Actualité
Du 23 aoû 2019
au 23 aoû 2019

Peut-on optimiser la créativité (4/4) ?

Le modèle de la créativité Disney, sous réserve de l’explorer un minimum, peut considérablement servir les auteurs qui y trouveront de nouveaux éléments pour renforcer leur aptitude à “rêver” et développer une activité de “réalisateur”en apprenant à surmonter autocritique négative et doutes. L'espace de la critique est en effet délicat : on la veut laudative mais objective. Dés qu'elle devient sévère, on considère qu'elle est vengeresse ou non constructive. Alors comment l'appréhender ?
Sans la liberté de blâmer, il n'est point d'éloge flatteur;Sans la liberté de blâmer, il n'est point d'éloge flatteur;

En littérature comme dans de nombreux domaines artistiques, utiliser la "critique pour vivifier notre créativité", tel est le plus important challenge que propose ce modèle.

 

Il y aurait mille choses à dire à propos de la “critique”. Quelques lieux communs, mais tellement vrai, suffiront à nous rappeler à l'ordre. Notre culture redoute la “critique” qu’elle perçoit comme une menace.
Notre éducation nous a en effet inculqué une croyance erronée mais tenace : si notre travail est critiqué, c’est que nos compétences sont discutables. 
Un amalgame se crée ainsi entre notre personne et le fruit de notre travail ; entre une interprétation extérieure et un jugement. Voilà matière à se faire bien des nœuds dans nos cervelles.

Alors qu’en fait, la “critique”, telle que définie dans la stratégie de créativité de Disney et mise en lumière par Robert Dilts, n’est rien de plus qu’un feed-back (un retour d’expérience). C’est-à-dire juste une information sur quelque chose de précis qui permet d’éventuellement rectifier son action initiale. D’où le dicton « la critique est le petit déjeuner des champions ».

Qu’est ce que la “critique”, comment la gérer pour la rendre constructive ?

"L’appréciation d’un résultat obtenu à partir d’un objectif défini."

Simplifions : vous avez eu un “rêve” (une succession d’images, de sons et de sensations articulés ou non en narration). Vous vous êtes alors fixé pour objectif de transformer ce “rêve” en texte. 
Pour y parvenir, vous avez donc quitté le cocon de l’imaginaire pour passer dans votre espace “réalisateur”. Un espace où vous avez travaillé d’arrache-pied, tout en maintenant votre “autocritique” à distance. Et au bout d’un certain temps, vous avez obtenu un résultat.

C’est ce résultat que vous allez analyser et critiquer, d’abord par vous-même, pour ensuite le soumettre à un tiers afin d’obtenir ses analyse et critique personnelles.
Mais, ni vous ni cette autre personne ne critiquerez le texte pour ce qu’il est. Votre critique devra porter sur l’écart entre ce qui a été rêvé et ce que vous avez réalisé.

Voilà ce qu’est la “critique” au sens entendu dans la stratégie de créativité de Disney.
C’est celle-ci et seulement celle-ci qui permet de progresser.

 Pour que votre travail littéraire : poésie, roman, essai puisse être analysé et critiqué, il est impératif que votre objectif de départ soit clairement défini.

Mais au fait, quel était l’objectif de départ ?
Cette question nous impose d’emblée un postulat : pour que votre travail puisse être analysé et critiqué, il est impératif que votre objectif de départ soit clairement défini.

Que vouliez-vous ? Faire rire, frissonner ? Faire voyager votre lecteur ? Lui raconter une histoire personnelle, ou au contraire mettre de la distance entre le texte et vous ? Que souhaitiez-vous écrire ? Une fiction, un témoignage ? Alors quel est en le sujet, le cœur de votre texte ? Et quelle écriture voulez-vous obtenir ? etc.

La critique évaluera le résultat de votre travail en fonction de ces critères prédéfinis. Elle vous signifiera alors dans quelle mesure vous pouvez soit envisager de poursuivre votre travail, soit revenir en arrière pour retravailler certaines séquences.

Ce n’est pas un jugement qui tue, qui fait mal, qui désespère, qui dégoûte ou décourage, c’est une indication.

Pour que la critique littéraire soit intéressante, il faut qu'elle soit formulée par des critiques légitimes.

Il va de soi que cette tâche ne peut être accomplie par l’auteur. Pas question d’être juge et partie. Le rôle de l’auteur est de peaufiner sa vision et travailler son texte en conséquence.
Ensuite, vous ne devez surtout pas solliciter plusieurs critiques à la fois : vous deviendriez « chèvre » très vite. Par contre vous pouvez (c’est un conseil) faire appel à d’autres critiques pour des étapes différentes de votre travail, mais dans ce cas avec des missions spécifiques.

Le principe étant que le critique choisi doit rester impartial. Mais celui-ci ne pourra l’être que si l’auteur fait préalablement sauter l’amalgame entre critique et sentiments/émotions, ceci après avoir spécifié clairement son objectif.

Deux écueils à éviter quand vous faîtes lire votre roman à un critique

Transmettre un livre terminé à votre critique. (Son feed-back ne serait dans ce cas que trop général, donc peu utile, voire même négatif, ce qui poserait alors très vite de gros problèmes à ce stade d’avancement du travail.)

Transmettre votre texte sans avoir initialement décrit avec rigueur votre objectif, mais aussi précisé le service exact attendu. (Vous multiplieriez les risques d’incompréhension entre votre critique et votre texte, donc a fortiori envers vous-même.)

A quelles étapes et quand doit on transmettre son livre pour obtenir une critique utile ?

Dès qu’on éprouve un besoin de feed-back. En d’autres termes, dès qu’on a l’impression d’avoir dévié de son objectif :
Je veux faire frissonner : est-ce que mon style et mon architecture crée le suspense ?
Je veux offrir un style soutenu : ai-je atteint une qualité narrative satisfaisante ?
Le lecteur observera-t-il l’évolution psychologique de mon personnage principal ?
...

En résumé : la “critique” n’est rien d’autre qu’un garde-fou permettant au texte de garder le cap sur sa cible. 
Tout le reste ne constitue qu’une mélasse de réactions partiales et généralement émotionnelles, parfois d’ordre purement personnelles, mais plus souvent dictées par la pression d’une certaine conformité.
Quand elles le caressent dans le sens du poil, certaines réactions maquillées en avis critiques peuvent satisfaire l’ego de l’auteur; tout comme elles peuvent temporairement renforcer son estime de lui-même et inhiber ses doutes. Mais n’oublions pas que, les flatteurs vivant aux dépens de ceux qui les écoutent, de tels avis restent bien fragiles, et leurs conséquences s’avèrent terriblement aléatoires. 

Bien imprudent serait l’auteur(e) qui vivrait au tempo des réactions de ses lecteurs !
Une seule personne sait si votre livre a atteint sa cible : vous-même et ceux à qui vous avez formellement transmis vos objectifs et demandé un feed-back précis.Alors oui, dans ces conditions le dicton prend toute sa valeur : La critique est le petit-déjeuner des champions... et des auteurs en progrès.

 

 

 

 

Vous avez un livre dans votre tiroir ?

Publier gratuitement votre livre

Vous avez écrit un livre : un roman, un essai, des poèmes… Il traine dans un tiroir.
Publiez-le sans frais, partagez-le, faites le lire et profitez des avis et des commentaires de lecteurs objectifs…

Très bel article!Cela me rappelle une expérience personnelle:j'apportai un extrait de mes poèmes à mon prof de français pour m'apporter ses critiques et, après lecture, tout souriant, il me dit:"tu n'as pas réussi, ce n'est pas de la poésie ça, non, il faut tout revoir, reprendre tout à zéro". J'ai dû contenir mon desaroi et très vite oublié cela pour essayer d'avancer. Le fait est que quand on est jeune, il y a le risque que notre critique nous "trace", à la limite nous "impose", un style qu'il juge "parfait"(je faisais de la poésie libre, mon prof voulait de la poésie classique). A ce niveau le critique voudrait plutôt être une sorte de "maître-écrivain", un parrain qui donnerait des lignes d'écriture au jeune auteur, ce qui du coup l'éloigne de son travail qui coniste, comme vous le soulignez bien, à ramener l'auteur sur ses objectifs définis.
Merci pour le partage.

Publié le 08 Octobre 2019

Rezkallahmo
@Colette Bacro Bonjour,
Il y aura toujours une subjectivité commune entre un écrivain et son aide extérieure, une amitié, un lien, qui empêchent l'objectivité pure, le regard direct sur une oeuvre en construction. Le lien entre deux êtres, par des goûts communs, des lectures communes, n'est-ce pas l'équivalent d'une âme coupée en deux ? Que peut-on sortir de nouveau, d’honnête, de sans concession d'un tel binôme, d'une telle entité. Evidemment que dans ce cas, les rapports, sont subtilement faussés.
La personne avec qui j'ai travaillé sur mon dernier roman, a tenu l'attitude parfaite face à moi pendant la phase d'écriture. Elle ma encouragé, corrigé coquilles, grammaire, oublis... sans jamais parler de ce que j'écrivais, sans jamais entrer dans les détails, avec la promesse qu'une fois arrivée la fin, elle me dirait, tout simplement ce qu'elle pense.
Pour ça, je lui suis infiniment reconnaissant.

Publié le 29 Août 2019

Je reçois ce matin un message d'un ami écrivain que je me permets (avec son autorisation) d'évoquer sur cette Tribune où l'on voit une fois encore renaître de ses cendres le même éternel débat.
"Avant d'attaquer la dernière ligne droite, il serait bon de faire un point ensemble.
J'ai besoin de ton ressenti.
Il faut que l'on sente le narrateur comme une image déportée du personnage principal, c'est important.
Il faut que je sache ce qui est bien et ce qui ne l'est pas. Est-ce que ça tient la route, est-ce que c'est agréable à lire, intéressant, est-ce qu'il y a de la profondeur, de la subtilité."
Pour moi, cette demande est une parfaite illustration de l'article. Elle émane d'un écrivain de talent qui se fixe des buts littéraires et demande à une personne de confiance de l'aider à évaluer l'écart entre sa vision originelle et les résultats de son travail.
Cordialement.

Publié le 29 Août 2019

Rezkallahmo
@Eva Verna
Il se dégage un très grand sérieux d'entre vos lignes. Un sérieux qui aujourd’hui m’attriste. Il faut se faire plaisir avant toute chose. Si ça devient un travail, aussi sérieux qu'un travail, c'est mort. Si votre roman, est parsemé d'une intervention externe, cela reste-t-il votre œuvre ? Votre but est la publication, ou raconter votre histoire ? Il est déjà si difficile de restituer intact ce qu'on a en tête et dans le cœur... alors si d'autres s'y mettent...et si votre livre n'a pas d'impact, remettrez-vous la faute, sur ceux qui vous ont aidé, critiqué ?
Je respecte tout de même votre sérieux et vous souhaite qu'il vous mène là ou vous le désirez.
amitiés.

Publié le 28 Août 2019

@Rezkallahmo
Il s'agit néanmoins, en phase de travail et d'évaluation critique, de définir le périmètre de ce que l'on veut faire évaluer. Il ne s'agit pas d'avoir un choc émotionnel positif ou négatif. Mais de bénéficier d'un regard expert, en qui vous faites confiance pour "encaisser", et éventuellement bouger vos lignes parce que les remarques vous parlent.

Publié le 28 Août 2019

Bonsoir, @Colette Bacro

Ta manière de parler moi, me fait toujours très chaud au cœur… revenons au sujet!
L'aspirant écrivain doit relativiser, mais bien comme il faut, ses motivations, et dompter ses rêves, les garder comme rêves, du moins, pendant les premières années de sa formation de scribouillard de la vie. A ce moment, il pourra apprécier les quelques amis, lecteurs, retours, commentaires, attaques, caresses et parfois ignorance...qui s'abattront sur lui. Au diable, les millions de copies vendues, les traductions en elfiques et gobelins...Ha oui...il faut revenir à sa place, humble, travailleur et reconnaissant.

Amitiés.

Publié le 27 Août 2019

Bonjour,
La véritable critique capable de tuer un écrivain, c'est celle de la solitude totale. Qu'un être ou deux, veuillent bien se pencher sur son brouillon, constitue là, un trésor, des ailes, une preuve qu'il est sur le bon chemin, et qu'importe ce que ses délires, inspirent à ses lecteurs de fortune. Un texte entouré de néant, c'est un mort-né. Un auteur, nourri de chaud, et de froid, de bon et de mauvais, a toutes les chances, de devenir quelqu'un...
Amitiés.

Publié le 27 Août 2019

"Il n'est pas de vent favorable pour celui qui ne sait pas où il va".
Je ne me suis jamais penchée sur cette citation de Sénèque pour en décoder tout le sens, mais j'ai toujours pensé qu'il voulait dire : la seule vraie grande joie est d'être arrivé là où l'on espérait, après être passé par mille ports inconnus.
Je partage l'idée de @Marie Morganti (https://www.monbestseller.com/actualites-litteraire/11621-litterature-linspiration-creuse-son-lit-dans-lexperience-et-la-reference) : c'est le travail régulier qui génère l'inspiration. Un travail guidé par des objectifs agissants à la façon de boussole.
Il me semble que tous les auteurs devraient être d'accord sur un point : à partir de la page 50 du manuscrit en construction, les repères se font plus flous, plus on arrive en haute mer, plus on a besoin d'outils pour faire le point régulièrement.
Alors oui, pour ma part je suis persuadée que les objectifs sont les meilleurs outils pour construire un édifice qui tienne debout et ressemble à la vision originelle.
Quant aux personnes qui nous permettent de valider le cap en route, je les conçois comme des ressources (en donnant à ce terme toute sa noblesse), des personnes non pas douées ou aimables mais avant tout compétentes.
Et pour conclure, je dirais que la compétence se créée et que cet article nous en donne une méthode.
Merci à tous.

Publié le 27 Août 2019

Bien, bien, je n'ai rien à redire, ce billet est parfait. J'aurais dû commencer par là :-)

Publié le 23 Août 2019