman
La narratrice est confrontée à un événement qui bouleverse sa vie et l’oblige à agir, changer ou échouer.

Il se passe ceci…
Un auteur déroule ses souvenirs d’enfance et les décrit avec nostalgie.
S’il se passait cela… ça ferait un roman
Ces souvenirs reviennent parce qu’un secret de famille éclate au présent et force le narrateur à reconsidérer son passé.

Il se passe ceci…
Le texte accumule des images, des sensations, des impressions poétiques.
S’il se passait cela… ça ferait un roman
Ces images servent une histoire (une rencontre, une perte, une obsession) qui se construit de page en page.

Il se passe ceci…
On lit une succession de conversations où chacun expose ses idées.
S’il se passait cela… ça ferait un roman
Les personnages s’opposent, s’aiment, se trahissent : leurs paroles changent leur destin.

Il se passe ceci…
L’auteur confie ses blessures et ses colères, sans filtre.
S’il se passait cela… ça ferait un roman
Ces blessures deviennent la matière d’un récit où un personnage affronte ses démons, et où le lecteur suit une trajectoire dramatique

 
Un roman, sinon… autre chose

>>       Un roman emmène son lecteur quelque part.
Un journal ou un carnet raconte surtout le chemin intérieur de l’auteur.

>>       Un roman a un fil qui relie chaque page.
Un recueil de fragments brille par ses éclats, mais sans réelle continuité.

>>      Un roman met en scène des personnages qui évoluent.
Un témoignage expose une expérience vécue, sans toujours la transformer en récit.

>>       Un roman promet une histoire.
Les autres formes promettent un regard, une voix, une intimité.

Classez votre livre dans la catégorie qui est la sienne.

Écrire est un acte immense qui vous implique corps et âme. Vous avez pris des mots, vous en avez fait une forme, et vous l’avez portée jusqu’au bout. Mais avez-vous pour autant écrit un roman ? Écrire un roman est un exercice si particulier : cela suppose une ossature, un fil, une histoire qui dépasse son auteur pour rencontrer l’universalité de l’expérience humaine.

Si votre texte n’entre pas dans cette case, ne prenez pas cela comme un échec. Vous avez peut-être réussi un journal, un carnet, un témoignage, un recueil poétique. Et c’est très bien ainsi.

Car un livre trouve toujours son chemin quand il est fidèle à sa nature. Ce qui blesse le lecteur, ce n’est pas de lire un carnet ou un témoignage : c’est de croire ouvrir un roman, et de découvrir autre chose.

Alors, posez-vous cette question simple, libératrice : Ai-je vraiment écrit un roman ?
Si la réponse est oui, poursuivez avec exigence.
Si la réponse est non, assumez la forme qui est la vôtre.
Vous n’avez pas « raté » un roman : vous avez trouvé votre voix.
Et c’est peut-être bien plus précieux.

 

 

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11 CommentairesAjouter un commentaire

Merci pour cet article qui fait parfaitement la part des choses sans porter de jugement de valeur, j'aime bien la notion "d'engagement envers le lecteur", cette promesse faite par l'auteur à ses lecteurs est à mon sens le point essentiel qui distingue le roman des autres formes de récit et qui en fait la complexité et la beauté.
Portez-vous bien et longue vie à MBS et à MBL ! De nos jours lire et écrire c'est résister.

Publié le 04 Octobre 2025

Merci pour cet article très éclairant !

Publié le 01 Octobre 2025

@Sylvie de Tauriac
Bien d'accord, il y a eu une revue Brèves consacrée exclusivement à la nouvelle mais en général ce genre est plutôt déprécié en France. Comme un poème, une nouvelle qui englobe un univers clos peut atteindre la perfection, alors que pour un roman du fait même de sa longueur, c'est plus difficile, il y a forcément des baisses d'intérêt.

Publié le 26 Septembre 2025

Les lecteurs français se sentent également trahis en lisant des nouvelles, contrairement aux anglo-saxons qui apprécient ce genre littéraire. Le lecteur aime les textes longs parce qu'il veut en avoir pour son argent. Mais ce comportement est ridicule, la nouvelle est tout un art : dire l'essentiel en peu de mots comme les fables de La Fontaine. Un recueil de nouvelles n'est pas un roman, mais un ensemble de petites histoires, un peu comme les films à sketchs. Roman, nouvelles, peu importe, tant que le plaisir d'écrire est là. @Sylvie de Tauriac

Publié le 25 Septembre 2025

@Vanessa Michel
Suite à un échange d'une haute tenue intellectuelle avec un des ces abrutis qui l'ouvrent à tort et à travers sur le site , ma réponse à votre subtile question a été malencontreusement effacée. Je crois que je disais que c'était plutôt de la crotte de cicindèle champêtre. Si vous ne le savez pas, la cicindèle champêtre (à ne pas confondre avec la cicindèle urbaine qui, elle, n'existe pas) est un insecte chasseur redoutable d'une grande rapidité et d'un appétit féroce. Elle attrape ses proies à la course, et sa larve, également carnivore, vit dans un terrier vertical où elle attend qu'une proie passe à sa portée. On voit par là qu'il vaut mieux ne pas lui chercher querelle ; on ne serait pas sûr de sortir de la confrontation avec tous ses membres ou toutes ses oreilles. Gardons-nous donc, autant que du loup-garou ou du gendarme atrabilaire, de la cicindèle champêtre. En revanche, on peut collectionner ses crottes, les faire sécher et en faire un collier. C'est très joli sur le décolleté d'une dame.

Publié le 24 Septembre 2025

Vous voudrez bien m'excuser, sans doute, @Yolanda Potatoe, mais je n'ai pas compris si votre intervention était censée être de l'humour, de l'esprit, ou une crotte de mouche.

Publié le 23 Septembre 2025

@Vanessa Michel
Lumineuse ? Vous allez donc faire des économies d'énergie...

Publié le 23 Septembre 2025

Merci pour cet article qui interroge (comme d'habitude), de manière à la fois précise, didactique et lumineuse.

Publié le 23 Septembre 2025

@Marie Berchoud
Bof le nouveau roman ignore tout cela.
J'ai lu Gommes et je n'ai rien vu de tel !!

Publié le 22 Septembre 2025

@Phillechat5. Vos paroles : sacré paradoxe ! "le roman est très souple : on s'en éloigne rarement"
Mais...
encore faut-il cet arc narratif avec une situation initiale, un déclencheur, une évolution et une déprise ou une fin de parcours.
Dans ce que vous dites, je vois plutôt une efflorescence, une éclosion... un tableau plutôt qu'un récit. et pourquoi pas ?

Publié le 22 Septembre 2025

Pas de problème pour moi : j'écris des poésies !
Plus sérieusement le genre roman est très souple : on s'en éloigne rarement.

Publié le 22 Septembre 2025