Chère @Anne Loréal, me croirez-vous ? Lorsque j'ai eu connaissance du premier tome de Constance Deschanel fin 2016, que je m'y suis introduit par curiosité historique au vu des commentaires élogieux d'amies auteures dont j'apprécie la pertinence, j'ai su que j'aurais le plaisir de m'y plonger avec toute l'attention requise dès que le temps me le permettrait. Sa reconnaissance par le livre le + "Saga de l'année" en février, suivie de votre nomination au prix Concours de l'Auteur Indépendant ont confirmé ma première impression. Il me restait à vous lire, sachant que vous emporteriez mon choix pour la sélection finale.
Pourquoi ce choix ?
— J'ai apprécié cette saga déroulant le parcours courageux de ce personnage d'exception, de nature indépendante et déterminée, singulier pour l'époque puisque Constance, contribuant à la naissance du monde moderne se retrouvera à la tête des industries sidérurgiques Wallace (5 usines en France et en Angleterre) et en sera propriétaire pendant 50 ans. Un thème bien choisi, brossant en les opposant, d'une part le destin des jeunes femmes bien nées qui aurait dû être le sien, d'autre part, à travers le refus de l'avenir qu’on lui aurait imposé au décès de son père, sa conception du bonheur ne correspondant pas au schéma traditionnel, l'exercice d'un métier auquel sa curiosité intellectuelle l'avait préparée.
— J'ai apprécié votre écriture, exprimée par le récit des souvenirs d'une vie bien remplie que relate Constance, et je rends un hommage appuyé de connaisseur à votre énorme travail de recherche pour coller à la réalité de la période (1842-1924) durant laquelle vous situez son itinéraire : la vie simple, tranquille et heureuse en bord de Loire, à Bourg-le-Vieil, d'une jeune fille de la bourgeoisie modeste auprès d'un père moderne diplômé de l'Ecole des Mines, qui l'encourage à nourrir des rêves auxquels les jeunes filles n'ont d'ordinaire aucun droit, l'initie aux mathématiques, à la physique, à la chimie, à l'astronomie, à l'étude des matériaux, aux techniques des machines à vapeur ; l'internat dans une institution de jeunes filles, l'Ecole du Saint-Esprit de Bonneval, dont la vocation était, dans un esprit de morale étriquée et conservatrice, de « Donner une éducation des plus solides, développer toutes les vertus et les principes pour en faire des jeunes filles accomplies » ; la dure condition des ouvriers et pire, des femmes dans une fonderie de province puis à Paris ; la mutation du monde industriel de la sidérurgie, jalonnée par la course effrénée vers le progrès technique, pour répondre à un besoin exponentiel en raison du développement des chemins de fer notamment.
En imaginant Constance Deschanel, vous l'avez élevée au niveau des seules trois femmes d'exception que je connaisse qui se sont démarquées durant cette même période : Florence Nightingale (1820-1910) que vous avez citée, Marie Curie (1867-1934) et Alexandra David Néel (1868-1969).
— J'ai aussi apprécié que Constance Deschanel s'insère à la charnière de l'évolution des droits accordés aux femmes, que le poids de l’Histoire et des traditions a maintenues sous tutelle de l’homme jusqu’à une époque récente. Alors que dans les faits, mariées sans leur consentement puis confinées dans leur rôle de mère et de ménagère, leurs mœurs jalousement surveillées, enfermées dans un système entravant toute tentative d’indépendance, les femmes n’avaient quasiment aucun droit, durant cette période, Julie-Victoire Daubié a été la première bachelière en 1861, les femmes ont eu accès aux universités en 1880 et La Sorbonne s’est ouverte aux jeunes filles, Blanche Edwards a été en 1881 la première femme reçue au concours de l’externat en médecine (Des étudiants ont brûlé son effigie au boulevard Saint-Michel), l’École Centrale s'est ouverte aux femmes en 1918.
— Enfin, pour conclure, vous nous avez livré là, par un récit parfaitement structuré, des descriptions remarquables, une très détaillée, juste et intéressante étude de moeurs sur la bourgeoisie de la seconde moitié du 19ème siècle, la condition misérable des ouvriers dans l'industrie, et tout de même quelques personnages sympathiques qui ont contribué au bonheur de Constance.
Merci infiniment, Anne Loréal pour le plaisir que j'ai eu à vous lire. Avec toute ma considération.
Publié le 27 Novembre 2017